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Histoire

Djamel Atallah : « Il fallait interpeller la République »

Rédigé par Mérième Alaoui | Mardi 10 Décembre 2013 à 02:35

           

Ils avaient à peine une vingtaine d’années en 1983. Qu’ils soient marcheurs permanents ou temporaires, ils reviennent sur leurs expériences lors de cette page historique pour les quartiers populaires et pour la France. Parole à... Djamel Attallah, à l'époque trésorier de l'association SOS Avenir Minguettes et un des initiateurs de la Marche pour l'égalité et contre le racisme.



Les marcheurs Farouk Sekkai et Djamel Attallah, en 1983.
Les marcheurs Farouk Sekkai et Djamel Attallah, en 1983.
Marcheur historique, Djamel est présent dès le départ aux côtés de Toumi Djaïdja. Issu des quartiers des Minguettes, il revient sur le contexte particulièrement tendu de l’époque. « Le corps policier était souvent composé des rapatriés d’Algérie qui avaient bénéficié de ce qu’on appelle la politique de la discrimination positive. Dans mon quartier, à 15-16 ans, on se faisait interpeller pour rien et les policiers nous appelaient “petit fellaga”. C’était le vocable utilisé ! » Djamel et ses amis pensaient que leur frontière était celle du quartier des Minguettes. Au-delà ils ne seraient plus en sécurité.

Et pourtant, un soir, avec son ami Toumi Djaïdja, ils assistent à l’agression d’un jeune adolescent par un chien policier. « On a essayé de le tirer de là. Puis j’ai bien vu ce policier tirer sans aucune sommation sur Toumi. Le pire, c’est qu’après il a récupéré son chien et il est reparti tranquillement », se rappelle Djamel. Quand l’idée de la marche est lancée, bien sûr qu’il en ferait partie. « Il faut se rappeler le contexte de l’époque, tous les deux jours il y avait un jeune qui se faisait assassiner. On avait le sentiment d’être écrasés, relégués, abandonnés… Il fallait réagir ! Interpeller la République ! »

Et le groupe, une fois élancé, ne se doutait pas une seconde de la portée de l’action en cours. « (Le père) Christian Delorme et (le pasteur) Jean Costil s’en rendaient bien compte, mais nous pas du tout ! Nous étions tous des jeunes en échec scolaire. C’était une initiative qui venait simplement du cœur, pas un acte politique recherché. Plus la marche prenait de l’ampleur et plus elle nous dépassait complètement. »

Pourtant avec le recul, Djamel se rappelle qu’au départ il n’était pas très enthousiaste. « J’étais d’avantage branché sur les mouvements de droits civiques des Blacks Panthers plutôt que sur Martin Luther King ou Gandhi… J’étais pour une méthode plus dure, plus organisée… Aujourd’hui, je pense honnêtement que si cette méthode avait été utilisée, peut-être qu’on ne serait pas encore dans de telles configurations. »

Pour Djamel, si la marche a eu le succès qu’elle a eu, c’est grâce à la prise de conscience nationale intervenue à la suite de la mort de Habib Grimzi dans le train Bordeaux-Vintimille. « La France a découvert comment on traitait ces populations. Elle a découvert l’horreur ! À partir de ce moment-là, la presse a eu une sorte de mauvaise conscience et a mis le paquet sur cette Marche en la valorisant... À une semaine de l’arrivée, des politiques ont tenu à marcher avec nous. Et puis nous avons été reçus par le président… »





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