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Société

Au rassemblement contre l'islamophobie à Paris, le ras-le-bol des manifestants exprimé avec force

Rédigé par | Lundi 21 Octobre 2019 à 11:30

           

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblés sur la place de la République à Paris, samedi 19 octobre afin de dénoncer l’islamophobie qui s’affiche depuis plusieurs semaines dans l’espace politique et médiatique. Reportage.



Au rassemblement contre l'islamophobie à Paris, le ras-le-bol des manifestants exprimé avec force
Malgré un ciel parisien nuageux, la place de la République était très colorée en ce samedi après-midi. Côté boulevard Voltaire, les militants pro-kurdes déployaient des couleurs jaunes, rouges et vertes pour protester contre les bombardements turcs dans le Kurdistan syrien tandis que, du côté du boulevard Magenta, les participants de la marche de soutien aux droits des personnes transgenres et intersexe, initié par le collectif ExisTrans, agitaient des drapeaux bleu-rose-blanc.

Au centre, quelques centaines de citoyens se sont rassemblés pour dire non à l’islamophobie. Quelques drapeaux français et des pancartes s’agitent dans une ambiance plutôt apaisée malgré la lourdeur du climat dénoncée par les manifestants. A l’origine de la manifestation, le Collectif de défense des jeunes du Mantois, créé suite à l’interpellation spectaculaire de lycéens de Mantes-la-Jolie (Yvelines) dans le cadre des mobilisations nationales lycéennes en 2018.

Depuis un mois et le discours très controversé d’Eric Zemmour lors de la convention des droites, la question de la présence musulmane en France fait l’objet de nombreux débats. Mais c’est l’épisode de la mère accompagnatrice vilipendée par Julien Odoul lors d’une séance du conseil régional qui marque durablement les esprits. Et pour cause : le barouf de l'élu RN a malheureusement permis de remettre au goût du jour le projet d'interdiction du voile aux sorties scolaires dans les débats, au grand dam des musulmans.

Lire aussi : Sorties scolaires : le recadrage salutaire d'Edouard Philippe, qui refuse une loi d'interdiction du voile

« Arrêtez de vous cacher derrière nous ! »

« Si on ne parle pas, la situation va s’empirer », estime Imane (prénom modifié), venue de Bondy (Seine-Saint-Denis) pour manifester dans la capitale. Elle raconte qu’elle a déjà été discriminée lors d’une sortie scolaire. « Lorsque mon fils était en grande section de maternelle, on m’a demandé de retirer le voile mais j’ai refusé. Ils ont fini par me laisser », témoigne-t-elle. « Qu’est-ce que maman a fait de mal pour qu’on l’interdise de faire comme les autres mamans ? », lui aurait dit son jeune garçon. « Arrêtez de vous cacher derrière nous pour ne pas avoir à régler les vrais problèmes de la France », s’exclame-t-elle, en voulant s’adresser au gouvernement et au monde politique. « Qu’ils ne disent pas que le problème de la France, c’est nous », conclut-elle.

Lire aussi : Mères voilées et sorties scolaires : mettons un terme à l'instrumentalisation de la laïcité

Samira, professeur au lycée, se dit « choquée qu’on discute encore des mères accompagnatrices de sorties scolaires » car, « sur le terrain, on sait que ce sont ces mamans qui font le travail ». Selon elle, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, dont les propos sur le voile ont indigné, est « totalement déconnecté du terrain ».

Autres propos qui suscitent l’indignation des manifestants, ceux du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner qui a énuméré, aux lendemains de l’attaque au couteau de la préfecture de police de Paris, une liste de « signaux » permettant de détecter la radicalisation chez certains individus. Coïncidence ou pas, une fiche de signalisation remise aux personnels de l’Université de Cergy-Pontoise a fuité dans la presse lundi 14 octobre. « Je ne comprends pas pourquoi ce qui s’est passé à l’Université de Cergy ne suscite pas plus de réactions », indique Samira.

Des alliés de la lutte contre l’islamophobie au rendez-vous

Pour Madjara, 19 ans et étudiante à la fac de Créteil, c’est une information révoltante : « Il y a un esprit de collaboration qui s’installe. Si cela avait eu lieu au sein de ma fac, on aurait tenté d’organiser une manifestation avec les syndicats étudiants. » Déambulant avec une pancarte « Islamophobie, tu m’asphyxies ! », elle dit se sentir oppressée en tant que femme musulmane par le climat ambiant.

Son amie Mathilde l’a accompagné pour afficher sa solidarité. « Je suis venue en tant qu’alliée contre l’islamophobie. Je me sens impuissante quand je vois qu’il y a des amalgames entre les femmes qui portent le voile et le terrorisme. Cela n’a pas lieu d’être dans le débat public mais, malheureusement, on continue de donner la parole à des gens qui ne comprennent pas et ne sont pas concernés par les discriminations », déclare-t-elle.

L’étudiante dit avoir fait le déplacement pour entendre la voix des femmes. « Ce qui me touche le plus, c’est qu’on engage des gens comme Eric Zemmour qui ont été condamnés. Il est islamophobe et, pourtant, on l’embauche parce qu’on aime ses idées », déplore-t-elle, en concluant qu’elle n’aimerait pas « être une femme voilée dans ce pays car c’est vraiment difficile pour elles ».

Difficile, c'est le cas de le dire, d'autant que les débats autour du voile ne semblent pas prêts de se calmer. Surfant sur l'action réalisée au conseil régional de Bourgogne, le Rassemblement national a lancé une pétition appelant à interdire le voile - et non pas l'ensemble des signes religieux - pour les accompagnatrices scolaires, estimant que « derrière ce prosélytisme religieux se cache la main du fondamentalisme islamiste ». Un souhait qui est aussi celui des élus Les Républicains avec la déposition d'une proposition de loi en ce sens.

Plusieurs rassemblements similaires à celui de Paris ont été organisés à travers la France lors du week-end du 19 et 20 octobre. A l’issue du rassemblement, le Collectif des jeunes du Mantois ont annoncé la tenue le 8 décembre prochain d’une « Marche des mamans pour la justice et la dignité » à Paris.





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