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Politique

Une convention de la droite pour banaliser la haine contre l’islam et fantasmer sur le « grand remplacement »

Rédigé par Lina Farelli | Lundi 30 Septembre 2019 à 15:30

           


Une convention de la droite pour banaliser la haine contre l’islam et fantasmer sur le « grand remplacement »
Quand débattre sur « l’alternative au progressisme » se résume à des heures de logorrhées xénophobes et islamophobes. La « convention de la droite », organisée à Paris à l’appel de Marion Maréchal Le Pen, samedi 28 septembre, a vu se succéder à la tribune des hommes politiques et des polémistes aux discours si typiques de l’extrême droite, à commencer par Eric Zemmour, récemment condamné pour provocation à la haine contre les musulmans.

« Inversion de la colonisation », « extermination de l’homme blanc hétérosexuel catholique », « islamisation de la rue »… Les partisans de la théorie du « grand remplacement », à l'origine des attentats islamophobes de Christchurch, ont été servis avec Eric Zemmour, qui ne s’est nullement gêné pour qualifier les musulmans de « colonisateurs » en France au cours de son discours d’ouverture de la convention.

Une convention pour fantasmer sur le « grand remplacement »

« Tous nos problèmes aggravés par l’immigration sont aggravés par l’islam. Les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ? Si oui, ils méritent leur colonisation, sinon ils devront se battre pour leur libération », a-t-il déclaré, comparant les voiles et les djellabas aux « uniformes des armées d’occupation » qui « rappellent aux vaincus leur soumission ». « Au triptyque d’antan "immigration, intégration, assimilation", s’est substitué "invasion, colonisation, occupation" », a-t-il ajouté.

De virulents propos vivement applaudis par l’auditoire qui comptaient, dans ses rangs, le maire de Béziers Robert Ménard, l’avocat Gilles-William Goldnadel, la directrice de la rédaction de Causeur Elisabeth Lévy, l’éditorialiste au Figaro Ivan Rioufol ou encore le président du Parti chrétien-démocrate Jean-Frédéric Poisson. « La conquête de l’islam est en cours ! C’est une décision qui a été prise par les Etats musulmans il y a 20 ans. Ils veulent fracturer la France et l’Occident », a déclaré ce dernier, sur un ton très complotiste largement partagé par l'assemblée présente.

Marion Maréchal Le Pen a clôturé le bal, en promouvant elle aussi « le grand remplacement »« ce compte à rebours démographique qui nous fait déjà entrevoir la possibilité de devenir minoritaire sur la terre de nos ancêtres » – comme un défi « vital » contre lequel lutter en France. « Demain, j’en suis intimement convaincue, nous serons au pouvoir », a assuré la nièce de Marine Le Pen en guise de conclusion, prônant l'union des droites et de ses extrêmes au-delà du Rassemblement national (ex-FN), trop timoré à son goût sous la direction de sa tante Marine Le Pen. Cette dernière était d'ailleurs absente du meeting, tout comme les cadres de son parti, à l'exception du député Gilbert Collard.

Une banalisation de la haine à ciel ouvert dénoncée

« Ce week-end restera marqué aussi par une réunion dont je ne veux pas citer le nom, mais qui me frappe par la violence et la tonalité de propos qui ont été prononcés », a déclaré le Premier ministre Édouard Philippe, dimanche 29 septembre, déplorant les discours « nauséabonds » des orateurs de la convention, qui sont « profondément contraires à l'idée que nous nous faisons de la France et de la République ».

« On doit de manière systématique s’élever contre ces discours de haine parce qu’ils vont chercher au fond de notre âme ce qu’on a de plus noir », a affirmé Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement.

Plusieurs cadres et élus de la majorité présidentielle ont eux aussi dénoncé la convention. « Haine anti-musulmans, racisme décomplexé - le tout diffusé en direct sur LCI. Je n’ai pas de mots pour exprimer ma honte et ma colère », a déploré la députée Laetitia Avia sur Twitter. « La convention de la droite me fait horreur et me rassure. Elle me fait horreur dans la haine qu'elle déverse. Elle me rassure, car elle prouve qu'ils n'ont rien compris, ni à la France, ni aux Français. Nous serons toujours mobilisés pour garantir l'échec de votre projet », a écrit le délégué général de LREM, Stanislas Guerini.

« Donc, dans ce pays, on peut, fraîchement condamné pour provocation à la haine raciale, discourir à une convention d'extrême-droite et être relayé en direct sur une chaîne d'"information". Et après on vient nous dire que LE problème pour la République ce sont des mamans voilées ? », a réagi, pour sa part, la députée des Insoumis Danielle Obono.

SOS Racisme, qui a dénoncé « le grand défouloir des haines racistes et réactionnaires », menace de saisir la justice, estimant que le discours d’Eric Zemmour est « quasiment un appel aux ratonnades, tant la haine des arabo-musulmans et l’appel à l’action contre les dangers qu’ils représenteraient forment le cocktail parfait du passage à l’acte ».

Une lourde erreur de LCI qui scandalise

Les condamnations ont également été nombreuses contre LCI, qui a retransmis en direct, et sans aucune prudence, le discours d’Eric Zemmour, malgré la virulence connue de ses discours haineux. Cette surprenante retransmission n’a pas manqué de générer de multiples condamnations. Plusieurs associations ont annoncé leur intention de saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

La Société des journalistes (SDJ) de LCI a fait savoir qu’elle se désolidarisait de la décision de sa direction de diffuser en direct et en intégralité le discours d’Eric Zemmour. « Ce n’était pas le format approprié », a réagi auprès du Monde la chaîne face aux critiques, parlant simplement d’une « erreur d'appréciation ». Une erreur lourde en réalité, d’autant que LCI avait déjà été mise en garde par le CSA en août dernier après une interview du polémiste en février dans lequel il avait tenu des propos islamophobes. La leçon n'a vraisemblablement pas été apprise par LCI.

Du côté de CNews, qui est en passe d'offrir une émission quotidienne exposition à Eric Zemmour, aucun changement de cap n'est annoncé par la chaîne pour empêcher une exposition médiatique conséquente à des discours haineux dangereux. C’est « à chaque rédaction de prendre ses responsabilités en terme déontologique et en terme éventuellement légal (...) à commencer par la rédaction de CNews », a indiqué le 25 septembre à France Info le ministre de la Culture Franck Riester, indiquant être opposé à l’embauche d’Eric Zemmour. « La meilleure réaction, c'est ( …) de ne pas relayer les paroles de celles et ceux qui ont tendance à inciter à la haine. »

Musulmans de France (ex-UOIF), remerciant la SDJ pour s’être « rapidement manifestée auprès de la direction de LCI », a appelé « tous les citoyens attachés aux valeurs de notre République ainsi que les organisations de la société civile à saisir le CSA » et a lancé « un appel aux responsables politiques et élus de la République à condamner sans réserve les propos haineux qui menacent notre pays et dressent le spectre d’un avenir extrêmement préoccupant pour tous ».

Mise à jour : Les journalistes du Figaro veulent aussi l'éviction d'Eric Zemmour, le syndicat s'explique ici.

Par ailleurs, une enquête a été ouverte contre Éric Zemmour par le parquet de Paris, ce qu'il faut savoir dessus.

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