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Points de vue

Le terrorisme n’a ni nationalité ni religion

Rédigé par Mohammed Moussaoui | Lundi 18 Mars 2019 à 08:00

           


Le terrorisme n’a ni nationalité ni religion
De nombreux actes de terrorisme ont été commis par des individus se réclamant de l’islam. Trop souvent, on a entendu des affirmations de type « Des témoins auraient entendu l’assaillant ou les assaillants crier "Allah Akbar" » pour, nous dit-on, préciser la nature de l’acte terroriste. Avant même que l’enquête soit ouverte, la qualification de « terroriste islamiste » est vite adoptée et relayée et des analystes de tous bords fusent dans les plateaux des médias pour débattre sur « l’islamisme ». Ce dernier concept, qui était synonyme de l’islam avant les années 1970, est aujourd’hui le fourre-tout de tous les maux imaginables.

Ce glissement sémantique, qui établit à l’évidence une discrimination à l’égard de l’islam comparé à ses homologues « judaïsme » et « christianisme », est insupportable pour tous les musulmans qui voient leur religion amalgamée avec la violence et le terrorisme. Quand bien même des musulmans élèvent leurs voix et multiplient les condamnations, rien n’y fait. Les musulmans dans leur ensemble sont régulièrement appelés à se désolidariser du terrorisme et à marquer leur distance avec la violence.

Quand des actes terroristes sont commis par des individus se réclamant d’autres religions que l’islam, la situation est autre. Des exemples de l’histoire récente le montrent suffisamment. Mais avant d’en citer quelques-uns, il est important de réaffirmer que le terrorisme se réclamant de l’islam est un phénomène qui ne faut pas sous-estimer. Il est source de terreur et de crimes contre l’humanité et inflige de grandes souffrances y compris aux musulmans qui en sont les premières victimes. Ce terrorisme instrumentalise l’islam, détourne ses textes et dévoient ses principes. Dès lors, il faut tout mettre en œuvre pour le combattre et dénoncer l’imposture de ses instigateurs.

Les raccourcis que certains utilisent aujourd’hui associant islam et violence tels que « terrorisme islamiste », « islamo-nazisme » et « islamo-fascisme », ne permettent pas de rendre compte de la réalité de ce terrorisme. Elles sont, au contraire, de nature à créer la confusion et à entretenir les amalgames. Par le passé, des Français affirmant défendre une idée de la France et des valeurs françaises ont collaboré avec le nazisme et perpétré des crimes contre l’humanité. Qualifier cette collaboration de « franco-nazisme » en associant le mot « France » au nazisme serait pour les Français, d’hier comme d’aujourd’hui, une offense insupportable à l’encontre de leur pays et de ses valeurs.

Le terrorisme n’a pas de religion, preuves à l'appui

Le 25 février 1994, jour de la grande fête de Pourim commémorant la délivrance d’un massacre de grande ampleur planifié à l’encontre des juifs 2 500 ans auparavant, le terroriste Baruch Goldstein, armé d'un fusil mitrailleur, pénétra dans la mosquée du tombeau des Patriarches à Hébron à l’heure de la prière, massacrant 29 musulmans et en blessant 125.

Dov Lior, le principal rabbin de Kiryat Arba, décrit à l'époque comme un « savant talmudiste », avait déclaré dans l'homélie funéraire que ce terroriste était « plus saint que tous les martyrs de la Shoah » ! Pour autant, il ne viendrait à personne, et à juste titre, l’idée de qualifier cet acte de « terrorisme juif ». Cette association de mots serait une aberration insupportable pour toute personne qui connait les vraies valeurs du judaïsme. En 1999, l’armée israélienne a détruit le mausolée édifié par des fanatiques pour ce terroriste, n'en préservant que la pierre tombale.

Le terrorisme n’a ni nationalité ni religion
Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik affirme dans son manifeste de 1 516 pages intitulé « A European Declaration of Independence », qu’il est un « chrétien culturel » attaché à l'idée de chrétienté comme un élément de ciment pour l'Europe et dit : « Il n'y a pas de honte à prier dans les minutes avant votre mort. Je vous recommande fortement, avant l'opération, d'aller dans une église et d'y participer à l'Eucharistie. Comme nous le savons, ce rituel représente le dernier repas que Jésus-Christ a partagé avec ses disciples avant son arrestation et finalement sa crucifixion (…), demandez-lui de préparer l'arrivée d'un martyr de l'Eglise (...), vous serez très heureux de l'avoir fait quand vous réaliserez que vous pouvez mourir après avoir lancé votre opération».

Ceux qui ont qualifié ce terroriste de « chrétien fondamentaliste » ont été fortement critiqués par ceux qui voyaient en lui surtout un identitaire qui a instrumentalisé la tradition chrétienne. Il a été défini comme « terroriste islamophobe », « terroriste conservateur », « terroriste antimulticulturaliste », « terroriste antimarxiste »... Cependant, personne n’a qualifié l’ignoble tuerie qu’il a commise de « terrorisme chrétien ». Cet amalgame serait une aberration insupportable pour toute personne qui connait les vraies valeurs du christianisme.

Le 17 juin 2015, Danny Roof, un jeune américain a tiré sur des fidèles dans une église de Charleston, en Caroline du Sud. Dans un site internet qui porte son nom, il signe un long manifeste raciste prônant la suprématie blanche. Personne n’a qualifié, à juste titre, ses horreurs de « terrorisme blanc ». Ce n’est pas la couleur d’une personne qui fait d’elle un terroriste.

Dans la nuit de dimanche 18 au lundi 19 juin 2017, en plein mois du Ramadan, Darren Osbourne a foncé avec sa camionnette sur des piétons près d’une mosquée à Londres, alors que les fidèles en sortaient, faisant un mort et dix blessés. Le parquet a décrit Darren Osborne comme une personne « animée par des opinions politiques extrêmes et une haine personnelle des musulmans » et qui a « agi pour tuer, mutiler, blesser et terrifier autant de personnes que possible ». Aucune qualification faisant référence à sa religion réelle ou supposée n’a été associée à son acte terroriste.

Le 29 janvier 2017, Alexandre Bissonnette, armé d’une mitraillette pouvant tirer jusqu'à 600 coups par minute et d’un pistolet, s’est introduit dans la mosquée du Centre Culturel Islamique de Québec (CCIQ) et y a tué six fidèles. Le bilan aurait pu être bien plus lourd si sa mitraillette ne s’était enrayée. Aucune qualification n’a été attribuée à cet acte de terrorisme en lien avec les motivations de son auteur.

Le terrorisme n’a ni nationalité ni religion
Ce 15 mars 2019, l’auteur des massacres commis dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, ayant fait 50 morts et 90 blessés dont 49 dans un état grave, avait posté un manifeste intitulé « Grand remplacement ». Il y fait référence à la théorie forgée par Maurice Barrès, dans l’Appel au soldat en 1900, en employant le terme de « grand remplacement » qui serait opéré par « le juif », comme l'explique ici Le Monde.

Cette théorie antisémite a été développée en France après la Seconde Guerre mondiale par les néonazis et adaptée dans les années 2000, en y remplaçant le juif par le musulman, par l’écrivain français d’extrême droite Renaud Camus. La présence de la théorie du grand remplacement est incontestablement diffuse dans le débat français. Outre les écrits d’Eric Zemmour, d’Alain Finkielkraut et de Michel Houellebecq, des politiques n’hésitent plus à reprendre à leur compte les principes de cette théorie.

Malgré les références de ce terroriste à la situation française et au débat français sur l’islam et l ‘immigration, Renaud Camus, après l’attentat de Christchurch, s’est contenté de rappeler qu’il condamnait la violence et qu’il n’avait aucune responsabilité dans le passage à l’acte de Brenton Tarrant.

Pourquoi épingler la religion dont se réclame le terroriste ?

La religion dont le terroriste se réclame comme la nationalité qu’il porte ne devraient pas être mises systématiquement en relief avant même que des éléments d’enquête ne livrent la nature et la démarche qui aurait conduit le terroriste au passage à l’acte.

Les parcours souvent chaotiques des terroristes se réclamant de l’islam, entre délinquance, précédents psychiatriques et motivations politiques et identitaires, auraient dû inciter à la même prudence dans le choix de l’étiquette à mettre sur leurs profils et sur la construction de leurs projets mortifères. Hélas, chaque attentat, commis par un terroriste d’une supposée confession musulmane et suivi d’une revendication opportuniste d’un groupe terroriste, déclenche aussitôt un emballement médiatico-politique et des débats effrénés sur l’islam et la présence musulmane en France.

Certes, nous devons accepter tous les débats et refuser toutes les violences, mais la violence peut naître aussi de certains débats. La banalisation de certaines théories complotistes et le manque de précaution dans le langage utilisé pourrait inciter les plus fragiles psychologiquement ou les aveuglés par la haine de l’Autre à passer à l’acte.

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Mohammed Moussaoui est président de l’Union des mosquées de France (UMF).

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