Connectez-vous S'inscrire

Politique

Laïcité et islam : retour sur le « débat » qui n'en était pas un

Rédigé par Hanan Ben Rhouma | Jeudi 7 Avril 2011 à 11:16

           

La convention sur la laïcité et l’islam, organisée par l’UMP mardi 5 avril à Paris, était fort attendue après plusieurs semaines de controverses et d’agitation médiatique. Mais, dans l’entre-soi, la contradiction n’a guère pas sa place. Le « débat », qui s’est tenu sous la houlette de Jean-François Copé, a réuni la plupart des parlementaires UMP et des membres du gouvernement dans l'objectif de dévoiler les 26 propositions, préparées depuis bien longtemps par la majorité. Saphirnews en a fait l’étrange constat.



Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, a présidé la convention de l'UMP sur la laïcité et l'islam le 5 avril.
Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, a présidé la convention de l'UMP sur la laïcité et l'islam le 5 avril.
Augmentation du chômage et de la misère sociale, baisse du pouvoir d’achat, montée du racisme, menace nucléaire… Les réels problèmes à traiter en urgence ne manquent pas. Pourtant, ce sont la laïcité et la place de l’islam dans la société française qui agitent le parti majoritaire.

Face à la frénésie médiatique qui s’est déchaînée les semaines précédant la convention, la salle de conférence réservée à l’hôtel Pullman de Montparnasse (Paris 14e) ne pouvait être que bondée et les alentours emplis de camions de CRS. La centaine de journalistes – 200 selon l’UMP – venus pour couvrir l’événement n’ont pas failli à leur devoir.

A l’illustre exception du Premier ministre François Fillon et du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, la majorité des membres du gouvernement était présente, le tout sous la houlette de Jean-François Copé. Le secrétaire général de l’UMP, qui a suivi la volonté de l’Elysée, s’est taillé la part du lion en s’octroyant une belle couverture médiatique lors de cette convention.

Les vrais sujets éludés

Les attentes étaient grandes mais, au final, rien de bien transcendant. Les 26 propositions, dans les cartons depuis plusieurs semaines, n’attendaient plus que d’être rendues publiques. Parmi elles, l’interdiction faite aux femmes voilées d’accompagner des enfants en sortie scolaire ou encore la sortie prochaine d’un « Code de la laïcité et de la liberté religieuse » dans lequel se trouveront tous les textes législatifs et les jurisprudences relatifs à ces thèmes.

Le débat, qui s’est résumé à deux tables rondes – l’une sur la laïcité, l’autre sur l’islam –, étalées sur près de quatre heures, n’a pas laissé de place à l’improvisation ni à la contradiction. La prudence était de mise. Au lendemain de la phrase choc de Claude Guéant sur le nombre de musulmans, le ministre de l’Intérieur s’est fait discret, voire invisible dans l’assemblée. Les belles envolées lyriques autour de ce qu’est la laïcité, « principe fondateur du pacte républicain », étaient nombreuses. Deux heures pour se rendre compte que tout le monde a la même définition de la laïcité, c’est bien long.

Répondre aux « craintes des Français » sur l’islam

Il faut dire que l’objectif de la convention était de taille : mettre un terme à toutes les polémiques et aux discordes qui ont émaillé les rangs de la majorité, en attaquant au passage le Front national qui n’a « besoin que de problèmes » et le PS, qui a « fauté » en signant une pétition contre le débat aux côtés de Tariq Ramadan selon M. Copé.

Le débat stigmatise-t-il l’islam ? Non, pour la majorité ; et ceux qui se sont exprimés ont bien mis l’accent sur les bonnes intentions de l’UMP. Pour rassurer son auditoire déjà conquis, M. Copé a lu sa « Lettre à un ami musulman » dans lequel il dit vouloir « alléger le fardeau qui pèse sur les épaules des musulmans de France. Ils n'en peuvent plus d'une stigmatisation causée par des comportements qu'ils condamnent ». Pourtant, la majorité ne cesse de pointer ces mêmes comportements du doigt au détriment de la majorité silencieuse, respectueuse des lois de la République et de la laïcité. Le voile intégral n’en est qu’un exemple.

L’UOIF piquée au vif

Sans surprise, aucun représentant de la communauté musulmane n’a fait acte de présence. Toutefois, un homme « représentant » l’islam dans la tribune s’est fait remarquer : il s’agit de Farid Hannache, co-auteur du livre Pour un islam de France avec Hassan Chalghoumi, l'imam de Drancy à la fois très controversé parmi les musulmans et fort adulé par les politiques. Ce dernier, qui devait intervenir, s'est fait excuser. C'est mieux ainsi. Le français approximatif de l'imam Chalghoumi aurait très certainement déconcerté une partie de l'auditoire et aurait été cité en exemple par plusieurs UMPistes de ce que ne devrait pas être « l’islam de France »

« Ne pas débattre est une lâcheté. (…) Je suis là pour clamer que le mot "laïcité" sert souvent de couverture à l’extrémisme nationaliste du FN et à l’extrémisme des Frères musulmans, représentés par l’UOIF (Union des organisations islamiques de France, ndlr) », a déclaré M. Hannache sous les applaudissements du public, ajoutant au passage que « si les extrémistes ont le droit de débattre, les républicains ont le droit aussi. » L’UOIF sera sûrement contente d’entendre ces propos...

Les cultes présents, le grand rabbin gêné

Plusieurs représentants des cultes, qui ont émis leurs réserves lors la Conférence des responsables de culte en France (CRCF), fin mars, quant à leur participation, se sont finalement exprimés, dont Matthieu Rougé, prêtre au diocèse de Paris et aumônier parlementaire, Gilles Bernheim, grand rabbin de France, et Joël Mergui, président du Consistoire central.

« Il n’était pas question de boycotter un parti politique, fût-il majoritaire. (…) J’ai préféré venir que de voir mon absence interprétée politiquement », a affirmé M. Bernheim, qui est bien le seul à avoir apporté un bémol au colloque. Présent dans la tribune lors de la première table ronde, il a préféré descendre de la tribune lorsqu'il fut question de la religion musulmane, déclarant publiquement alors que « ce débat sur l'islam me (le) gêne ».

« Je sais, en tant que juif, ce qu'il en coûte d'être jugé sur ce qu'on est, nous l'avons vécu au milieu du XXe siècle », a-t-il complété. Au tour des musulmans désormais d’être vigilants....


Pour en savoir plus sur les 26 propositions et lire le document « Laïcité, pour mieux vivre ensemble », cliquez ici








SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !