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La psychanalyse est soluble dans la spiritualité

Par Marie-Odile Delacour*

Rédigé par Marie-Odile Delacour | Lundi 26 Avril 2010 à 00:01

           

Les maladies de l’âme ont à voir avec celles du cœur et toutes s’expriment à travers les dysfonctionnements du corps. La santé, physique et mentale, est un savant équilibre entre ces trois dimensions de l’être : le corps, l’âme et l’esprit. Le corps, les différentes médecines, officielle et parallèles, s’en occupent. L’esprit, c’est l’affaire de la foi et de la mise en pratique de son éthique. Les maladies de l’âme reviennent aux spécialistes de la psyche (âme en grec). Deux psychanalystes** abordent ces questions en ouvrant des perspectives nouvelles à tous ceux que les préjugés enferment, et montrent comment le corps, l’âme et l’esprit devraient s’articuler pour permettre à l’être humain de se développer harmonieusement.



La psychanalyse est soluble dans la spiritualité
Oui, des psychanalystes s’intéressent aujourd’hui à l’esprit. Ils ne sont pas les premiers, Jung s’était déjà écarté des positions de Freud, non croyant, en partie parce qu’il souhaitait replacer l’être humain dans une perspective spirituelle.

Mais en France, jusqu’à aujourd’hui, il reste délicat de restituer aux êtres leur capacité à « rêver le divin ». La psychanalyse et la foi ne font pas toujours bon ménage, même si Jacques Lacan laissait un peu de place à cette dernière et si Françoise Dolto assumait publiquement d’interroger les Évangiles.

Parmi les musulmans de France subsistent de nombreux préjugés sur ces questions, mais le livre de Marie-Claude Defores et Yvan Piedimonte dépasse largement le niveau de nos cultures d’origine pour s’intéresser à « la constitution de l’être ».

Ils se sont forgé une représentation de l’évolution humaine à partir de leur travail avec leurs patients, de toutes origines. Car c’est l’un des points forts de la psychanalyse : elle n’est pas figée une fois pour toutes, elle se transforme au fur et à mesure de l’évolution des êtres dans leurs sociétés citadines et industrielles.


Le désir de l’humain : évoluer

Si l’humain n’avait pas, inscrit dans sa chair, le besoin impératif d’évoluer, nous resterions tous des bébés. C’est le propre même du vivant. Le vivant se transforme, tout le temps. Et le propre de l’être humain, c’est de devenir… lui-même !

Ce concept n’est pas étranger à la vision soufie de l’être, un hadith ne dit-il pas : « Qui se connaît soi-même connaît son Seigneur. » C’est son désir d’évolution qui conduit l’être à accepter de se connaître lui-même pour trouver au cœur de son essence la dimension supranaturelle du divin.

Mais pour y arriver, semblent dire à leur manière les deux auteurs de la Constitution de l’être, il est nécessaire de comprendre une notion essentielle : la vraie connaissance ne peut venir que de l’intérieur de l’être, quand son âme a pu élaborer les pulsions du corps en pensée.

C’est toute cette géographie des sensations de l’être en devenir, avec ses méandres, ses impasses, ses avancées, ses reculs parfois, que notre inconscient emmagasine à notre insu, grâce au patient travail de l’âme, quand elle est reconnue pour elle-même.

Concrètement : quand les parents n’oublient jamais que leur enfant est une personne qui abrite elle aussi une âme ayant libre accès à la merveilleuse réserve de la mémoire de l’inconscient. C’est comme cela que l’âme nous guide, en circulant librement du corps à l’esprit, suggérant des images, car elle ne connaît que le langage des images, le langage symbolique. Si l’enfant est maltraité, abusé, pas respecté pour lui-même, son âme s’exile, se retire, se met en retrait car elle ne supporte pas qu’on ne lui laisse pas sa place. De là viennent nos souffrances, les douleurs de l’âme, et nos douleurs, les souffrances du corps…

Incarnation

La rencontre avec l’autre est la base de l’évolution. Mais pour pouvoir se mettre en relation juste avec autrui, il faut d’abord ne pas avoir oublié l’unité de son être, l’équilibre en soi entre l’âme, le corps et l’esprit.

C’est cela l’incarnation, et les auteurs précisent : « La conscience est le fruit de la rencontre entre l’âme et le corps. » L âme est le moteur, elle crée de l’évolution grâce au lien à l’autre, à partir de la sensation.

Quand, dans les enfances difficiles, cette rencontre ne peut se faire harmonieusement, parce que les liens sont faussés : manque d’amour, trop d’amour, violence, indifférence, haine, profanation…, l’évolution est entravée. Et, du coup, le rapport à la réalité s’en trouve brouillé : de là viennent les difficultés à s’insérer dans la société, à assumer ses responsabilités, à trouver du travail, à gagner de l’argent correctement, à sortir de sa solitude… Autant de conséquences concrètes des non-incarnations…

« La psychanalyse, c’est créer du nouveau dans son passé et réviser son futur », disent joliment les auteurs. Ils touchent là une question essentielle : quand l’âme n’a pas réussi à accéder à la liberté de repenser son milieu et son rapport avec celui-ci, elle ne peut que s’en référer aux codes préétablis, aux consensus, aux idées toutes faites. C’est sa position de repli quand elle n’a pas pu prendre conscience d’elle-même dans un vrai lien.

Cette perspective passionnante renvoie à eux-mêmes tous les donneurs de leçons et autres moralistes, qui pensent à la place des autres. Ils sauront désormais que tout, en eux, reste à construire…


* Avec Jean-René Huleu, Marie-Odile Delacour, journaliste et écrivaine, a publié les écrits d’Isabelle Eberhardt à l’occasion du centenaire. Elle est co-auteure, notamment, de Le Voyage soufi d’Isabelle Eberhardt, Éd. Gallimard - Joëlle Losfeld, 2008.

** La Constitution de l’être, de Marie-Claude Defores et d’Yvan Piedimonte, Éditions Bréal, 2009.








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