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Monde

Le respect de la Nature au cœur du Coran

Par Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu*

Rédigé par Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu | Mardi 15 Décembre 2009 à 17:19

           

Trois cents versets au moins exhortent au respect de la Création. Mais les croyants ont-ils la bonne attitude envers la Nature, comme le leur demande le Créateur ?



Le respect de la Nature au cœur du Coran
Cosmos, Nature… Selon le Livre sacré, la Création tout entière a pour fonction la louange divine. C’est le sens profond de la Présence dans toutes les formes de la vie. Le rythme des astres, leurs trajectoires, la variation des vents, les nuages soumis entre le Ciel et la Terre, les animaux offerts aux hommes pour assurer leurs transports, leurs vêtements et leur nourriture, les légumes et les fruits proposés en abondance… Tout ce qui nous entoure dans la Nature est manifestation de l’Esprit créateur. Il se cache jusque dans le rythme hyper ralenti des minéraux, comme le découvre la physique quantique. Oui, selon le Coran, les montagnes ont aussi une âme.

Les versets « écolos »

Le Coran propose de nombreuses réponses aux questions écologiques actuelles. Plus de trois cents versets ont un rapport direct avec ce thème du respect de la Création sous toutes ses formes. Dès la sourate « La Vache », l’exhortation commence [s. 2, v. 60] : « Mangez et buvez des dons que Dieu vous a octroyés ; ne semez pas le trouble sur la Terre ! » La sourate « Les Bestiaux » enchaîne [s. 6, v. 38] : « Nulle bête rampant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne vive en société à l’instar de vous-mêmes. Et nous n’avons rien omis dans le Livre éternel. Puis c’est vers leur Seigneur qu’ils feront tous retour. »

À travers la lecture de ces versets, un principe ressort de manière récurrente : Dieu a mis la Terre, les animaux, la Création au service de l’homme, qu’il a institué sur Terre comme lieutenant, vicaire de Dieu (khalîfa, en arabe) [Coran, s. 2, v. 30]. Par cet acte, Il témoigne son amour à l’humanité. En même temps, ce dépôt confié à l’homme constitue une grande responsabilité : l’être humain devra en répondre devant le Créateur le Jour de la résurrection.

Le vivant

Comment nous comportons-nous à l’égard de la Création et des créatures ? Nous avons perdu le sens du vivant, estime le cheikh Khaled Bentounès dans son dernier ouvrage, La Thérapie de l’âme (Éd. Koutoubia).

Il rappelle l’histoire de Salomon et des fourmis [Coran, s. 27, v. 18-19], que le roi sauve en les prévenant du danger d’écrasement qui les guette. « Lorsque l’alchimie du vivant s’opère en l’homme, la Création devient semblable à une symphonie musicale ou à une équation mathématique, dont il est possible de déchiffrer et de comprendre le langage. Nous prenons conscience que nous ne faisons plus qu’un avec la Création et que nous sommes capables de lire en elle tous les signes subtils qu’elle recèle », écrit le cheikh.

Hélas, les hommes ont perdu leur relation sacrée avec la Nature et les conséquences commencent à s’en faire sentir.

Menaces

Devant les viols incessants, au nom du profit, de ce que l’on pourrait appeler les « droits de la
Nature », le commandant Cousteau déjà s’inquiétait : « Sommes-nous en train d’assister au commencement de notre inéluctable génocide ? » La députée européenne Éva Joly annonçait récemment qu’il y avait 100 000 réfugiés par jour sur la planète à cause du dérèglement climatique, dû en partie aux activités humaines.

Certes, la démographie croissante du globe − nous sommes plus de 6 milliards d’habitants − en est responsable, mais les hommes ont pris l’habitude d’assujettir la Nature sous toutes ses formes pour augmenter leurs profits. Ils spéculent en Bourse sur les denrées et affament ainsi une partie de l’humanité, condamnant la Terre et ses créatures vivantes à l’extinction.

Tristesse

L’harmonie nécessaire entre l’homme et la Nature est rompue. Plutôt que d’être ses gardiens, les hommes, éternels colons, ont asservi la Terre. Si l’on considère avec Rûmî ou Ibn Arabî qu’il y a un lien étroit entre la moindre de nos cellules et l’Univers tout entier, les hommes ont de quoi s’inquiéter : ils ont transgressé le pacte qui les relie au Créateur, failli dans leur mission.

Et, sur ce point, chaque croyant est responsable. Comment mange-t-il ? Quelle eau consomme-t-il ? Comment gère-t-il ses déchets ? Utilise-t-il ou consomme-t-il des pesticides ? Est-il conscient des conséquences de ses choix alimentaires sur sa santé et sur l’environnement ? Quel est son bilan de CO2 ? Combien de km parcourt-il avec sa voiture ?

Poésie

Khalil Gibran répond en poète dans La Voix du maître : « J’ai entendu le ruisseau se lamenter comme une veuve pleurant son enfant mort et j’ai demandé : “Pourquoi pleures-tu, mon pur ruisseau ?” Et le ruisseau répondit : “Parce que je suis contraint d’aller à la ville où l’homme me méprise et me préfère les boissons plus fortes et fait de moi le réceptacle de ses déchets, souille ma pureté et change ma qualité en ordure.” Et j’ai entendu les oiseaux se plaindre et j’ai demandé : “Pourquoi pleurez-vous, mes beaux oiseaux ?” Et l’un d’eux s’approcha, se percha au bout d’une branche et dit : “Les enfants d’Adam viendront bientôt dans ce champ avec leurs armes mortelles et nous feront la guerre comme si nous étions leurs ennemis. Nous nous disons adieu car nous ne savons pas lequel d’entre nous échappera à la rage de l’homme. La mort nous suit partout où nous allons.” Je me suis demandé : “Pourquoi l’homme détruit-il ce que la Nature a construit ?” »


Fassad

Selon le Dr Hussein A. Amery, de la Colorado School of Mines, « tout ce qui dégrade le bon fonctionnement des règles [naturelles] actuelles du monde terrestre est fassad, c’est-à-dire crée un déséquilibre dans le mode de vie agréable des humains ». Fassad, c’est – peut-on lire dans le dictionnaire (Al Munjid, 1994) − prendre une chose de manière injustifiée et injuste. On peut tout simplement dire : corruption…

Un khalife missionné par le Créateur évite le fassad, puisque le Coran [s. 2, v. 11] appelle l’homme à ne pas commettre le mal sur la Terre. Le problème qui s’annonce est de taille pour l’humanité. Le Livre sacré poursuit : « La corruption est apparue sur la terre et dans la mer du fait des agissements des hommes. Dieu leur fera expier une partie de leurs péchés, afin qu’ils reviennent peut-être de leurs erreurs. »

Et la sourate « Le Tonnerre » [s. 13, v. 25] pourrait servir de conclusion : « Ceux qui violent le pacte de Dieu après s’y être engagés, qui sèment la corruption sur la Terre, ceux-là seront voués à la plus détestable des demeures. »



* Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu sont les auteurs de La Révolution bio (Éd. La Découverte, 2001) et de Climat : la grande menace (Éd. Scrinéo, 2006).






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