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Points de vue

La philosophie de la zakât

Rédigé par Abdallah Deliouah | Vendredi 10 Juillet 2015 à 11:00

           


La philosophie de la zakât
En langue arabe, le terme zakât englobe plusieurs sens : il signifie à la fois la purification, la croissance et la bénédiction. La zakât est la part déterminée dans un bien, revenant de droit aux ayants droit. Elle consiste à partager annuellement avec les ayants droit un pourcentage de la richesse sous toutes ses formes : les produits agricoles, le cheptel, l’argent, les métaux (l’argent, l’or)…

La zakât est le troisième pilier de l’islam. C’est une obligation financière que chaque musulman riche doit observer. La richesse est évaluée à partir d’un seuil spécifique pour chaque type de bien. Il est légitime de se demander le pourquoi de cette place importante. Le partage ne doit-il pas être un choix personnel qui découle naturellement de la bonté de l’homme ? Pourquoi en faire un impératif religieux ?

L’islam réglemente et institutionnalise la zakât. En revanche, il laisse l’aumône (sadaqa) comme un choix personnel lié à la générosité et à la piété du croyant. Il n’est pas envisageable en islam de jouir avec excès des bienfaits de Dieu pendant que ceux qui n’en possèdent pas se contentent d’observer. « Par Dieu n’est pas croyant celui qui dort rassasié alors que son voisin a faim » : ainsi le Prophète ‒ paix et salut de Dieu sur lui ‒ fait-il de la solidarité une exigence de la foi. Il nous confirme aussi que la famine qui touche les pauvres n’est que la conséquence logique de l’excès, du gaspillage et de la cupidité des riches. Alors quelle est la philosophie de la zakât ?

La zakât est avant tout une éducation de l’âme, c’est un acte spirituel par excellence. La finalité principale de la zakât est d’apprendre à se détacher de ce qu’on aime naturellement et à en donner une partie aux pauvres qui n’ont pas eu la chance et la facilité d’en avoir. C’est un signe tangible de gratitude et de reconnaissance envers Dieu.
La zakât est un remède pour les maladies du cœur comme l’amour excessif de l’argent et l’avarice. L’argent n’est qu’un moyen, il doit le rester et ne jamais devenir un objectif ni une finalité. L’argent doit être dans la main et non dans le cœur, il faut le manipuler et ne pas le laisser manipuler nos vies et nos relations.

La zakât a une finalité sociale profonde. L’argent de la zakât est destiné essentiellement aux plus démunis. En recevant la zakât, le pauvre prend conscience que son frère riche qui a travaillé avec assiduité et acharnement, en prenant des risques, est capable de partager ses biens avec lui. La fraternité devient une action concrète et non un slogan vide de sens.

La zakât est aussi un très bon moyen pour dynamiser l’économie, combattre la thésaurisation et faire circuler l’argent entre les différentes classes de la société. Le Coran (s. 59, v. 7) le dit clairement : « […] afin que les biens ne soient pas partagés entre les seuls riches parmi vous. » La zakât due sur l’argent thésaurisé s’élève à 2,5 % annuellement, c’est un montant peu élevé pour la classe moyenne, mais il peut représenter des sommes importantes pour les riches. La zakât pousse le riche à faire fructifier son argent et à prendre le risque pour le faire travailler et ne pas le laisser « dormir ».

La zakât est le modèle qui s’oppose foncièrement au modèle usuraire. En islam, l’argent ne produit pas l’argent sans prise de risque et sans une activité réelle. Le droit de posséder est garanti, mais le devoir de partager est imposé. En France, la zakât ne remplace pas les impôts. Elle est un devoir religieux, alors que les impôts sont un devoir citoyen. Les deux n’ont pas les mêmes finalités ni les mêmes utilisations.

La zakât est un moyen non pas d’entretenir la pauvreté, mais de la combattre efficacement. C’est pour cette raison qu’en la distribuant une stratégie à moyen et à long terme doit être établie. Cette stratégie doit prendre en considération l’avenir de l’islam dans notre pays et favoriser l’éducation des nouvelles générations.

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Abdallah Deliouah est imam à la mosquée de Valence (Rhône-Alpes) et auteur de La Zakât sur les salaires (Maison d’Ennour, 2012).

Première parution de cet article dans Salamnews, n° 53, juillet-août 2015.





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