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Khaled Roumo, un voyageur au cœur de l’islam : «Le partage spirituel crée de la fraternité»

Rédigé par | Vendredi 23 Novembre 2018 à 08:50

           

Khaled Roumo a entrepris, depuis longtemps, un voyage au cœur de l’islam. L’enfant voyageur est devenu grand reporter de l’univers coranique dans son dernier ouvrage « Penser son islam ». Au fil des pages, c’est une vision d’un islam intérieur, mis en perspective et éclairé par une méthode d’interprétation personnelle et une vaste connaissance des auteurs occidentaux. Un nouveau regard sur l’islam à découvrir.



Khaled Roumo, un voyageur au cœur de l’islam : «Le partage spirituel crée de la fraternité»

Saphirnews : Quel est le chemin parcouru depuis votre précédent ouvrage « L’Enfant voyageur », paru en 2017, à « Penser son islam », que vous venez de publier ?

Khaled Roumo : Le roman L’Enfant voyageur est situé dans un espace non nommé, et j’ai tenu dans ce livre à ne pas relier l’humain au divin, tout en poussant l’humain jusqu’au plus profond.

Vous mettez en garde sur l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques. Ce n’est pas nouveau et ce phénomène aurait même commencé durant les derniers jours du Prophète, comme le montre le travail de Hela Ouardi. Les mises en garde sont-elles suffisantes ?

Khaled Roumo : Mes mises en garde profitent aux personnes qui se préservent du fait d’adorer des idoles au lieu d’adorer Dieu, c’est-à-dire l’adoration de l’idéologie, de la nation, du milieu social, de la famille, de l’intérêt immédiat et de tout ce qui enferme et limite les possibilités d’épanouissement humain.

Le premier chapitre du livre essaie de rappeler ce qu’est la foi. Les personnes prétendument musulmanes qui n’approfondissent pas leur islam se fourvoient en pensant servir. C’est une constante de l’Histoire humaine. Il y a ceux qui s’égarent et ceux qui cherchent un chemin. Ce phénomène ne se trouve pas qu’en islam, c’est toute l’Histoire de l’humanité, et ce n’est pas à moi de juger.

Vous rappelez le principe de la diversité, voulue par Dieu, et vous l’appliquez à l’interprétation du Coran. Chacun-e peut-il/elle interpréter à sa guise ?

Khaled Roumo : Oui et non, en partant du principe que c’est Dieu qui donne la foi et non pas l’être humain, fusse le Prophète. La garantie d’une interprétation conforme à ce que Dieu a déposé dans le cœur du croyant, c’est que Dieu lui-même vienne éclairer cette personne dans une situation donnée, sur le sens d’un verset.

Ma méthode consiste à réunir des parties de versets disséminées dans diverses sourates. Ainsi, pour éclairer le sens de la rahma, cet appel jailli du sein de l’Amour divin : « Ma proximité est telle que Je suis plus proche de toi que ta veine irriguant ton corps de sang neuf… ! Il en est de même de Mon amour qui assure tes subsides existentiels à travers des canaux aussi invisibles que les piliers sur lesquels s’élèvent les cieux. Rappelle-toi que Je M’interpose entre toi et ton cœur et que les regards ne M’atteignent pas alors que J’atteins les regards » (Coran 50, 16 ; 8, 24 ; 6, 103).

Qu’en est-il de l’ignorant qui prend un verset, l’interprète de travers et, croyant détenir la vérité, devient fanatique ?

Khaled Roumo : Même si je suis le plus grand savant en islam, il ne va pas m’écouter. Il y a eu de grandes figures spirituelles persécutées comme Sohrawardi et al-Hallaj. Même Ibn ‘Arabi n’a pas été perçu comme guide par tout le monde. Heureusement, je vis dans un État laïc, dans une société qui a des institutions, où celui qui nuit à la sécurité publique doit être puni, qu’il agisse au nom de Dieu ou pas. C’est répréhensible comme n’importe quel crime ou délit.

Vous êtes très engagé dans le dialogue interreligieux. Y a-t-il eu de grandes avancées dans ce domaine ?

Khaled Roumo : Je crois que le dialogue interreligieux réussit quand il débouche sur un partage spirituel qui crée de la fraternité et la consolide. Par exemple, tout ce que nous faisons au GAIC (Groupe d’amitié islamo-chrétienne). Des initiatives de ce genre existent partout en France.

Ce que je vis dans ces rencontres, je le considère comme un surplus de Miséricorde divine à laquelle sont sensibles des personnes qui cultivent leur foi en Dieu. N’oublions pas que tout ce qui nous arrive dans ce domaine suit l’ordre divin (‘amr). Les personnes attentives aux exigences de cet ordre s’inscrivent dans la volonté de Dieu, comme le rappelle la prière de Jésus : « Que votre volonté soit faite ! » Cet appel traduit très exactement le mot islam, étymologiquement et spirituellement.

La transcendance, la dimension spirituelle est-elle la solution ?

Khaled Roumo : La transcendance ne peut se comprendre que si elle est liée dans notre esprit à la proximité : seul Dieu peut assurer cette relation double avec ses créatures. Quand il s’approche, il restaure, et il restaure parce qu’il est transcendant, ce qui n’est donné à aucun être humain.

L’âme humaine ne supporte pas d’être approchée ; seul Dieu peut transcender nos limites. Avec Lui, on est en sécurité : Dieu porte notre âme dans Sa main, comme le Prophète se plaisait à répéter, mais aussi II interfère entre l’être humain et son cœur. Il est plus proche de nous que le canal par lequel Il nous achemine les subsides existentiels.

Pour moi, tout cela n’est pas théorique, je l’ai vécu. J’étais au fond d’un abîme et Dieu est venu déverser dans mon cœur des sommes d’Amour qui m’ont donné des ailes.

Khaled Roumo, Penser son islam, Érick Bonnier éd., juin 2018, 160 p., 18 €.



Clara Murner
Clara Murner est doctorante en langue et littérature arabes à l'Université de Strasbourg, au sein... En savoir plus sur cet auteur



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