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Economie

Émirats : arnaque à l'horizon ?

Rédigé par Leïla Belghiti | Jeudi 18 Février 2010 à 08:47

           

Dubaï, Ajman… Des noms qui rappellent le soleil, la mer, le luxe, la folie des grandeurs, bref, le pays des merveilles. Ça, c'était il y a quelques années. Depuis la crise économique mondiale, les affaires ne sont pas au top. Si le tourisme reste encore un point fort aux Émirats arabes unis, les investisseurs étrangers se font timides, la suspension des travaux immobiliers est critique et, dans certaines bouches, on crie à l'arnaque.



Investir dans l'immobilier dans les Émirats : un rêve qui s'effondre ?
Investir dans l'immobilier dans les Émirats : un rêve qui s'effondre ?
Samedi 13 février, ils étaient une quinzaine d'hommes et de femmes, souvent jeunes, rassemblés en réunion extraordinaire dans un arrondissement de Paris. L'affaire est d'importance : près de 30 000 euros chacun disparus dans les projets immobiliers émiratis à l'existence quasi nulle.

Depuis deux ans qu'il l'attend, Nacim ne verra de son appartement type 3 que les fondations, dans le petit émirat d'Ajman, où il avait signé pour le projet Altitude Tower chez Bl Properties, un promoteur né de la fusion de deux compagnies pakistanaises, Bukhari et Lakhani. « Cela fait un an et demi que je contacte régulièrement le promoteur pour lui demander à quel moment va commencer la construction, ils me répondent toujours la même chose : "Pas de souci, on va commencer la semaine prochaine ! " », témoigne Nacim, qui a payé 30 000 euros depuis 2008 pour un appartement à 68 000 euros, une construction qui n'avance plus depuis mai 2009.

Idem pour Mariam et son époux, venus de Bruxelles partager leur désolation avec les déçus français. Leur décision est prise : ils iront le mois prochain, ensemble, réclamer leur dû. « Je n'ai plus aucune confiance en mon promoteur », se désole Mariam.

Nacim s'en ira pessimiste, car, pour un remboursement, son promoteur lui a fait savoir que ce n'était pas possible, le contrat cosigné se vantant de respecter les principes islamiques ne stipulant rien en ce sens. « On leur fait confiance et on s'est fait avoir ! », estime Abdsamad, un autre Français largué par Dubaifirsthome et Tameerat, respectivement son agence et son promoteur. Lui pointe du doigt l'« amateurisme flagrant sur le suivi des travaux » et « l'opacité de la gestion financière assurée par des autorités fantômes ».

Le tribunal coûte trop cher

L'ARRA (Ajman Real Estate Regulatory Agency), l'Autorité de régulation de l'immobilier à Ajman, ménage la chèvre et le chou : pris entre des intérêts contradictoires et sans pouvoir d'arbitrage sur les litiges possibles, il tente de ne pas faire fuir les promoteurs et, dans le même temps, de retenir les investisseurs. Un risque – pour le moment – maîtrisé.

Saisir les instances juridiques du pays, les investisseurs déçus n'y sont pas tous prêts, car, autre revers de la médaille, porter plainte devant le tribunal coûte très cher aux Émirats.

L'Eldorado n'est plus ?

Pour tous ces jeunes, le rêve émirati s'est effondré. Mariam a du mal à y croire : « On nous parlait de Dubai comme l'eldorado des beurs », nous dit-elle. Sa motivation première, comme celle de ses compagnons de fortune, Abdsamad la résume en quelques mots : « Terre d'accueil et financement islamique. »

La finance islamique n'empêche pas l'arnaque

La finance islamique aurait-elle mangé son pain blanc ? Le marché, qui pèse environ 800 milliards de dollars en a secoué plus d'un. Paris la première, qui s'est consacrée la deuxième place européenne de la finance islamique, après la City.

La création d'un compartiment sukuks à Euronext, et la suppression de l'impôt de Bourse, ainsi que la création de masters dédiés à la finance islamique dans les universités françaises, « tout cela plaide pour que Paris se développe comme un nouvel acteur du financement islamique, avec la mise en place d’instruments financiers (…) facilement utilisables par les directions financières et juridiques des entreprises basées en Europe », déclarait Carlos Ghosn, PDG de Renault, lors de la conférence sur la finance islamique tenue au ministère français de l’Économie et des Finances le 3 novembre 2009. Alors, même pas peur ?

Pour Gilles Saint Marc, avocat chez Gide Loyrette Nouel, « la crise actuelle de Dubaï n'est pas la crise de la finance islamique (mais) l'explosion d'une bulle spéculative née d'un surendettement de l'émirat et d'un surdimensionnement des infrastructures, dans une conjoncture mondiale déprimée ».

Un pays jeune, ambiance far west

Les Émirats, c'est aussi un peu le « far west », analyse de son côté Abdsamad, « le pays est jeune, à la population peu instruite, à la culture pauvre et au savoir-faire importé », mais qui « a su tirer son épingle du jeu ». Aujourd'hui en effet, moins de 10 % de l'économie des Émirats dépend du pétrole, même si cela reste leur assurance en dernier recours : en témoignent les salvateurs pétrodollars de l'émirat d'Abu Dhabi lors de la dernière crise économique.

Abdsamad garde confiance, « la volonté reste, et le regard à l'affût », persiste-t-il. Le bébé va grandir...






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