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Religions

Conseil national des imams : un lancement en fanfare sur fond de crise au sein du culte musulman

Rédigé par | Lundi 22 Novembre 2021 à 08:25

           

Un conseil national des imams porté par quatre fédérations musulmanes a été lancé, dimanche 21 novembre, à l'issue d'une assemblée constitutive organisée à la Grande Mosquée de Paris lors de laquelle un président et son bureau a été élu. Ce CNI est installé dans un contexte de rivalités entre les fédérations qui a mené le Conseil français du culte musulman (CFCM) dans une profonde crise interne.



Un Conseil national des imams porté par quatre fédérations a été lancé dimanche 21 novembre 2021. De gauche à droite : Anouar Kbibech (RMF), le grand rabbin de France Haïm Korsia, Chems-Eddine Hafiz (GMP), le président du CNI Amadou Ba, Mohsen Ngazou (MF) et Assani Fassassi (FFAIACA).
Un Conseil national des imams porté par quatre fédérations a été lancé dimanche 21 novembre 2021. De gauche à droite : Anouar Kbibech (RMF), le grand rabbin de France Haïm Korsia, Chems-Eddine Hafiz (GMP), le président du CNI Amadou Ba, Mohsen Ngazou (MF) et Assani Fassassi (FFAIACA).
Une certaine effervescence régnait au Novotel, à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, où quelque 400 personnes, imams et responsables de lieux de culte pour la plupart, se sont rassemblées, dimanche 21 novembre, pour accompagner le lancement du Conseil national des imams (CNI). Plus tôt, en fin de matinée, cette nouvelle structure, régie par la loi de 1905 et portée par quatre fédérations membres de la Coordination, créée en mars dernier en opposition au Conseil français du culte musulman (CFCM), a été constituée à la Grande Mosquée de Paris lors d’une assemblée générale qui a adopté les statuts et procédé à l’élection de son conseil d’administration comme de son bureau.

Le jour est « historique », a souligné Chems-Eddine Hafiz, qui a ouvert les assises des imams de France devant une salle comble. Le CNI, composé d'hommes et de femmes « résolus à parfaire l'organisation du culte musulman », est une entité construite « en interaction avec les pouvoirs publics » et « que les musulmans de France attendent tout comme la société française », a clamé le recteur de la GMP. « Le CNI porte un message de citoyenneté. Grâce à lui, nous, musulmans de France, vivront encore mieux notre conviction religieuse et notre appartenance républicaine. »

Un CNI « pensé pour des imams, par des imams »

La structure a vocation à assurer l'agrément des imams et des mourchidates (guides religieuses) et à les accompagner dans l'exercice de leurs fonctions ; une première étape pour l'élaboration, espèrent les fédérations, d’un statut pour les imams qui fait aujourd’hui défaut en France. Aux imams, « vous êtes les éclaireurs de la vie des musulmans. Le CNI est né comme une reconnaissance de votre rôle ô combien important », a lancé le président de Musulmans de France (MF), Mohsen Ngazou. « Il faut mener un travail de fond parce que beaucoup d'espoirs sont aujourd'hui fondés sur les imams, les mourchidates mais aussi les aumôniers pour mener ce travail de prévention, d'orientation et d'encadrement des fidèles, notamment des plus jeunes », a déclaré, pour sa part, Anouar Kbibech.

« Les quatre fédérations sont au service du CNI et non l'inverse. Il est hors de question que les fédérations se servent du CNI pour des enjeux de pouvoir », a assuré le président du Rassemblement des musulmans de France (RMF). Ainsi, « toutes les fédérations sont traitées à pied d'égalité. On ne regarde plus le nombre de mosquées ou d'imams de chaque fédération, nous avons assez donné sur la question des mètres carrés. Nous avons ensemble sur des objectifs et des défis que nous devons relever ».

Pour les instigateurs du CNI, le choix du premier président a valeur de symbole. Dans un bureau « exclusivement composé d’imams et de mourchidates », ne cesse-t-on de marteler, et élu pour un mandat de quatre ans, le choix s’est porté sur Amadou Ba que le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin a salué lors d’une visite privée à la GMP le matin même de son installation, signale-t-on à la salle.

Ce cadre religieux d’origine mauritanienne, qui a longtemps été imam à la mosquée de Cergy-Pontoise, dans le Val d’Oise, est affilié « depuis un an » à la Fédération française des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA) pour mettre son expertise « au service du CNI », déclare-t-il à Saphirnews. « J’en suis très fier. Il y a des ressources à la FFAIACA qui n'ont jamais été favorisées dans les autres structures représentatives. Le choix d’Amadou Ba nous permet d'avoir un regard nouveau sur les préoccupations des imams », nous confie Chems-Eddine Hafiz.

Le soutien appuyé de Haïm Korsia, applaudi

Pour marquer ses premiers pas de président du CNI, Amadou Ba a ouvert son intervention par une récitation de versets du Coran. « De grands chantiers s'ouvrent devant nous et leur prise en charge nécessite écoute, entente, dialogue, tolérance et rigueur, qui sont les préalables nécessaires pour réussir le projet institutionnel du CNI », une instance qui « sera pour les imams et les autorités républicaines un espace de dialogue et d'échanges sur un ensemble de points qui font débat dans la société », a-t-il signifié.

« C'est parce que vous vous rassemblez en imams avec une charte, une responsabilité, des engagements de respect des valeurs de la République, que vous pourrez être dans le futur les garants de l'expression de l'islam dans la société française et dans le dialogue interreligieux », a estimé Haïm Korsia.

Venu en soutien à l’initiative, le grand rabbin de France a été particulièrement bien accueilli par l’assemblée. « Je trouve essentiel que, dans la foi musulmane, on explique que le Prophète Muhammad a appris des prêtres nestoriens et des rabbins. Le fait qu'il y ait un rabbin aujourd'hui n'est que la norme ; une façon de dire que nous croyons différemment mais que nous espérons de la même façon. (…) Le principe de laïcité nous protège tous de nos pulsions que nous sommes les seuls à détenir la vérité », a-t-il affirmé, avant de finir son intervention par une prière pour la République.

Des discours qui plaident l’union…

Les discours des intervenants à la tribune se veulent rassembleurs. Le CNI est installé, pour Chems-Eddine Hafiz, « par quatre fédérations qui ont voulu aujourd'hui mettre en œuvre les recommandations du président de la République mais nous ne fermons la porte à personne ».

Même son de cloche pour Mohsen Ngazou : « Certes, il y a des absents affiliés à d'autres fédérations ou indépendants mais nous ferons tout pour qu'ils nous rejoignent dans la dignité et dans l'honneur car nous devons rester fédérateurs. » A condition déjà qu’ils signent la charte des principes pour l’islam de France, ce qui est pour le moment exclu pour plusieurs organisations. Si, déclare-t-il, « la division ne doit pas être une fatalité », elle demeure à l'heure d'aujourd'hui une réalité pour le culte musulman.

…qui ne convainquent pas les opposants

Dès l’annonce de l’installation du CNI, le bureau du CFCM s’est fendu d’un communiqué pour dénoncer « un détournement du travail » fait sous l’égide de l’instance. Celle-ci « se réserve le droit d’agir par tous les moyens légaux pour faire cesser cette attitude irresponsable qui ne fait qu’aggraver une situation de division préjudiciable à tous ». « Utiliser les mêmes documents et le même sigle avec l'absence de toutes les fédérations qui ont participé à l'élaboration de ce travail ne me paraît pas loyal », nous soutient son président Mohammed Moussaoui.

« Le CNI n'appartient à personne, il appartient aux musulmans de France », répond fermement Chems-Eddine Hafiz, qui déclare à Saphirnews que la porte reste tout de même ouverte à l’Union des mosquées de France (UMF) en tant que signataire de la charte. Une entrée qui n’est pas à l’ordre du jour de Mohammed Moussaoui et de sa fédération. Il a annoncé la tenue d'un congrès qui réunira les structures départementales et régionales du culte musulman le 12 décembre lors duquel un autre CNI pourrait voir le jour.

« Il faut qu'on puisse trouver une solution d'ici au 12 décembre pour éviter la déchirure », nous dit en marge des assises Chana Benaissa, qui sera président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) Rhône-Alpes dans les prochains jours. « Nous comptons aussi sur les pouvoirs publics pour nous aider à aller dans le sens de l'union. »

Mise à jour : Pour clore les assises, neuf résolutions d'imams, de mourchidates et d'aumôniers ont été lues devant l'assemblée, les voici.

Lire aussi :
Conseil national des imams : vers la création de deux structures concurrentes en France ?
Un ouvrage collectif décortique le statut des ministres du culte musulman en France, avec Francis Messner
Une réforme des statuts du CFCM balayée, une crise de la représentation de l'islam de France qui perdure
Mohammed Moussaoui : « Le CFCM des fédérations est arrivé à son terme »


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Rond LEDARON le 25/11/2021 06:16 | Alerter
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Encore une bizarrerie française ,ou plutôt la continuation d'un paternalisme structurel.
Pourquoi la présence d'un rabbin dans une instance qui se veut musulmane ?
Faut-il de cet ajout,pour trouver grâce et légitimité auprès des institutions politiques (qui pilotent évidemment cet action) ? La réponse est contenue dans la question,ou avais je la tête ?
A l'instar des musulmans d'Occident,ceux de France ne sont ils pas assez "adultes" pour trouver leurs propres modalités de fonctionnement ? Ou bien est-ce l'autoritarisme néo-colonial hexagonal qui bride toute initiative ? (décidément,les réponses à mes questions faussement ingénues,coulent de source).
Pourquoi se prêter à une mascarade qui décevra forcément une communauté qui sature de toutes les combines qui concerne leur culte ?
Et pourquoi pas un musulman dans une instance juive ? catholique ? protestante ?
Ce pays est tout bonnement "e x t r a - o r d i n a i r e" !!!

2.Posté par Premier janvier le 25/11/2021 20:28 | Alerter
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Musulman de quelque part. Ou juif ou chrétien ou autre de quelque part.
Quel est le rapport entre musulman et les endroits.
Si l'on dit qu'il est question de chapelles c'est que l'on dit de dieu qu'il n'est pas dieu. Mais qui alors! Lol.


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