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Monde

Promouvoir la laïcité française à l’étranger : un exercice de haut vol

Opération séduction en marche

Rédigé par | Vendredi 28 Juin 2013 à 10:15

           


Promouvoir la laïcité française à l’étranger : un exercice de haut vol
Avec son rapport d’étape publié le 25 juin, l’Observatoire de la laïcité semble vouloir jouer la carte de l’apaisement auprès des musulmans en France en éloignant, pour le moment, la perspective d’une nouvelle loi contre les signes religieux dans les crèches privées.

Un des objectifs que s’est en effet fixé l’Observatoire, crée sous l’impulsion de François Hollande, est de « faire des propositions pour mieux expliquer à l’étranger ce qu’est la laïcité en France, ses fondements et son application ». Rendre « aimable » le concept de laïcité, selon les mots de Jean-Louis Bianco, le président de l’instance.

« La laïcité apparaît trop souvent, depuis une vingtaine d’années, comme un principe d’interdits et de restrictions aux libertés. Ce qu’elle n’est pas », lit-on dans l’introduction du rapport, qui fait un point sur les perceptions internationales de la laïcité en France. L’adoption d’une nouvelle loi serait dès lors une nouvelle épine sous les pieds des diplomates français à l’étranger, en particulier dans le monde musulman.

Rendre « aimable »… des interdictions

Les lois contre le voile à l’école en 2004 – saluée dans le rapport d’étape qui ne manque pas de rappeler que la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) l'a validé - puis contre le niqab dans l’espace public en 2010 ont donné des raisons de nourrir cette perception négative de la laïcité dans le monde musulman.

S’y ajoutent l’interdiction pour les mères voilées de participer aux sorties scolaires, légalisée par une circulaire de l’Education nationale en mars 2012 ainsi que les débats autour d’une loi contre le voile dans les entreprises privées - avortée à ce jour - et les crèches privées depuis la décision de la Cour de cassation rendue dans l’affaire Baby Boup, le tout au nom d’une laïcité – falsifiée selon les termes de l’historien Jean Baubérot - qui devrait étendre la neutralité religieuse au-delà des agents d’Etat. Difficile dans ce contexte de rendre « aimable » un concept sans cesse brandi en vue de restreindre des libertés individuelles.

La commission américaine sur les libertés religieuses internationales a notamment jugé, dans son dernier rapport, « très agressive » la laïcité française. « La spécificité française du principe de laïcité a souvent fait l’objet de commentaires et de comparaisons avec les positions britanniques et américaines – jugées plus respectueuses des libertés individuelles », constate Roland Dubertrand, conseiller pour les affaires religieuses du ministère des Affaires étrangères, sollicité par l’Observatoire.

Celui-ci rappelle aussi les réactions très souvent négatives, en 2004, des autorités religieuses chiites et sunnites comme le cheikh Yusuf Al-Qaradawi. En revanche, le paragraphe suivant, encadré cette fois, mettra en avant les avis de « certaines autorités musulmanes modérées » ayant soutenu la décision française, citant deux personnes dont le cheikh Tantawi, ancien grand imam d’Al-Azhar, la plus haute autorité sunnite du monde musulman. Ce que le conseiller omet de dire est que la position du savant a été très largement contestée au sein même de son institution. Quant à Gamal Al Banna, le deuxième évoqué, sa position personnelle sur le voile qu'il ne considère pas comme une obligation demeure ultra-minoritaire dans le monde musulman.

Une nouvelle loi dommageable pour la diplomatie

La loi sur le niqab « a provoqué des réactions négatives mais moins virulentes qu’en 2004. Dans le monde musulman, la presse a commenté de façon critique mais plutôt modérée », constate-t-il. « Si une nouvelle loi devait être adoptée en France suite à la décision de la Cour de Cassation à l’affaire "Baby Loup", il est évident qu’on aura à faire à de fortes contestations dans le monde musulman et dans le monde anglo-saxon. On nous reprocherait alors d’imposer des discriminations accrues aux musulmans de France et de porter de manière répétitive atteinte à leur liberté religieuse », prévient-il.

Pour Roland Dubertrand, « un travail d’explication et de communication sur la laïcité française s’avère nécessaire pour promouvoir une meilleure compréhension de notre système à l’étranger » à travers une charte qui pourrait être utilisé « comme un argumentaire pour présenter de manière synthétique nos positions ».

« Il conviendrait en particulier d’insister sur le fait que le principe de laïcité est en France au cœur des libertés publiques. Il ne s’agit pas de brimer la liberté de religion ou de conviction, puisque la laïcité est liée dès le départ à la liberté de conscience, mais au contraire de protéger la liberté des individus », insiste le conseiller, proposant notamment d’inviter des personnalités religieuses et d’organiser des séminaires avec des partenaires étrangers pour présenter la laïcité française « que nous ne devons pas considérer comme un modèle à exporter ou imposer "clés en main" mais plutôt comme un idéal et une référence qui peuvent être réappropriées par d’autres acteurs de la vie internationale ».

Si la laïcité dans son principe est bien une « affirmation de la liberté de conscience et de l’égalité républicaine en ce qu’elle ne place aucune opinion au-dessus des autres » pour favoriser le vivre ensemble, ce sont les dérives autour de son application que les musulmans - ou encore les sikhs - déplorent. Le Quai d'Orsay se veut prêt à vendre à grande échelle les mérites d'un système dont l'idéal prend régulièrement des coups politiques - de gauche comme de droite - à visée souvent électoraliste. Une opération de promotion qui ne duperait pas moins les citoyens en France sur une réalité bien plus complexe et difficile à positiver.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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