© AP-HP
Le calot est-il désormais un « signe religieux par destination » ? Cette interprétation provoque des remous au sein de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et bien au-delà depuis la médiatisation du licenciement de Medjouline en novembre dernier. Infirmière à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière durant sept ans, elle a été virée pour avoir refusé de retirer le couvre-chef – obligatoire au bloc opératoire et en réanimation – qu’elle portait au quotidien dans la structure hospitalière, et ce malgré les demandes répétées de sa direction. Celle-ci a invoqué deux motifs de licenciement : « Port d’une tenue vestimentaire inadaptée, un couvre-chef, et refus réitérés de l’ôter malgré les demandes. »
Jugeant la décision de sa hiérarchie discriminatoire, l’agente a décidé de contester sa révocation devant le Tribunal administratif de Paris, qui va devoir trancher sur son cas. Avec le soutien de plusieurs syndicats et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), un rassemblement a été organisé mardi 23 décembre pour dénoncer la nouvelle « chasse aux calots à l’hôpital », signe d’un ciblage de plus à l'encontre des femmes musulmanes ou perçues comme telles. Le cas de Mejlouline ne serait en effet pas isolé ; 20 cas similaires ont été répertoriés depuis 2025 à la Pitié-Salpêtrière par Sud Santé.
« On constate depuis un an à peu près une chasse au bout de tissu dans les services. De nombreux collègues ont été mis sous pression, menacés, convoqués, voire, directement sanctionnés parce qu’elles portaient un couvre-chef », a déploré auprès de Libération Blandine Chauvel, assistante sociale dans le même hôpital que Medjouline. Pour cette représentante du syndicat Sud qui a fait le déplacement au rassemblement, pas de doute : « La direction de l’hôpital détourne la laïcité pour virer les collègues qui portent simplement un calot, signe non religieux. » Medjouline est, à ses yeux, victime d’une « croisade des directions hospitalières » contre un couvre-chef qui assure un rôle d'hygiène.
Pour Tayeb Khouira, représentant du syndicat Union Solidaires lui aussi présent à la manifestation, le licenciement de Medjouline, dont le port du calot est devenu « le prétexte à une sanction lourde et injuste », signe « une dérive inquiétante dans l’hôpital public d’un management qui sanctionne au lieu de dialoguer, qui stigmatise au lieu de protéger et qui détourne les principes de neutralité et de laïcité pour justifier des décisions discriminatoires ».
Jugeant la décision de sa hiérarchie discriminatoire, l’agente a décidé de contester sa révocation devant le Tribunal administratif de Paris, qui va devoir trancher sur son cas. Avec le soutien de plusieurs syndicats et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), un rassemblement a été organisé mardi 23 décembre pour dénoncer la nouvelle « chasse aux calots à l’hôpital », signe d’un ciblage de plus à l'encontre des femmes musulmanes ou perçues comme telles. Le cas de Mejlouline ne serait en effet pas isolé ; 20 cas similaires ont été répertoriés depuis 2025 à la Pitié-Salpêtrière par Sud Santé.
« On constate depuis un an à peu près une chasse au bout de tissu dans les services. De nombreux collègues ont été mis sous pression, menacés, convoqués, voire, directement sanctionnés parce qu’elles portaient un couvre-chef », a déploré auprès de Libération Blandine Chauvel, assistante sociale dans le même hôpital que Medjouline. Pour cette représentante du syndicat Sud qui a fait le déplacement au rassemblement, pas de doute : « La direction de l’hôpital détourne la laïcité pour virer les collègues qui portent simplement un calot, signe non religieux. » Medjouline est, à ses yeux, victime d’une « croisade des directions hospitalières » contre un couvre-chef qui assure un rôle d'hygiène.
Pour Tayeb Khouira, représentant du syndicat Union Solidaires lui aussi présent à la manifestation, le licenciement de Medjouline, dont le port du calot est devenu « le prétexte à une sanction lourde et injuste », signe « une dérive inquiétante dans l’hôpital public d’un management qui sanctionne au lieu de dialoguer, qui stigmatise au lieu de protéger et qui détourne les principes de neutralité et de laïcité pour justifier des décisions discriminatoires ».
Que dit l’AP-HP dans son guide de la laïcité ?
Alors que la France vient tout juste de célébrer les 120 ans de la loi de 1905 codifiant la laïcité, cette affaire met gravement à mal l’image de l’AP-HP.
« L’obligation de neutralité religieuse fait interdiction à un agent de manifester sa conviction religieuse par le port d’un signe ou d’un vêtement religieux. Ce principe vise à protéger les usagers du service de tout risque d’influence ou d’atteinte à leur propre liberté de conscience », indique le centre hospitalier universitaire dans son guide de la laïcité qu’elle a mis à jour en décembre 2023. Un document que la direction de la Pitié-Salpêtrière n’a pas mentionné lors du licenciement de Medjouline, selon Mediapart.
Dans la section portant sur « le détournement de tenue professionnelle : charlottes, gants, masques », il est indiqué que « la jurisprudence administrative est venue rappeler à plusieurs reprises que tout signe peut devenir religieux par la volonté de celui qui le porte et ainsi être considéré comme un "signe religieux par destination" ». Par conséquent, « le port d’une charlotte de bloc opératoire, en dehors des situations dans lesquelles elle est requise pour les besoins du service, constitue l’expression d’une appartenance religieuse et, ainsi, un comportement professionnel fautif ».
Une formulation « rédigée en des termes trop vagues pour pouvoir être appliquée sans encadrement précis » et qui crée « une situation d’incertitude juridique susceptible de conduire à des décisions incohérentes, injustes, voire absurdes et incompréhensibles », estime le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a annoncé le 18 décembre avoir saisi le Défenseur des droits face à « un détournement du principe de laïcité ».
« L’obligation de neutralité religieuse fait interdiction à un agent de manifester sa conviction religieuse par le port d’un signe ou d’un vêtement religieux. Ce principe vise à protéger les usagers du service de tout risque d’influence ou d’atteinte à leur propre liberté de conscience », indique le centre hospitalier universitaire dans son guide de la laïcité qu’elle a mis à jour en décembre 2023. Un document que la direction de la Pitié-Salpêtrière n’a pas mentionné lors du licenciement de Medjouline, selon Mediapart.
Dans la section portant sur « le détournement de tenue professionnelle : charlottes, gants, masques », il est indiqué que « la jurisprudence administrative est venue rappeler à plusieurs reprises que tout signe peut devenir religieux par la volonté de celui qui le porte et ainsi être considéré comme un "signe religieux par destination" ». Par conséquent, « le port d’une charlotte de bloc opératoire, en dehors des situations dans lesquelles elle est requise pour les besoins du service, constitue l’expression d’une appartenance religieuse et, ainsi, un comportement professionnel fautif ».
Une formulation « rédigée en des termes trop vagues pour pouvoir être appliquée sans encadrement précis » et qui crée « une situation d’incertitude juridique susceptible de conduire à des décisions incohérentes, injustes, voire absurdes et incompréhensibles », estime le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a annoncé le 18 décembre avoir saisi le Défenseur des droits face à « un détournement du principe de laïcité ».
Des décisions incompréhensibles ouvrant la voie à « des raisonnements discriminatoires fondés sur l’identité ou l’apparence »
« Cette disposition, qui engendre un climat de suspicion inacceptable, conduit à une situation profondément choquante : une infirmière supposée musulmane ne pourrait porter sereinement un calot sans s’exposer à une sanction disciplinaire grave, tandis qu’une collègue perçue comme « non musulmane » pourrait porter le même couvre-chef sans difficulté. Un tel double standard, fondé sur l’apparence physique ou la consonance des noms et prénoms, est non seulement absurde mais également insupportable au regard des principes d’égalité et de non-discrimination », signifie le CFCM. « Il existe ainsi un risque réel que certaines femmes, perçues comme musulmanes, soient placées sous pression, scrutées et surveillées afin de déceler une hypothétique "volonté religieuse", alors que leurs collègues ne font l’objet d’aucune suspicion comparable. »
« La notion de « signe religieux par destination », d’origine exclusivement jurisprudentielle et non législative, ne saurait en outre être étendue au port d’un calot en milieu hospitalier. Celui-ci n’est ni un vêtement extérieur ni un accessoire distinctif, mais un élément vestimentaire usuel et commun à l’environnement hospitalier », affirme également l’instance, qui appelle l’AP-HP à faire des rectifications dans son guide de sorte à « mettre fin à toute ambiguïté génératrice de confusion, d’insécurité juridique et de risques élevés de décisions arbitraires pouvant conduire à des discriminations fondées sur l’apparence physique et/ou la consonance des noms et prénoms des agents ».
Pour Blandine Chauvel, cette nouvelle chasse aux calots vise à « détourner l’attention des vrais problèmes, (à savoir) le sous-effectif dans les services, le manque de matériel » et d’autres. « L’objectif est de faire peur, de nous faire taire », à stopper l’élan de révolte contre les coupes budgétaires « qui vont continuer et même s’accélérer à la rentrée ».
« Dans un hôpital public en grande souffrance où les personnels sont épuisés, sous-payés et en sous-effectif chronique, cette affaire est une aberration. Alors que les soignants tiennent à bout de bras les services publics de santé, on choisit de les exclure plutôt que de les soutenir », a également fait valoir le syndicaliste Tayeb Khouira. « Nous refusons que des règles floues deviennent des outils de stigmatisation. (…) Défendre Medjouline, c’est défendre toutes celles et ceux qui pourraient demain être sanctionnés pour ce qu’elles et ils sont ou pour ce qu’on suppose qu’elles et ils sont. »
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