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Points de vue

L’esclavage sexuel : discutons-en maintenant !

Rédigé par Fatima Adamou | Mercredi 17 Avril 2024 à 12:00

           


Il n’existe pas de bons moments pour aborder des sujets graves, tabous. C’est probablement cette réflexion qui a précédé, il y a quelques semaines, la diffusion de la série documentaire Sabaya Al-Baghdadi de Majid Hamid, journaliste d’Al-Arabiya à Bagdad, sur les esclaves sexuels de Daesh.

Depuis des années, de nombreux témoignages relatent les crimes sexuels commis par Daesh, leur réduction à l’état d’esclave sexuel des femmes, un esclavage sexuel justifié avec le détournement de versets du Coran.

Des théologiens, des chercheurs, hommes et femmes, s’attèlent depuis longtemps à l’explication des versets concernant l’esclavage dans le Coran et leur détournement. La persistance de l’utilisation de l’esclavage et de l’esclavage sexuel par des coreligionnaires montre qu’il est grand temps de diffuser ces recherches et leurs conclusions à une échelle plus conséquente.

Refuser le silence face à l’inadmissible

Néanmoins, même sans une instruction poussée sur l’islam et l’esclavage, nous savons incontestablement que la réduction d’une femme au statut d’esclave sexuel contredit l’esprit du Coran. Nous savons que le Coran ne prône pas les sévices sexuels ; et c’est sans doute la raison du malaise, du déni la plupart du temps, lorsque des actes atroces sont commis par des coreligionnaires. Alors on garde le silence, on tourne la tête.

Par exemple, nous savons pertinemment que la barbarie et les violences sexuelles perpétrées par des Palestiniens militants du Hamas en octobre 2023, avec toute l’humiliation et la destruction du corps féminin qu’ils ont engendré, ne correspondent en rien aux enseignements de l’islam. Nous savons également que les mariages de jeunes filles enlevées au Nigéria par Boko Haram comme celles du lycée Chibok en avril 2014 ne sont ni plus ni moins que des « viols halalisés » par les ravisseurs.

Les crimes sexuels sur des femmes deviennent une stratégie de guerre à part entière depuis longtemps. Les belligérants de tous les continents utilisent cette stratégie, quelle que soit la confession religieuse dominante des pays en guerre, même lorsqu’il s’agit de guerre civile. Détruire une femme physiquement et mentalement, c’est détruire une famille, un tissu social.

Il est de notre devoir de ne pas laisser le Coran devenir un texte qui légitime la souffrance d’autrui

Le médecin Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, répare des femmes au Congo depuis des années, des femmes victimes de ces techniques de guerre honteuses dans l’est du pays. La condamnation de ces crimes de guerre va de soi.

Hélas, des belligérants de confession musulmane puisent dans le corpus sacré des éléments pour justifier l’asservissement de l’autre, la réduction à l’esclavage de la femme, de la femme de l’autre, cet autre perçu comme un ennemi. Le Coran, selon eux, permet la souffrance de l’autre surtout si cet autre n’est pas musulman. Le Coran autoriserait la réduction en esclavage de la femme parce qu’elle ne partage pas la même conviction religieuse.

Nous, les musulmans, sommes toujours prompts à condamner ce que nous considérons des outrages au Prophète Muhammad. Pourtant, nous sommes frileux lorsqu’il s’agit de fustiger le détournement des paroles qui lui ont été révélées et leurs utilisations pour justifier des crimes.

Le Divin n’a jamais demandé, le viol, l’avilissement, l’humiliation, les mutilations des femmes, quelles qu’elles soient. Il est de notre devoir à tous de ne pas laisser le Coran devenir un texte qui légitime la souffrance d’autrui, femme ou homme, musulman ou non-musulman.

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Fatima Adamou, auteure de « Noire et musulmane. Grandir dans la minorité », a été chercheuse bénévole à l’association Christian Muslim Forum.

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