
L’imam Bel Hadj El Maafi, ici en djellaba blanche, défile dans les rues de Lyon le 3 septembre 1944 avec Frère Benoît, autre figure de la Résistance lyonnaise. Photo d’archive de Philippe Pernot
« Quand il était vivant, il avait besoin d’une datte ; quand il est mort, on lui apporta une grappe », dit un proverbe algérien. C’est cette amère sagesse populaire que rappelle une proposition faite à la page 61 du rapport « Les Frères musulmans et l’islamisme politique en France », consistant à mettre à l'honneur, voire panthéoniser des figures musulmanes emblématiques mais peu connues, parmi lesquelles l’imam Bel Hadj Ben Maafi (1900–1999).
Une figure oubliée de la Résistance
Arrivé à Lyon en 1923, cet homme de foi s’engagea avec courage dans la Résistance et sauva de nombreux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il exerça ensuite les fonctions d’imam, d’aumônier des hôpitaux et des prisons de Lyon, et de guide spirituel, jusqu’à sa mort, le 22 février 1999, dans une modeste chambre de l’hôpital gériatrique de Villeurbanne, dans le Rhône.
Tout au long de sa vie après la guerre, Bel Hadj Ben Maafi aspira à la construction d’une mosquée à Lyon, un lieu digne où il aurait pu exercer pleinement sa mission. Ce projet ne vit jamais le jour, malgré son engagement exemplaire dans la Résistance, sa proximité avec les autorités locales, et même sa position hostile à l’indépendance de l’Algérie.*
Lire aussi : Grande Mosquée de Lyon : 20 ans pour une pionnière de l’islam de France
Tout au long de sa vie après la guerre, Bel Hadj Ben Maafi aspira à la construction d’une mosquée à Lyon, un lieu digne où il aurait pu exercer pleinement sa mission. Ce projet ne vit jamais le jour, malgré son engagement exemplaire dans la Résistance, sa proximité avec les autorités locales, et même sa position hostile à l’indépendance de l’Algérie.*
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L’attente d’une reconnaissance concrète
Honorer cette figure de l’imam résistant en le panthéonisant est sans nul doute un geste fort et symbolique. Mais les citoyens musulmans de France, eux, attendent d’abord d’être reconnus pour ce qu’ils sont : des citoyens français à part entière, sans stigmatisation ni suspicion. Ils souhaitent simplement pouvoir vivre en paix et pratiquer leur foi dans les mêmes conditions de respect et de dignité que les autres communautés religieuses.
Parmi leurs attentes légitimes figurent notamment la reconnaissance officielle du statut d’imam — promesse formulée par le président de la République en 2023, plusieurs fois renouvelée depuis — ainsi que la création de nouveaux carrés musulmans dans les cimetières communaux ou intercommunaux, afin d’inhumer leurs défunts conformément à leurs rites. Ces revendications, loin d’être nouvelles, sont portées depuis plus de 25 ans, régulièrement exprimées, débattues… mais trop souvent repoussées.
Parmi leurs attentes légitimes figurent notamment la reconnaissance officielle du statut d’imam — promesse formulée par le président de la République en 2023, plusieurs fois renouvelée depuis — ainsi que la création de nouveaux carrés musulmans dans les cimetières communaux ou intercommunaux, afin d’inhumer leurs défunts conformément à leurs rites. Ces revendications, loin d’être nouvelles, sont portées depuis plus de 25 ans, régulièrement exprimées, débattues… mais trop souvent repoussées.
Les Français musulmans, des citoyens, pas des instruments politiques
Aujourd’hui, les citoyens musulmans attendent des actes concrets, des réponses claires, loin des polémiques stériles et des récupérations politiques. Ils sont fatigués d’être instrumentalisés et réduits à des enjeux sécuritaires ou électoraux, alors qu’ils aspirent simplement à exercer leur foi, dans la République, avec sérénité et égalité.
Alors, faut-il mourir pour être reconnu ? Si panthéoniser des figures musulmanes peut avoir une portée symbolique, cela ne doit pas servir à masquer l’urgence d’agir pour les vivants. Car avant de panthéoniser les morts, ne devrions-nous pas d’abord écouter les vivants ?
*****
Azzédine Gaci est recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne.
*Christian Delorme, Histoire de l’islam à Lyon, Éditions Mémoire Active, 2025
Lire aussi :
La France xénophobe et sa soif de « victimes expiatoires »
Les Français musulmans sous le joug de la mentalité préfasciste
Et aussi :
Rapport sur l'islamisme : « La voix de la nuance est indispensable pour éclairer les choix publics »
Rapport sur les Frères musulmans : vigilance face aux dérives
Un rapport sur « l’islamisme politique » aux répercussions qui inquiètent les musulmans de France
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Azzédine Gaci est recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne.
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