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Points de vue

Face à la négrophobie, les musulmans ne doivent pas se défiler

Rédigé par Fatima Adamou | Mercredi 24 Juin 2020 à 11:00

           


Face à la négrophobie, les musulmans ne doivent pas se défiler
Ils ont osé, osé organiser une discussion sur le sujet tabou du « racisme dans les communautés musulmanes ». Ils, ce sont les représentants du Conseil consultatif britannique regroupant des recteurs de mosquées et des imams, le MINAB (Mosques and Imams National Advisory Board). « L'instauration de la justice sociale doit commencer dans nos foyers et nos communautés ; il nous faut défier nos propres préjugés et le manque apparent d'égalité dans nos organisations, nos institutions et au-delà », a fait valoir l’organisation en juin, en solidarité avec le mouvement Black Lives Matter.

C’est osé parce qu’officiellement, le racisme n’existe pas dans les communautés musulmanes : nos textes sacrés prônent la justice et l’égalité entre les êtres humains. Officieusement, on sait ce qu’il en est. Alors on évite ce sujet.

Lire aussi : L’égalité des musulmans et des musulmanes, en théorie seulement

Des discours encore trop génériques sur le racisme anti-Noirs

Le meurtre de George Floyd change la donne. Dans le contexte mondial de déconfinement progressif, personne n’a pu échapper aux images insoutenables de sa mort le 25 mai. Impossible de ne pas voir circuler les témoignages sur le racisme anti-noir.

Les condamnations de représentants religieux de toutes confessions et les messages de soutien aux populations noires se sont multipliés, bien sûr aux États-Unis, mais également au Vatican et Outre-Manche.

Dans le même temps, les musulmans américains et britanniques originaires d’Asie du Sud-Est questionnent l’origine de leur frilosité à soutenir les communautés noires dans leurs protestations face au racisme endémique.

En France, dans les communautés musulmanes, suivent, au fil des jours, des discours génériques contre le racisme dans le contexte français. Sans surprise, tout le monde adhère, tout va bien. Fièrement, on a partagé les images de musulmans américains priant pour George Floyd. On se félicite. C’est ça l’islam, l’union, la solidarité. Les causes communes rassemblent. Surtout, on évacue le sujet inconfortable, la négrophobie.

Une colère qui monte parmi les musulmans noirs

Ce racisme, de nombreuses cultures en sont imprégnées. Cette négrophobie partage un point commun avec l’idéologie de blancs suprémacistes : la personne noire est naturellement inférieure. C’est sur ce concept qu’on tue un homme noir faisant son jogging aux États-Unis, qu’on vend sans état d’âme des hommes noirs comme esclaves en Libye, qu’on empêche son enfant de laisser pousser ses cheveux crépus s’il n’est pas noir.

Alors comment, en partageant ce point commun, ne pas ressentir de la gêne lorsque l’on évoque le racisme anti-noir violent aux États-Unis ?

La plupart des musulmans non-noirs, malgré le rejet de ce racisme, gardent le silence. Certains feignent de ne pas comprendre la négrophobie ou n’en sont pas conscients et propagent la diffusion de stéréotypes et propos racistes.

Quant aux musulmans noirs, ils continuent de se raconter les mésaventures racistes vécues aux quatre coins du monde, et dans les communautés musulmanes. Nombreux se rassurent en l‘amputant à « l’ignorance » ou encore en disant « c’est comme ça ». Ignorant que, parmi eux, la colère monte avec ce risque de la haine de l’Autre.

Savoir reconnaître la négrophobie qui gangrène les communautés musulmanes pour mieux la combattre

Citer des versets du Coran vantant l’égalité des peuples et d’êtres humains ne suffit pas pour combattre le racisme, en particulier celui contre les Noirs. Il nous faut accepter son existence et ses ravages dans la communauté. Autrement dit, cela nécessite une discussion franche et une réflexion sur les solutions concrètes pour enrayer le fléau.

La première solution concrète et non des moindres consiste à restaurer la contribution aux sciences islamiques des savants africains noirs à travers l’Histoire dans nos enseignements de l’islam.

Si on prétend lutter sérieusement contre le racisme sur le plan national, on doit aussi lutter contre celui gangrenant les communautés musulmanes.

Le contexte d’aujourd’hui se prête aux changements drastiques. Alors agissons.

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Fatima Adamou, auteur de « Noire et musulmane. Grandir dans la minorité », a été researcher bénévole à l’association Christian Muslim Forum.

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