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Points de vue

Viols et harcèlements : des Weinstein dans les communautés musulmanes ?

Rédigé par Fatima Adamou | Mercredi 1 Novembre 2017 à 08:00

           


Affiche du Collectif féministe contre le viol.
Affiche du Collectif féministe contre le viol.
Le pouvoir immense de Harvey Weinstein dans l’industrie du cinéma a réduit ses victimes de harcèlement et de violences sexuels au silence durant de longues années. Est-ce qu’un tel pouvoir peut avoir cours dans des communautés musulmanes ? Bien sûr.

Avant que l’affaire Weinstein n’éclate, les communautés musulmanes outre-Atlantique ont été secouées par divers scandales de harcèlement sexuels et de violences sexuelles. Un dirigeant d’un institut d’enseignements religieux réputé a été condamné pour abus sexuels sur des jeunes hommes et femmes musulman-e-s.

Plus récemment, des accusations de pratiques de harcèlement sexuel ont visé un prêcheur de renom, dans les communautés anglophones. En France, c'est l'un des plus grands islamologues européens, professeur d’études islamiques contemporaines à l’Université d’Oxford et directeur du Centre de recherche sur la législation islamique et l'éthique (CILE) qui est accusé de viols.

Au-delà de ces cas particuliers, il est un fait. En dépit de la gravité des accusations, les dénonciateurs, les dénonciatrices et les victimes sont trop souvent vite mis en cause plutôt que les agresseurs, lesquels se sont servi de leur position pour abuser physiquement, spirituellement et sexuellement des hommes et des femmes. Les plaignant-e-s essuient des insultes. Leur foi est remise en cause, ils sont de « faux musulmans ». Ils sont accusés d’être les instigateurs d’un complot anti-musulman. Le reproche courant est : les dénonciations nourrissent les sentiments anti-islam et anti-musulmans dans un contexte déjà bien difficile.

Très curieux d’accuser des musulman-e-s victimes de violences sexuelles d’islamophobie ou de rejet des musulmans. Pas tant que cela. En effet, les chefs religieux, imams, prêcheurs ont été élevés au fil des années au rang de célébrités locales, nationales, voire internationales. Ils sont parfois hissés au rôle de symbole de l’islam, voire de son incarnation. Oui, incarnation de l’islam.

Les pièges de ce transfert résident d’abord dans le fait que ces personnes incarnent de fait la piété, la bonne conduite. Elles deviennent ensuite incritiquables tout comme leurs paroles, verrouillant toutes formes de débat au sein des communautés musulmanes.

Non à la culture du silence

Enfin, et c’est le plus grave, pour préserver la réputation de ces personnes incarnant l’islam, la culture du silence s’installe. Silence persistant face à des formes de dérives : personne n’ose contredire, rappeler à l’ordre ces personnes.

Ce silence devient brutal et monstrueux puisque les victimes de harcèlement sexuel et de violences sexuelles ne se risquent pas à dénoncer ceux qui ont été mis sur le piédestal. Elles sont réduites au silence. Elles sont sacrifiées abandonnées à leur traumatisme et à son impact sur leur vie sociale, leur santé mentale et physique.

Outre-Atlantique, ces affaires ont entrainé des réflexions sur les abus dans les communautés religieuses musulmanes. Une réflexion qui gagnerait à franchir les frontières.

Il est évident que des mesures destinées à protéger les plus vulnérables sont obligatoires. Et il est d’autant plus important de ramener au rang d’être humain les personnes qui sont en position d’influence et peuvent abuser du pouvoir et du statut de « populaire » ou de « célébrité » que leurs activités leur confèrent. Il faut les ramener au statut de citoyen responsable, rendant des comptes comme tout un chacun en cas d’actes répréhensibles ou criminels.

Les leaders religieux-ses, théologien-ne-s, prêcheurs-ses, intellectuel-le-s, imams, aussi brillants soient-ils, ne sont pas l’islam. Ils ne représentent nullement la communauté mondiale d’un billion de musulmans. Ils ou elles n’offrent que des éclairages, des interprétations, des points de vue sur des textes religieux.

A maintes reprises, il est demandé à des non-musulmans de ne pas faire d’amalgame. Cela s’appliquent également aux communautés musulmanes. Lorsqu’un-e musulman-e est sur le banc des accusés, ce n’est pas l’islam qui est l’accusé.

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Fatima Adamou a été researcher bénévole à l’association Christian Muslim Forum.






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