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Points de vue

Ensemble avec Marie, source d’unité entre chrétiens et musulmans

Rédigé par Rodolphe Gozegba de Bombémbé | Mardi 13 Mai 2025

           

A l’heure où le mouvement Ensemble avec Marie fête ses dix ans en 2025, une réflexion sur les convergences et les spécificités de la figure mariale dans ces deux traditions ainsi que sur son potentiel en tant que vecteur de dialogue interreligieux est ici proposée à l’aune d’une rencontre organisée en février dernier à Paris.



Ensemble avec Marie, source d’unité entre chrétiens et musulmans
L’Institut catholique de Paris (ICP) a accueilli, le 14 février 2025, une journée d’études dédiée à la figure de Marie dans le christianisme et l’islam. Organisé par le mouvement Ensemble avec Marie en collaboration avec l’ICP, cet événement a réuni 239 participants parmi lesquels des théologiens, des historiens et des spécialistes du dialogue interreligieux. À travers huit interventions académiques, les échanges ont mis en lumière le rôle unique de Marie comme point de rencontre entre ces deux traditions religieuses.

Marie, une figure de convergence interreligieuse

Dans le christianisme, Marie occupe une place centrale en tant que Theotokos (Mère de Dieu), un titre proclamé lors du Concile d’Éphèse en 431. Cette reconnaissance souligne son rôle essentiel dans le mystère de l’Incarnation. En théologie catholique, elle est vénérée pour son intercession et son exemplarité spirituelle. Selon Patrick Prétot, intervenant du colloque, « Marie, par son fiat, devient la mère spirituelle de tous les croyants ». La dévotion mariale se manifeste à travers la liturgie, les prières telles que le Rosaire, ainsi que les pèlerinages mariaux à Lourdes, en France, ou à Fatima, au Portugal. L’idée de Marie comme médiatrice de grâces suscite néanmoins des débats théologiques, notamment en lien avec l’Esprit Saint. Cette question reste un sujet de réflexion dans l’ecclésiologie contemporaine.

Dans le Coran, Marie (Maryam) est une figure exceptionnelle, mentionnée 34 fois, soit davantage que dans le Nouveau Testament. Elle est la seule femme nommée dans le texte coranique et est présentée comme un modèle de piété et de soumission à Dieu. L’ange Gabriel lui annonce la naissance miraculeuse de Jésus (Issa), ce qui la place dans une lignée prophétique particulière. Mustapha Cherif a souligné que « Marie incarne l’idéal spirituel dans l’islam : une femme élue, purifiée et entièrement soumise à la volonté divine ». Mortada Al Khaliq, co-modérateur du colloque, a également rappelé que, dans la tradition chiite, Marie et Fatima, fille du prophète Muhammad, sont perçues comme des figures féminines de sainteté comparables. Cette perspective enrichit la réflexion sur le rôle des femmes dans la spiritualité musulmane.

Marie, source d’unité entre chrétiens et musulmans

Un des aspects marquants du colloque fut l’étude des sanctuaires mariaux fréquentés par des chrétiens et des musulmans. Manoël Pénicaud a présenté des exemples concrets comme Bethléem, Éphèse et Lourdes, où des croyants des deux confessions viennent prier.

Il témoigne : « À Lourdes, j’ai observé des musulmans réciter la Fatiha devant la statue de la Vierge, illustrant une piété partagée. » Dionigi Albera a élargi cette réflexion en analysant les formes de dévotion partagées en Méditerranée, révélant ainsi une dynamique interreligieuse spontanée. Ces sanctuaires constituent des espaces de convergence spirituelle qui dépassent les clivages confessionnels.

Plusieurs questions ont émergé des débats du colloque, notamment le rôle de Marie dans l’eschatologie et l’intercession. Un point de discussion soulevé fut : Marie peut-elle être considérée comme une prophétesse en islam ? Si la tradition musulmane ne la reconnaît pas en tant que telle, son dialogue avec l’ange Gabriel, réservé aux prophètes, ouvre une piste de réflexion théologique. L’analyse de Sylvie Barnay sur Marie en tant que figure de guérison a également apporté une dimension anthropologique au débat. La Vierge est perçue non seulement comme une mère spirituelle, mais aussi comme une source de réconfort pour l’humanité, indépendamment des clivages confessionnels.

L’intercession de Marie dans le christianisme et celle de Fatima Zahra dans l’islam chiite présentent des parallèles. Dans le christianisme, l’intercession de Marie est reconnue dans plusieurs conciles, notamment Éphèse en 431, où elle est proclamée Theotokos. Le concile Vatican II souligne que « la fonction maternelle de Marie n’obscurcit ni ne diminue en rien l’unique médiation du Christ » (Lumen Gentium, 60). Dans l’islam chiite, Fatima Zahra est perçue comme une figure intercesseur et eschatologique, sanctifiée par des versets coraniques tels que Coran 33:33, qui évoque la purification des gens de la maison du Prophète. Selon l’islamologue Henry Corbin, Fatima Zahra représente « le principe féminin de l’initiation spirituelle » (L’Imam caché, 1980). Toutefois, cette notion n’est pas unanimement acceptée dans le monde musulman.

Une figure universelle de médiation et de guérison

Marie est également associée à la guérison. Dans le christianisme médiéval, elle est représentée comme Vierge médecin, donnant son lait pour guérir. Clément d’Alexandrie, Augustin et Denys l’Aréopagite associent le lait marial à la grâce divine (La Hiérarchie céleste). À Bethléem, la Grotte du Lait est encore un lieu de pèlerinage.

Dans l’islam, Marie est vénérée pour son lien avec la miséricorde divine. Des sanctuaires dédiés à Marie, tels que ceux de Marseille ou Bethléem, sont visités par des musulmans. À Lourdes, des musulmans participent aux processions aux flambeaux, établissant un parallèle entre la source de Massabielle et le puits de Zamzam, sacré dans l’islam. Jean-François Bour, prêtre et spécialiste du dialogue islamo-chrétien, souligne l’importance du rôle de Marie dans le dialogue interreligieux (Marie et les musulmans, 2018). Il rappelle que la médiation mariale, bien que diversement interprétée, permet de tisser des liens entre traditions religieuses.

Le colloque organisé à l’ICP a démontré combien Marie demeure une figure capitale pour le dialogue interreligieux. Son rôle spirituel, ses apparitions et la dévotion qu’elle suscite offrent un terrain de rencontre entre chrétiens et musulmans. Cette journée d’études a permis d’éclairer la place de Marie dans les deux traditions et d’ouvrir de nouvelles perspectives pour la recherche théologique et le dialogue interreligieux.

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Rodolphe Gozegba de Bombémbé est coordinateur d’Ensemble avec Marie qui a fêté, dimanche 11 mai, ses dix ans.

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