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Politique

Ilham Moussaïd : elle a osé !

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Rédigé par Leïla Belghiti | Samedi 13 Février 2010 à 00:27

           

Les sbires anti-voile ont trouvé leur nouvelle proie. Depuis bientôt deux semaines, « intellectuels », politiques et censeurs s'acharnent sur Ilham Moussaïd, la jeune militante NPA qui a le malheur de se présenter aux régionales avec son fichu cloué sur la tête. La guéguerre lancée contre le parti d'Olivier Besancenot tend, selon les apparences, à le fragiliser. Néanmoins, la démarche du NPA est sans ambiguïté : s'aliéner un nouvel électorat, issu des milieux populaires surtout, et pourquoi pas musulman.



Ilham Moussaïd, candidate du NPA pour les régionales, en proie au harcèlement médiatique, n'est pourtant pas la seule femme en France à porter le foulard et à faire de la politique...
Ilham Moussaïd, candidate du NPA pour les régionales, en proie au harcèlement médiatique, n'est pourtant pas la seule femme en France à porter le foulard et à faire de la politique...
Âgée de 22 ans, étudiante en BTS d'assistante de gestion et actuellement trésorière du NPA Vaucluse, Ilham Moussaïd est appréciée dans sa commune, où elle est connue depuis déjà plusieurs années (alors qu'elle ne portait pas encore le foulard) pour son engagement social actif et solidaire.

C'est lors d'une action pro-palestinienne qu'elle rencontre le NPA, avec qui elle signe amitié et, en 2010, allégeance. S'imaginait-elle provoquer une telle schizophrénie nationale en se présentant candidate sur la liste NPA Vaucluse pour les régionales ? Sans doute, non. Ce n'est pourtant pas une « burqa », mais un simple foulard couvrant les cheveux qui suscite la colère de l'incontournable anti-voile Ni Putes Ni Soumises, qui décide de porter plainte contre le NPA : « Il n'est pas question d'arborer un symbole religieux alors qu'on a, en tant qu'élue, une obligation de neutralité et de réserve », déclarait la présidente de l’association, Sihem Habchi, mercredi 10 février.

PS et UMP sur la même ligne

Les partis de droite et la gauche socialiste ont – une fois n'est pas coutume – trouvé position commune sur le cas de la voilée. Ainsi en va-t-il de Xavier Bertrand (UMP), qui affirme que « l’attitude de M. Besancenot est profondément répréhensible et ça montre aussi qu’on a un NPA aujourd’hui qui est aux abois et un M. Besancenot qui est aux abois ».

Martine Aubry (PS) n'est pas en reste : « Je n’aurais pas accepté que, sur les listes socialistes, il puisse y avoir une femme voilée parce que c’est une annonce d’une religion qui doit rester du domaine privé et qui ne doit pas rentrer dans le champ de la République ».

Que dit la loi ?

Simple ignorance ou mépris des lois républicaines, qui ne stipulent en rien qu'une élue régionale ne puisse arborer de signe religieux. La loi de 1905 sur la laïcité (loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat) assure que « la République assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes », de même qu'elle « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

La loi du 15 mars 2004 interdit, quant à elle, les signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires (et non dans les espaces publics, ni les institutions parlementaires ou autres). En revanche, les fonctionnaires ne peuvent afficher leur religion en raison de leur statut de représentants de l'État français, qui est censé ne représenter aucun culte.

Ilham Moussaïd peut donc porter ce qu'elle veut sur la tête, cela ne devrait pas l'empêcher d'accéder au statut d'élue régionale. CQFD...

« L'Abbé Pierre venait bien en soutane »

Un petit saut dans l'Histoire nous rappellerait qu'il y eut quelques 400 prêtres députés à l'Assemblée nationale. Le dernier en date, l'abbé Hervé Laudrin (qui exerça ses fonctions de 1958 à 1977) fut élu maire, député, député européen et conseiller général. « L'Abbé Pierre venait en soutane, et personne ne disait rien», rappelait il y a quelques jours Besancenot.

Plus récemment encore, on se souvient de Christine Boutin – députée UDF pendant plus de vingt ans et ex-ministre du Logement et de la Ville – brandissant sa Bible à l'Assemblée, ou même de Valérie Pécresse, qui sans complexe – devrait-elle en avoir ? – affirme son appartenance religieuse : « Je suis catholique pratiquante. Mon catholicisme est sûrement à la racine de mon engagement politique. La politique, c'est améliorer la vie des gens, les recevoir, leur parler. En tant que députée, je ne raisonne pas en fonction de mes convictions religieuses mais en fonction de l'intérêt général ».

Dans la bouche d'une certaine Ilham Moussaïd, cela passe moins bien, voire pas du tout : « Je suis une citoyenne comme toutes les autres, je suis une citoyenne à part entière. Je suis féministe, militante, voilée, mais militante », déclarait la jeune femme à un parterre de journalistes venus l'assaillir de toutes parts.

Autre cas, relevé par le sociologue Vincent Geisser, celui de Maryse Joissains-Masini, députée-maire d'Aix-en-Provence, qui ne cherche pas à dissimuler sa grande croix bien visible autour du cou lors de séances au conseil municipal ou même sur les plateaux de télévision.

Élargir son électorat

Ilham Moussaïd veut plus que jamais mettre un terme à cette polémique, en co-signant avec Julien Salingue, militant NPA en Seine-Saint-Denis, une lettre ouverte aux militants de la gauche radicale, publiée sur Rue89 .

Craignant la division dans une période « où les enjeux sociaux et politiques sont majeurs », les deux signataires insistent sur leurs centres d'intérêts communs, au-delà de leurs convictions personnelles : « (...) Nous sommes dans la même organisation, nous distribuons les mêmes tracts, nous vendons les mêmes journaux, nous défendons les couleurs du NPA car nous nous retrouvons sur son orientation anticapitaliste, écologiste, internationaliste, antiraciste, féministe et laïque » , affirment-ils.

Mahinur Özdemir, la pionnière

Dans une interview au Monde, le président du NPA affirme que « pour nous (le NPA, ndlr), les convictions religieuses ne sont pas un obstacle à l'entrée dans un parti à partir du moment où les valeurs de notre parti sont réellement partagées», ajoutant qu'il n'allait pas « s'excuser d'avoir cherché à reprendre pied dans les quartiers populaires (…). Le pari du NPA, c'est de fédérer des milieux d'horizons complètements différents ».

Ilhem Moussaïd aurait donc cette double qualité de représenter à la fois les quartiers populaires et les musulmans, a fortiori les déçus des débats sur l'identité nationale et la « burqa ». Un choix stratégique évident pour le parti vauclusien, une petite embûche pour le national. Et pourtant, certains seraient surpris de plaquer la loupe sur quelques régions pour s'apercevoir qu'eux aussi ont des militantes « foulardées »..., « c'est le cas au PS et au PCF », rappelle sans complaisance Besancenot. Bientôt une traque au foulard ?

Mahinur Özdemir suit de près la polémique française. Il y a huit mois, cette jeune femme de 27 ans devenait la première députée voilée d'Europe, élue sur la liste du Centre démocrate humaniste (parti centriste) en Belgique. Dans un entretien accordé auFigaro, elle avoue qu' « être pionnier est difficile ». Mais elle continue tout de même d'exercer sereinement ses fonctions au sein du Parlement européen, à Bruxelles. Le peuple l'a choisie.






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