Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

Face à la répression des Ouïghours, boycotter – désinvestir – sanctionner la Chine aussi !

Rédigé par | Mardi 9 Mars 2021 à 11:55

           


Face à la répression des Ouïghours, boycotter – désinvestir – sanctionner la Chine aussi !
L’histoire du boycott utilisé à des fins politiques est longue. (1) Un exemple, de loin le plus marquant, est celui des militants contre l’apartheid sud-africain appelant à boycotter, entre autres, les produits fabriqués par les entreprises d’Afrique du Sud et à sanctionner l’Etat. Ce pays, rappelons-le, a érigé, dans la seconde moitié du XXe siècle, un régime institutionnalisant la ségrégation raciale. Les populations noires, condamnées à vivre dans des sortes de réserves, les « bantoustans », en furent les victimes. On pense à l’illustre Nelson Mandela, devenu un symbole vivant et planétaire de la lutte contre le racisme d’État dans ce qu’il a de plus exalté et radical.

La lutte contre l’apartheid sud-africain, aboli en 1991, inspirera plus tard la campagne BDS, un mouvement citoyen et non-violent fondé en 2005 par des organisations palestiniennes visant au boycott économique, culturel, sportif ou encore académique d’Israël et à l’application de sanctions visant ce pays dans la mesure où l’impunité tend à encourager une politique d’occupation et d’annexion, dénoncée dernièrement par l’ONG israélienne B’Tselem. Hélas.

Que dire alors de la situation de la minorité ouïghoure en Chine ! N’est-il pas fondé d’agir ainsi en appelant à la mise en place d’une campagne de type BDS ? La réponse, sans conteste, est oui. On ne peut se taire sur le traitement des Ouïghours musulmans par les autorités chinoises ; un traitement cruel consistant à interner les membres de cette minorité musulmane dans des camps à des fins de « rééducation ».

Face à tant de violences d’État, comment ne pas se révolter ?

Selon Amnesty International, et elle est loin d’être la seule organisation de défense des droits de l’Homme à le dire, « la Chine enferme et persécute les Ouïghours dans des camps ». D’ailleurs, ce pays a reconnu l’existence de ces camps et les a justifiés en affirmant que ceux-ci ont vocation à « aider les Ouïghours et autres à se débarrasser de leurs pensées extrémistes », en particulier « séparatistes (…) et terroristes ». D’où l’élaboration d’une terrible politique d’assimilation forcée entrainant une multitude d’abus.

Des chiffres inquiétants circulent concernant le nombre de Ouïghours croupissant dans ces centres dit de « rééducation ». Les observateurs, qu’ils soient responsables d’ONG ou acteurs politiques, s’alarment du sort dramatique réservé à cette population turcophone habitant la province chinoise du Xinjiang. Datant du 21 mars 2019, une tribune dans Libération parle de « persécutions de masse d’une rare ampleur ».

Notons que cette oppression étatique et donc systémique vise aussi les Kazakhs, autre minorité turcophone musulmane de cette province chinoise. Une oppression qui va jusqu’à pousser le pouvoir central à ordonner aux commerçants musulmans du Xinjiang à « vendre de l’alcool » dans l’espoir de réduire l’influence de l’islam au sein des populations ouïghoures…

Face à tant de violences d’État, comment ne pas se révolter ? Car des populations entières gémissent sous le joug de l’oppression dans ce qu’elles ont de plus violent : l’enfermement dans de véritables camps de concentration. Cela est effroyable. Il est donc temps d’agir à notre échelle de citoyens sans attendre l’action des États qui, trop souvent hélas, sont guidés par la préservation de leurs intérêts commerciaux et géostratégiques et, par suite, préfèrent se taire ou jeter un voile discret sur ces crimes d’État. Et parmi ces États complaisants se trouvent de nombreux pays musulmans.

Un mouvement de boycott qui ne vise rien d’autre que la politique de Pékin

Aussi, il est plus que justifié de mener des campagnes appelant au boycott de la Chine. En solidarité avec les populations ouïghoures cruellement réprimées, le temps est donc venu de lancer des actions de type BDS visant la Chine. Si ce mouvement prend de l’ampleur, il n’est pas exclu que cela embarrasse Pékin.

Bien évidemment, il ne s’agit en aucun cas de stigmatiser le peuple chinois ; boycotter – désinvestir – sanctionner est un acte militant visant non pas l’altérité chinoise mais la politique de Pékin qui a fait de la persécution de millions d’individus un fondement de sa politique.

D’ailleurs, la directrice de recherches sur la Chine auprès de la division Asie de l’ONG Human Rights Watch, Sophie Richardson, a insisté sur l’extrême gravité de la situation : « Au Xinjiang, le gouvernement chinois est en train de porter atteinte aux droits humains à une échelle telle que le pays n’en avait pas connu depuis des dizaines d’années. »

Un petit geste peut, en s’additionnant avec beaucoup d’autres, produire l’inespéré

Ainsi, exiger que la Chine soit sanctionnée, dénoncer les pays qui y investissent sans contrepartie en termes de respect des droits humains fondamentaux et, pour finir, appeler au boycott des produits en provenance de Chine peut s’avérer être un moyen de combattre la politique inhumaine affligeant des minorités turcophones du Xinjiang. Les actions de type BDS doivent s’appliquer à tous les pays persécutant, à des degrés divers et variés, des groupes minoritaires sur le plan racial, ethnique ou religieux.

Comment, dans une ère aussi mondialisée que la nôtre, peut-on rester indifférent à de tels crimes de masse ? Certes, il est difficile d’agir tant l’action d’un citoyen peut paraitre dérisoire. Pourtant, en amplifiant cet appel au boycott et aux sanctions envers la Chine, il n’est pas exclu que ce qui semblait une œuvre vouée à l’échec à son lancement prenne, par la suite, une ampleur insoupçonnée… Un petit geste peut, en s’additionnant avec d’autres, beaucoup d’autres, produire l’inespéré !

Alors oui, lançons à grande échelle une campagne BDS contre la Chine pour signifier notre refus de l’inacceptable ! Notre humanité en sortira grandie. Car ces petits gestes, anodins et pacifiques, s’ils sont repris en masse, peuvent amener la Chine à fléchir sa politique ouïghourophobe. Et pour nous donner du cœur à l’ouvrage, méditons ce proverbe chinois du philosophe Liou-Hiang qui nous enseigne que si « le bonheur vient de l'attention prêtée aux petites choses », le malheur lui « vient de la négligence des petites choses ». Et qu’est-ce qu’une campagne BDS réussie sinon la somme d’une multitude petits gestes militants et citoyens !

(1) Olivier Esteves, Une histoire populaire du boycott vol 1 18680- 1960, l'armée du nombre, L’Harmattan, 2006

*****
Malik Bezouh est physicien de formation. Spécialiste de questions sur l'islam de France, de ses représentations sociales dans la société française et des processus historiques à l’origine de l’émergence de l’islamisme, il est auteur de Crise de la conscience arabo-musulmane pour la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), de France-islam : le choc des préjugés. Notre Histoire, des croisades à nos jours (Plon, septembre 2015) et de Ils ont trahi Allah. Ces tabous qui tuent la religion musulmane (Éditions de l'Observatoire, 2020).

Lire aussi :
Après le Parlement du Canada, la France en défense des Ouïghours devant l’ONU
Face à la répression des Ouïghours, l'ONU appelée à « déployer des troupes de maintien de la paix » en Chine
Lire aussi : Avec le trafic d’organes « halal » de Ouïghours, « la Chine pratique le banditisme d'Etat »
Rebiya Kadeer, la porte-drapeau des Ouïghours : « Notre indépendance, une vraie question de vie ou de mort »
Avec la crise du Covid-19, « la cause ouïghoure a été mise aux oubliettes pour la plus grande joie de la Chine »


Malik Bezouh
Malik Bezouh est physicien de formation. Spécialiste de questions sur l'islam de France, de ses... En savoir plus sur cet auteur



SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !