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Economie

Abattage rituel : une autorisation préfectorale décourageante

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mercredi 4 Juillet 2012 à 09:12

           

Depuis dimanche 1er juillet, les abattoirs qui pratiquent l’abattage selon les rites juif et musulman doivent impérativement être en possession d’une autorisation préfectorale. Quelques jours après l’instauration de l’obligation, des abattoirs ont reçu ce sésame quand d’autres subissent les lenteurs de l’administration. Mais certains ont tout simplement décidé d’arrêter l’abattage rituel à cause des conditions draconiennes imposées.



Abattage rituel : une autorisation préfectorale décourageante
L’instauration de cette autorisation a été mise en vigueur par un décret daté du 28 décembre 2011. Après six mois de consultations, le ministère de l’ Agriculture a publié un texte qui accorde l’autorisation préfectorale « aux abattoirs qui justifient de la présence d’ un matériel adapté et d’ un personnel dûment formé, de procédures garantissant des cadences et un niveau d’hygiène adaptés à cette technique d’abattage ainsi que d’un système d’ enregistrements permettant de vérifier que l’ usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent ».

Cette mesure apporte donc des contrôles supplémentaires à l’abattage sans étourdissement qui jusque là ne nécessitait que d’un agrément sanitaire pour pouvoir être exécuté.

Du retard dans les dossiers

Noureddine Lalioui, le gérant de l’abattoir El Amen à Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne attend de recevoir son autorisation préfectorale. A la tête d’un abattoir de volailles, il ne trouve pas « ingérable » cette nouvelle procédure. « Nous ne faisons que de l’abattage rituel donc cela ne pose pas de problèmes », estime-t-il.

A l’abattoir municipal de Meaux en Seine-et-Marne, on est déjà en possession de la fameuse autorisation. Pour faciliter les choses, le responsable est passé par la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de services (FNEAP) auquel il est adhérant.

« J’essaie d’accompagner mes abattoirs. Tous les dossiers des abattoirs concernés par ce type d’abattage ont été déposé dans les préfectures correspondantes le 30 mars car leur instruction demandent trois mois », explique André Eloi, le directeur de la fédération qui a participé aux consultations lors de l’élaboration du décret. « Les dossiers déposés ont été instruits ou connaissent du retard mais déjà 75 % de nos abattoirs concernés ont obtenu l’autorisation préfectorale », ajoute-t-il.

Même s’ils doivent justifier de commandes pour pouvoir obtenir l’autorisation préfectorale, les professionnels n’ont apparemment pas de difficultés à l’obtenir pour cette raison selon M. Eloi. En effet, les abattoirs de sa fédération sont tous des prestataires de services qui procèdent à l’abattage pour le compte de clients. « Nos abattoirs ne sont pas propriétaires d’animaux. Ils sont abattus selon la demande », précise-t-il. Pour eux, il est facile d’établir les commandes, il n’y a donc « pas de problèmes ».

Les lobbys puissants de la cause animale face à un « halal » mal vu

« Ce qui peut poser plus de contraintes aujourd’hui, c’est tout ce qui touche au respect de la protection animale », juge M. Eloi. La vigilance demandée est plus grande mais «on l’a respecte et les contrôles au niveau de l’hygiène et de la sécurité sont plus poussés mais ce n’est pas une grande nouveauté. On continue à aller dans le sens de la réglementation », ajoute-t-il.

Fethallah Otmani, le porte parole de l’organisme de certification halal, A votre service (AVS), juge pour sa part les conditions qui encadrent la cause animale « excessives ». « Il est par exemple, imposé de maintenir enfermés les bovins pendant 45 secondes dans des box de contention après la saignée. Ils se retrouvent dans l’impossibilité de se débattre, ce qui créé des cailloux de sang et la viande a alors mauvaise qualité », note-t-il.

Résultat : de nombreux abattoirs ont décidé d’arrêter de pratiquer l’abattage sans étourdissement suite au décret. « La semaine dernière encore des opérateurs nous ont dit qu’ils arrêtaient », indique M. Otmani.

En plus de la mauvaise qualité de la viande, ces abattoirs redoutent de voir leur cadence ralentie et donc d’être moins compétitifs. Ils préfèrent aussi éviter les relations tendues qui pourraient avoir, avec des vétérinaires plus stricts et les défenseurs de la cause animale, un « lobby très puissant », d’ après le porte-parole d’AVS.

Par ailleurs, M. Otmani regrette que les consommateurs n’aient pas été informés et que les instances religieuses n’aient pas été concertées dans l’élaboration du décret. « Certains aspects sont positifs comme la formation du personnel mais sur la question de la cause animale, si on avait été concerté, on aurait pu proposer des solutions », assure-t-il.

Pour lui, c’est clair, il y a une « volonté de marginaliser l’abattage rituel » dans un climat où le halal a mauvaise presse. « A moyen terme, les abattoirs qui procèdent à l’abattage rituel risquent de se tourner vers l’étranger », déplore t-il.





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