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Points de vue

Supporter l’insupportable à Gaza

Rédigé par Ziad Medoukh | Mercredi 7 Mai 2025

           


Supporter l’insupportable à Gaza
Nous sommes début mai 2025. Depuis deux mois, la bande de Gaza est complètement fermée, le blocus est total. Plus rien n’entre, plus aucun camion, ni eau, ni nourriture, ni aide humanitaire internationale, ni gaz, ni matériel de construction, ni médicaments... La situation est dramatique pour 2,4 millions de Palestiniens à Gaza.

La famine s’installe

Avant, entre le 7 octobre 2023 et le 19 janvier 2025, malgré le blocus, cinq à six camions entraient chaque jour dans le sud et le centre de la bande de Gaza mais maintenant, plus rien depuis que l’armée d’occupation a fermé tous les passages. La situation s’aggrave pour les 500 000 déplacés qui vivent dans les centres d’accueil ou les camps de réfugiés, voire les tentes déchirées.

La famine s’installe à Gaza. Les quelques denrées alimentaires que l’on trouve encore sont très chères : un kg de riz coûte 35 euros, un kg de sucre, 40 euros, une boîte de sardine ou de thon, 15 euros ; les fruits, les légumes, la viande et le poisson sont introuvables sur le marché.

A ces problèmes alimentaires, s’ajoutent la pénurie en médicaments. On ne trouve plus rien, ni dans les centres médicaux ni dans les cliniques. Pour se faire soigner, il faut essayer d’aller dans les pharmacies mais il n’y a presque plus rien non plus. Les médicaments qui restent sont périmés et hors de prix.

La population palestinienne se sent abandonnée par le reste du monde

Avant l’élection de Donald Trump, le président Joe Biden exhortait le gouvernement israélien de laisser entrer quelques camions. De même, il y a eu un pont flottant au large de Gaza, installé pour quelques semaines (en mai 2024, ndlr) par les Américains et 250 camions ont pu entrer. On a aussi bénéficié du largage de colis d’aide humanitaire par des hélicoptères jordaniens et américains. Ce n’était pas pratique mais c’était de l’aide, notamment dans le sud où s’étaient réfugiés 1 million de personnes.

Auparavant, on se sentait un peu appuyés par la pression internationale. Aujourd’hui, rien, plus personne ne bouge. Plus aucune condamnation. Au moins 57 personnes dont 30 enfants, nouveau-nés ou petits de moins de 9 ans, sont mortes dans des hôpitaux par manque de nourriture et de médicaments.

Les magasins sont vides, les dépôts des Nations unies et du Programme alimentaire mondial sont vides. La population civile s’adapte. On ne mange qu’un repas modeste, pâtes, riz, boîtes de conserve par jour. La vie quotidienne est terrible. On n’a pas le choix.

Nuit et jour, les drones survolent la ville, contrôlent, espionnent

Depuis le 18 mars, les drones ne quittent pas le ciel de Gaza. Le bruit qu’ils font empêche la population civile, les enfants et les malades de dormir. C’est terrible et ça ajoute encore à la difficulté de la situation. Normalement, selon l’accord de cessez-le-feu, les drones ne peuvent pas voler longtemps mais, une fois de plus, l’occupation ne respecte pas les accords.

Le bruit constant des drones est insupportable. Certes, il y a aussi quotidiennement les bruits que provoquent les bombardements mais ceux-ci durent trois à quatre minutes. Les drones, eux, volent 24 heures sur 24.

83 % des maisons ont été détruites partiellement ou totalement. Sur les 2,4 millions de Palestiniens à Gaza, 1,3 million n’ont plus de maisons. Elles ont été complètement détruites. Les Palestiniens de Gaza sont logés dans des conditions de vie inhumaines, sous des tentes déchirées, dans des centres d’accueil, dans des écoles ou chez des proches. Les autres habitent encore chez eux, dans ou devant les ruines de leur maison. Ils essaient de faire quelques réparations partielles – parce qu’ils savent que les bombardements vont reprendre – en couvrant de carton les portes et les fenêtres détruites afin de gagner un peu d’intimité.

On doit supporter l’insupportable. La vie est très dure, mais on n’a pas d’autres choix que de s’adapter.

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Ziad Medoukh est professeur et directeur du département de français de l’université Al-Aqsa de Gaza.

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