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Monde

TPIY : le procès Karadzic, entre « Révélation » et défis

Que la justice soit faite

Rédigé par | Jeudi 15 Avril 2010 à 02:51

           

Après de longues années d’attente et de rebondissements, le procès de Radovan Karadzic, l’un des farouches partisans du « nettoyage ethnique » en Bosnie, a enfin repris avec l’audition, mercredi 15 avril, du premier témoin des agissements de l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie. Cette reprise intervient un mois après la sortie du film « La révélation » sur le TPIY, primé à de maintes reprises lors de festivals internationaux.



Radovan Karadzic, 64 ans, est accusé de crimes contre l'humanité et de génocide pendant la guerre en Bosnie, dans les années 1990.
Radovan Karadzic, 64 ans, est accusé de crimes contre l'humanité et de génocide pendant la guerre en Bosnie, dans les années 1990.

Arrêté en juillet 2008 à Belgrade après 13 ans de cavale, Radovan Karadzic comparaît, après une pause de plusieurs mois, à La Haye devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) pour crimes contre l’humanité et génocide. Le dirigeant des Serbes de Bosnie est entre autres jugé pour sa participation active aux massacres de Srebrenica, en juillet 1995.

Le premier témoin de l’accusation s’est présenté devant les juges, mercredi 14 avril, pour raconter les horreurs vécues pendant la guerre de Bosnie. Ahmet Zulic, un musulman de Bosnie de 62 ans, avait été enfermé pendant cinq mois, de juin à novembre 1992, dans les camps de détention serbes à Betornika et à Manjaca, au nord-ouest de la Bosnie.

« Ils m'ont gravé une croix dans la peau », a-t-il déclaré, en montrant le signe gravé sur sa poitrine par les Serbes à Karadzic qui venait de l'accuser de « faux témoignage ». Interrogé par la procureure Ann Sutherland sur les séquelles des passages à tabac subis pendant sa détention, il a expliqué avoir eu « sept vertèbres cassées et toutes les côtes fracturées ».

« J'ai des cauchemars, je rêve des personnes qui ont été tuées, qui mouraient à côté de moi, ça s'est produit la nuit passée », a indiqué le témoin, qui a précisé par écrit avoir assisté, en juin 1992, à l'exécution d'une quinzaine d'hommes et s'être échappé d'un camion rempli d'hommes morts par suffocation.

Malgré les preuves accablantes qui pèsent sur lui, Karadzic, qui assure seul sa défense, continue de nier les faits, allant même jusqu’à qualifier du massacre de Srebrenica de « mythe ». Manque de pot pour lui : le Parlement serbe a voté, le 31 mars, une résolution condamnant le massacre. Le pouvoir serbe met fin à des années de refus de reconnaître l'ampleur de ce drame.

Une réalité sur grand écran

Le procès retentissant de Karadzic fait directement écho au film « La Révélation », en salle depuis le 17 mars. Bien que Han-Christian Schmid, son réalisateur allemand, affirme ne pas s’inspirer de faits réels, le film reste très réaliste. « La Révélation » retrace en effet les coulisses du procès Goran Duric, ex-général serbe, au TPIY.

Accusé de viols et de tortures contre les Bosniaques, l’homme – dont l’histoire ressemble à bien des égards aux généraux serbes qui ont sévi dans les Balkans – comparaît devant les juges pour crimes contre l’humanité. L’objectif pour Hannah Maynard, la procureure chargée de l’accusation : coincer Duric en trouvant un témoin capable d’attester au tribunal des crimes commis. S’ensuit sa rencontre avec Mira, une Bosniaque partie vivre en Allemagne après la guerre…

Car l’une des principales difficultés rencontrées par les procureurs dans ce genre de situation est celle-ci : faire témoigner des personnes qui ont vécu l’horreur et que la peur tétanise toujours, même plusieurs années plus tard, puisque la plupart de leurs tortionnaires sont encore en liberté et peuvent à tout moment exercer des mesures de représailles.

Admirablement bien joué, monté comme un thriller politique qui lie tensions permanentes et émotions allant au tréfonds de la conscience humaine, « La Révélation » témoigne aussi des difficultés que rencontre la justice internationale face aux auteurs de crimes de masse ainsi que les manœuvres politiciennes qui l'entourent.

Le TPIY prochainement fermé

Une justice internationale qui devrait absolument suivre son cours... Mais, créé en 1993 par l’ONU, le TPIY devrait fermer en 2012 selon les modalités déterminées par le Conseil de Sécurité. Pourtant, beaucoup reste encore à faire pour que justice soit rétablie au nom de toutes les victimes de la terrible guerre de Bosnie de 1992 à 1995.

Les pressions, particulièrement financières, que subit la Cour afin de clore au plus vite les procès n’en sont que plus révélateurs de la volonté des grandes puissances de tourner la page noire de l’ex-Yougoslavie et réhabiliter la Serbie au sein de la communauté internationale. Malgré sa faible coopération avec le TPIY, la Serbie négocie son entrée avec l’Union européenne. Le film « La Révélation » montre aussi cela : les tergiversations politiques au détriment de la justice.

Officiellement candidate, la Serbie a engagé des négociations qui semblent bien partie et pourraient aller bien plus vite pour ce pays que pour la Turquie... En attendant, le procès – le vrai, celui de Radovan Karadzic – promet d'être long et riche... en révélations.

La bande-annonce de « La Révélation », un film à voir absolument




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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