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Economie

Surendettement : quand pauvreté se conjugue avec crédit

Rédigé par Pauline Compan | Vendredi 11 Novembre 2011 à 11:28

           

La spirale du surendettement touche plus de 220 000 personnes en France. 67 % de ces personnes endettées doivent faire face aux remboursements de crédits à la consommation. Des réserves d'argent facile à contracter mais qui affichent des taux d'intérêt faramineux, allant jusqu'à plus de 20 % de la somme empruntée. Focus sur le profil de surendettés de France.



Surendettement : quand pauvreté se conjugue avec crédit
Dans son dernier film « Toutes nos envies », Philippe Lioret aborde la thématique du surendettement. Son héroïne, juge à la Cour de Lyon, commence un combat contre les sociétés de crédits revolving lorsqu’une mère de famille se retrouve devant elle au tribunal. Gravement endettée et mère célibataire de deux enfants, elle tente de faire face aux créances contractées par son ex-mari. Si dans cette fable moderne, la juge Claire se prendra de passion pour le cas de la jeune maman, dans la réalité les chances de tomber sur Claire sont très minces.

Déjà parce que la très grande majorité des dossiers de surendettement sont traités par des commissions de surendettement. Ce sont elles qui peuvent mettre en place des solutions personnalisées de remboursement, voire entamer une procédure de redressement personnel (saisie d’huissier) pour les cas les plus graves. Il en existe au moins une dans chaque département. Elles voient défiler des personnes au profil et au parcours souvent similaires.

Portrait robot des surendettés

Les 223 908 personnes qui avaient un dossier de surendettement à la Banque de France en 2010 devaient, en moyenne, rembourser la somme de 34 500 euros. Une somme importante, si l'on regarde du côté des revenus de ces familles endettées. Ainsi, 42,2 % des personnes endettées gagnent entre le RSA et le SMIC tous les mois et si l'endettement touche principalement les ouvriers (24,1 % des personnes endettées) et les employés (33,8 %), certaines tranches d’âge sont également plus touchées. 27,8 % ont entre 35 et 45 ans, alors que 25,6 % des personnes endettées ont entre 45 et 55 ans.

Et depuis 2001, il semblerait que la situation des personnes âgées s’aggrave. Ainsi, la proportion de 55-64 ans, en situation d'endettement, a augmenté de 7 % depuis le début de la décennie 2000. De même, 53 % des surendettées sont des personnes seules, une augmentation de 10,5 % depuis 2001. Mais les créditeurs ayant une personne à charge (généralement un enfant) représentent 19 % des dossiers et 15 % doivent assurer les besoins de deux personnes supplémentaires. Enfin, ce sont les locataires qui sont le plus exposés : ils constituent 80 % des endettés.

La société de consommation en question ?

D'après l'INSEE, les ménages avec un dossier de surendettement ont, pour 67 % d'entre eux, des remboursements de crédits à la consommation en cours. « Des dossiers de surendettement avec des écrans plats et des abonnements à Canal+, on en voit souvent », explique Noam Leandri, secrétaire général de l'Observatoire des inégalités, mais également auditeur à la Banque de France. La faute au marketing, et à cette nouvelle religion qu'est la consommation. Les sociétés de crédit s’implantent ainsi sur la niche des crédits de petites sommes et jouent sur les envies compulsives d’achat.

Car c'est bien la tentation première de ces crédits ; ils sont faciles à contracter et accessibles, le plus souvent, directement auprès de magasins d'équipement pour toucher le public cible. Ici, ces sociétés profitent de deux phénomènes « le manque d'éducation financière du public et le flou autour des conditions exactes du crédit. »

Une inégalité devant le crédit

« Le taux de chômage d'un département est parfaitement corrélé au taux d'endettement », analyse Noam Leandri. Rien d’étonnant donc à ce que les départements du Nord, les plus touchés par les destructions d'emplois, soient aussi les départements affichant la plus grande proportion de personnes en situation d'endettement. 18 000 ménages, soit 9,5 % des dossiers de surendettement se concentrent dans le Nord-Pas-de-Calais.

Mais l'emploi n'est pas le seul facteur favorisant l'endettement des ménages. « Cette variable est aussi corrélée au nombre de divorces, au nombre de familles monoparentales et au nombre de défaillances d'entreprises dans une région », continue Noam Leandri.

Pour le secrétaire général de l'Observatoire des inégalités, cette situation reflète le manque d'accessibilité bancaire pour certaines personnes. « 5 millions de Français sont des exclus bancaires, ils n'ont pas accès aux services nécessaires. » Ainsi, certains se retrouvent à prendre un crédit pour une voiture auprès d'une société de crédit revolving, car les banques demandent trop de garanties. Ils payent ainsi leur crédit beaucoup plus cher.

Une loi plus ferme

« Mais le flou juridique entourant le crédit à la consommation est en train d'évoluer », nuance Noam Leandri. Le 1er juillet 2010, la ministre de l'Economie de l'époque, Christine Lagarde, a, en effet, fait voter une loi plus protectrice envers les souscripteurs de crédits à la consommation. La durée des plans de surendetttement en Banque de France a ainsi été ramenée à 8 ans au lieu de 10. Les banques de détail, quant à elles, se voient obligées de continuer à fournir des services basiques à leurs clients en procédure de surendetttement.

Du côté des consommateurs, le législateur a suspendu le renouvellement automatique du crédit avec une obligation de remboursement d'une partie du capital avant de pouvoir contracter un nouvel emprunt. Les délais de remboursement sont également moins longs : moins de 3 ans pour des sommes inférieures à 3 000 euros et moins de 5 ans pour des sommes supérieures. Le délai de rétractation est allongé et l'emprunteur dispose désormais de 14 jours pour changer d'avis contre 7 auparavant.

Enfin, les sociétés de crédit ont désormais une obligation d'information avant signature des contrats. L'apparence des publicités doit aussi changer car les organismes de crédits ne peuvent plus faire référence aux cadeaux offerts à la souscription des contrats. Un moyen de lutter contre le piège des annonces alléchantes qui offrent un taux d'intérêt intéressants les premiers mois mais dont les taux gonflent fortement par la suite. Une condition souvent indiquée en petits caractères au bas des pages des contrats.






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