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Points de vue

Les fondements de l’universalisme musulman

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Dimanche 24 Février 2013 à 00:00

           


Les fondements de l’universalisme musulman
Le fait est désormais acquis, le Parlement se réunira en congrès avant cet été pour supprimer le mot race de la Constitution, conformément à la promesse du candidat Hollande.

Le mot figure dans l’article premier de la Constitution de 1958, qui stipule que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Les textes qui ont vocation à être source de lois, la Constitution ou le Coran et la Sunna, s’ils posent un idéal d’équité, ne sauraient évidemment rendre les hommes parfaits, et les pays d’islam, comme la France, ont connu et connaissent des préjugés raciaux. Cependant, il est assez remarquable que le mot arabe le plus à même de traduire le concept de race 'irq (littéralement, « racine »), est absolument inconnu du Coran. S’il apparaît de manière sporadique dans les hadiths, une seule occurrence se rapproche de ce sens à travers celui, éloigné, de « caractère héréditaire ».

Le Coran ne nie pas pour autant la diversité des hommes : « Et parmi Ses signes, il y a aussi la création des Cieux et de la Terre, la diversité de vos langues et de vos couleurs » (XXX, 22). Mais il la pose comme procédant d’une unité fondamentale : « Ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être et qui, ayant tiré de celui-ci son épouse, fit naître de ce couple tant d’êtres humains, hommes et femmes ! » (IV, 1). Et, partant, pose l’égalité non moins fondamentale de l’ensemble des hommes, appelés à se (re)connaître dans leur diversité : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux » (XLIX, 13).

La vertu contre la loi du sang

Il est à noter que ce verset a été révélé immédiatement après l’entrée triomphante du Prophète à La Mecque, et la réflexion raciste que fit Harith ibn Hisham en voyant Bilal ibn Rabah, un Africain noir et l’un des premiers compagnons de Muhammad, faire l’appel à la prière. Il est à noter également que le Prophète était issu d’une société très hiérarchisée, où la noblesse du lignage était une valeur majeure, et qu’en sa qualité de membre du clan Hashim de la tribu Quraysh, il était du meilleur sang arabe, ‒ comme l’était du reste son oncle Abu Lahab, qui n’en sera pas moins voué aux feux de l’Enfer par le Coran, qui le cite nommément (CXI).

Car si prééminence il y a, elle est morale, et ne saurait être autre que morale : « [le Prophète] n’a jamais favorisé les Arabes [en quoi que ce fut] et a toujours fondé ses jugements sur les hommes en fonction [des critères éthiques du] Coran », souligne l’exégète Ibn Taymiyya (1263-1328). Parmi ses compagnons, il y avait, outre l’Ethiopien Bilal,‒ à l’origine, un esclave affranchi par Abou Bakr ‒, Salman al-Farisi, un Perse né près d’Ispahan, et ‘Abd Allah ibn Salam, Juif de la tribu des Banu Qaynuqa’, et rabbin très connu avant sa conversion à l’islam.

L’exégète Ibn al-Mubarak (mort en 797) rapporte qu’Abou Dharr al-Ghifari, autre compagnon du Prophète, avait dans un accès de colère traité Bilal ibn Rabah de « fils de Noire ». Il fut fermement réprimandé par le Prophète : « C’en est trop, Abou Dharr ! Celui qui a une mère blanche n’a aucun avantage sur celui dont la mère est noire. Ton comportement est celui d’un homme de la Jahiliyya [de l’ère païenne]. » Profondément affecté, Abou Dharr se prosterna face contre terre et jura qu’il ne relèverait la tête qu’une fois que Bilal y aurait posé le pied. L’islam devenu un puissant empire, ‘Omar, le deuxième calife, se plaira à rappeler que « notre maître Abou Bakr a[vait] affranchi notre maître Bilal ». Il n’est certes de supériorité que par la vertu.





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