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Points de vue

Gaza, l’Eurovision et nous

Les récits de Bent Battuta

Rédigé par | Mardi 15 Mai 2018 à 20:00

           


Gaza, l’Eurovision et nous
BERLIN. — C’est entourée d’amis, de connaissances et d’inconnus que j’ai regardé curieuse l’ascension et la victoire de la chanteuse et représentante israélienne lors de l’Eurovision, rendez-vous et compétition regardée par des millions d’Européens.

J’avais déjà eu vent de Netta Barzilai, partie favorite selon les articles que j’avais lus sur les réseaux sociaux publiés par des journalistes israéliens.

Cela n’a pas raté. Arrivée à la fin de la compétition, les commentateurs et le public ont succombé au charme de l’artiste, exploitant avec quelque succès la vague #Metoo qui s’est déversé ces derniers mois.

Le public à mes côtés avait aussi l’air ravi et s’est très vite mis à clamer le nom de l’Etat hébreu. Plutôt de gauche, Allemands et venant d’autres pays d’Europe, la seule chose qui les préoccupait était de voir gagner l’artiste non conventionnelle et féministe.

Entendre la chanteuse israélienne déclarer après sa victoire « A l’année prochaine à Jérusalem ! » aura fini de me faire sortir de mon silence.

De la culpabilité européenne à ne jamais vouloir prendre position sur le sort des Palestiniens

S’en est suivie une discussion où j’ai tenté d’expliquer à toutes et tous que l’Eurovision n’était pas une simple compétition musicale. La surabondance des drapeaux dit tout autre chose. Chanter en son nom propre est une chose, représenter un Etat en arborant les couleurs de ce derniers est autre chose.

Il y a du privilège blanc et de la culpabilité européenne à ne jamais vouloir prendre clairement position sur le sort du peuple palestinien. Dans nos discussions, les critiques mettaient toujours mal à l’aise. La décision unilatérale de Donald Trump à peine évoquée. Ce sentiment de malaise, je l’ai souvent ressenti chez mes interlocuteurs et encore plus chez mes amis allemands.

C’est la même chose pour tous ces journalistes qui, pour tenter de minimiser le nombre de morts à Gaza, utilisent la forme passive ou parlent de heurts comme si nous étions face à deux armées régulières ou deux forces égales.

Pour ma part, je n’ai aucune culpabilité à me racheter. Je continuerai à condamner l’antisémitisme d’où qu’il vienne et à promouvoir un destin souhaitable et vivable pour juifs et musulmans en France, en Europe ou encore en Tunisie et ailleurs.

Je n’ai aucune culpabilité à me racheter quand je regarde mon grand-père, ancien combattant, qui a combattu la peste nazie et m’a offert l’une des premières leçons politiques alors que je n’ étais qu’une enfant.

Notre aveuglement ne sauvera personne

Je n’ai pas le privilège de l’insouciance ou de croire que la politique, c’est pour les autres. Le sort et le destin des Irakiens, des Syriens, des Yéménites et des Palestiniens piétinés chaque jour sur le dos d’alignements géopolitiques et d’ajustements d’alliances est aussi celui d’hommes et de femmes dont je partage la langue, la foi et l’humanité.

Chanter les louanges de Martin Luther King ou de Nelson Mandela et rester silencieux sur les injustices contemporaines de notre monde semble être le lot de nombreux militants et politiques européens. Alors qu’Israël fêtait ses 70 ans, je lisais les hommages de la gauche et de la droite républicaine des Pays-Bas ou encore de l’Allemagne sans qu’un mot ne soit prononcé sur les violations du droit international.

Notre aveuglement ne sauvera personne.

L’injustice et le massacre qui a eu lieu lundi 14 mai à Gaza alors qu'Ivanka Trump inaugurait la nouvelle ambassade des Etats-Unis à Jérusalem resteront gravés dans les mémoires et dans les annales de l’Histoire comme les preuves de la lâcheté du monde à régler un conflit qui dure depuis au moins 70 ans et qui puise ses racines depuis un siècle.

En cette veille de Ramadan, le deuil des familles palestiniennes vient assombrir nos cœurs.

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Samia Hathroubi
Ancienne professeure d'Histoire-Géographie dans le 9-3 après des études d'Histoire sur les débuts... En savoir plus sur cet auteur


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