Monsieur le Président,
Si je vivais dans l’un de ces quartiers pauvres de Marseille, j’aurais sans doute choisi d’être guetteur. Non par fascination pour le crime, encore moins par goût de la violence, mais parce qu’à hauteur d’enfant, le monde se donne à voir sans fard.
À mes yeux d’enfant, j’aurais vu cet homme armé au-dessus de nos têtes, dans la petite cour de récréation, et j’aurais compris — instinctivement — qu’il était plus fort que tous les artifices de votre République. Plus fort que vos discours. Plus fort que vos promesses. Plus fort que cette égalité proclamée qui ne descend jamais jusqu’à nos rues.
J’aurais compris que mon école ressemblait davantage à une prison où l’on enferme nos rêves sous couvert de bienveillance, où l’on discipline nos espoirs tout en nous apprenant à rester à notre place. Une école où mon grand frère, revenu avec un bac +5, se retrouve à squatter le canapé du salon, rongé par la stigmatisation et meurtri par le regard aimant d’une mère incapable de lui donner la moindre réponse.
Si je vivais dans l’un de ces quartiers pauvres de Marseille, j’aurais sans doute choisi d’être guetteur. Non par fascination pour le crime, encore moins par goût de la violence, mais parce qu’à hauteur d’enfant, le monde se donne à voir sans fard.
À mes yeux d’enfant, j’aurais vu cet homme armé au-dessus de nos têtes, dans la petite cour de récréation, et j’aurais compris — instinctivement — qu’il était plus fort que tous les artifices de votre République. Plus fort que vos discours. Plus fort que vos promesses. Plus fort que cette égalité proclamée qui ne descend jamais jusqu’à nos rues.
J’aurais compris que mon école ressemblait davantage à une prison où l’on enferme nos rêves sous couvert de bienveillance, où l’on discipline nos espoirs tout en nous apprenant à rester à notre place. Une école où mon grand frère, revenu avec un bac +5, se retrouve à squatter le canapé du salon, rongé par la stigmatisation et meurtri par le regard aimant d’une mère incapable de lui donner la moindre réponse.
Que vaut une vie sans la possibilité de la vivre ?
Dans mes tours de béton armé, j’aurais compris une vérité brutale : la dignité ne remplit pas un frigo. Dans mon quartier, j’aurais vite compris que ces hommes avaient le pouvoir de changer nos vies, et que sous ces cagoules où les visages s’effacent dans des réseaux insaisissables, je pouvais croire à l’existence d’un avenir.
Certains pourraient objecter que la vie aurait pu être très courte pour moi. Mais que vaut une vie sans la possibilité de la vivre ?
Alors, j’aurais fini par comprendre que je n’étais qu’un dommage collatéral. Une donnée. Une variable d’ajustement. Un sujet parmi d’autres dans vos discussions feutrées, menées loin de nos immeubles, dans vos beaux salons parisiens.
Vous auriez parlé de moi sans jamais me regarder, disserter sur nos morts sans jamais percevoir leurs souffrances, et récriminer nos quartiers avec la distance confortable de ceux qui ne risquent rien.
Certains pourraient objecter que la vie aurait pu être très courte pour moi. Mais que vaut une vie sans la possibilité de la vivre ?
Alors, j’aurais fini par comprendre que je n’étais qu’un dommage collatéral. Une donnée. Une variable d’ajustement. Un sujet parmi d’autres dans vos discussions feutrées, menées loin de nos immeubles, dans vos beaux salons parisiens.
Vous auriez parlé de moi sans jamais me regarder, disserter sur nos morts sans jamais percevoir leurs souffrances, et récriminer nos quartiers avec la distance confortable de ceux qui ne risquent rien.
Investir l’école comme un lieu d’émancipation réelle
Monsieur le Président, on ne traverse pas l’enfer de la précarité sans y laisser quelque chose. On y perd une part de son enfance, trop tôt. Et l’on y sacrifie, trop souvent, une part essentielle de son humanité.
Si l’État a su produire des diagnostics, des chiffres et des plans successifs, alors il a peut-être aussi les clés pour créer de nouvelles solutions. Les clés pour investir l’école comme un lieu d’émancipation réelle. Les clés pour rendre la dignité matérielle possible avant de l’exiger moralement. Les clés pour traiter la précarité comme une urgence politique.
Marseille n’a pas seulement besoin d’ordre. Elle a besoin de justice.
Et tant que l’État regardera cette ville comme un problème à gérer plutôt que comme une promesse à tenir, il continuera de fabriquer, malgré lui, ce qu’il prétend combattre.
Il est temps d’agir avec courage : déclarer un état d’urgence social à Marseille, investir massivement dans l’éducation, le logement, l’emploi et la prévention, et montrer enfin que la République ne laisse pas ses enfants au bord du chemin.
Il ne s’agit plus de promesses ni de diagnostics, mais d’actions concrètes, visibles et immédiates, pour que Marseille redevienne une ville où chacun peut espérer vivre DIGNEMENT.
*****
Nassurdine Haidari, ancien élu socialiste de Marseille, est président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
Lire aussi :
Après l'assassinat de Mehdi Kessaci, Marseille se lève contre le narcotrafic
Si l’État a su produire des diagnostics, des chiffres et des plans successifs, alors il a peut-être aussi les clés pour créer de nouvelles solutions. Les clés pour investir l’école comme un lieu d’émancipation réelle. Les clés pour rendre la dignité matérielle possible avant de l’exiger moralement. Les clés pour traiter la précarité comme une urgence politique.
Marseille n’a pas seulement besoin d’ordre. Elle a besoin de justice.
Et tant que l’État regardera cette ville comme un problème à gérer plutôt que comme une promesse à tenir, il continuera de fabriquer, malgré lui, ce qu’il prétend combattre.
Il est temps d’agir avec courage : déclarer un état d’urgence social à Marseille, investir massivement dans l’éducation, le logement, l’emploi et la prévention, et montrer enfin que la République ne laisse pas ses enfants au bord du chemin.
Il ne s’agit plus de promesses ni de diagnostics, mais d’actions concrètes, visibles et immédiates, pour que Marseille redevienne une ville où chacun peut espérer vivre DIGNEMENT.
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Nassurdine Haidari, ancien élu socialiste de Marseille, est président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
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