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Les mobiles équivoques d’une prise d’otages

Rédigé par Bamba Amara | Mardi 7 Septembre 2004 à 00:00

           

Les ravisseurs des deux journalistes français et de leur chauffeur ont changé de tactique. Après avoir conditionné la libération de leurs otages à la levée de la loi antifoulard en France, ils la soumettent désormais à une série de mesures dont une rançon de 5 millions de dollars. Une demande que les experts français en charge du dossier considèrent, selon le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, avec une certaine dose de « scepticisme ».



Les ravisseurs des deux journalistes français et de leur chauffeur ont changé de tactique. Après avoir conditionné la libération de leurs otages à la levée de la loi antifoulard en France, ils la soumettent désormais à une série de mesures dont une rançon de 5 millions de dollars. Une demande que les experts français en charge du dossier considèrent, selon le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, avec une certaine dose de ' scepticisme '.

Prudence et scepticisme chez les politiques
Après des promesses chargées d’espoir, sur la libération prochaine de Christian Chesnot, Georges Malbrunot et de leur chauffeur, la diplomatie française fait dans la prudence. Selon Michèle Alliot-Marie, citée par l’Agence française de presse, ' Tant que les otages sont détenus en Irak, il faut être extrêmement prudent '. Le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin adopte le même ton en souhaitant ' vouloir croire que l’espoir sera tenu '. Du côté du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, on observe la même pondération circonspecte à l’annonce du nouvel ultimatum supposé de ' l’Armée islamique d’Irak ' qui a revendiqué la prise d’otages. ' Nous prenons ces informations avec sérieux, a déclaré M. Raffarin, elles inspirent de la part des experts beaucoup de scepticisme. Nous essayons de vérifier leur validité qui n’est pas, au moment où je vous parle, constatée '.

La délégation du Conseil français du Culte musulman qui s’était rendue en Irak demander l’intervention des dignitaires religieux locaux en faveur de la libération des deux confrères a regagné Paris. La protestation des musulmans de France contre cette prise d’otages a été spontanée et quasiment unanime. En dehors de quelques cas isolés, la rentrée scolaire s’est déroulée sans difficultés majeure pour les lycéennes musulmanes qui souhaitent garder leur Hijab. Le dialogue préalable, préconisé par la circulaire d’application de la loi antifoulard, a convenablement joué son rôle.

Dans le monde Arabe où la France est considérée comme un pays ami en raison de sa position contre la guerre en Irak, malgré sa participation à l’intervention militaire en Afghanistan, la prise d’otages a été largement condamnée. Les diplomates et chefs religieux ont promis de faire des efforts pour aider la diplomatie française dans ses démarches auprès des ravisseurs supposés. Mais aucun n’a affirmé avoir des contacts directs avec le groupe nommé ' Armée islamique d’Irak '.

Black out diplomatique sur l’identité des ravisseurs
Le ' scepticisme ' du Premier ministre français, intervient après ' l’incompréhension ' exprimée par le Président Chirac à l’annonce de la prise en otages de deux journalistes français. Tous les deux se sont exprimés avec beaucoup de précautions en évitant toute allusion à l’identité des ravisseurs supposés. Une attitude qui consolide les doutes qui planent sur l’identité et les mobiles réels de l’organisation nommée ' Armée islamique d’Irak '.

Cette organisation n’était pas connue des experts de la région avant ' l’affaire de l'otage philippin ' le 10 juillet 2004. Car c’est à cette occasion qu’elle revendique l’enlèvement d’Angelo Cruz, un ressortissant philippin. Elle exige alors le retrait des troupes philippines présente dans la Coalition armée qui occupe le territoire irakien.

Sur l’ensemble des militaires étrangers présents en Irak (estimés à 200 000 hommes), la Philippine possèdait le contingent le plus faible (80 personnes) dont retrait avait déjà commencé et devait prendre fin le 20 août. Les ravisseurs exigent néanmoins la fin du retrait pour le 20 juillet. Ils auront gain de cause. Les soldats philippins seront déplacés vers le Koweït. L’Armée islamique d’Irak gagne ainsi ses premiers galons dans sa lutte annoncée pour la libération de l’Irak.

Cependant, la demande des l’Armée islamique d’Irak, de levée de la loi antifoulard en France, ne participe de la défense des intérêts irakiens, encore moins de ceux des Musulmans de France. Elle tente au contraire d’impliquer la France qui s’est tenue à l’écart du conflit armé en Irak. Mais surtout, elle tend à discréditer l’opposition au pouvoir du Premier ministre Iyad Allaoui qui passe pour une opposition aveugle, incapable de reconnaître ses vrais adversaires. Ce qui conforte la position de M. Allaoui et affaiblit le soutien de ses opposants sur le plan international.

Pour qui roule l’Armée islamique d’Irak ?
Le 30 août, Le Monde citait le chef du gouvernement irakien : ' La France ne sera pas épargnée. Il y aura des attentats à Paris, à Nice, à Cannes… ' Le 3 août, à l’occasion de la réunion de prière du vendredi, Moqtadar Sadr, leader d’un grand mouvement en lutte contre l’occupation, a lancé un appel pour la libération des otages français car, dit-il, ' la France ne participe pas à l’occupation '. Moqtadar Sadr est très écouté par les mouvements irakiens d’obédience chiite.

Du côté des mouvements sunnites, le Cheikh Mehdi Al-Soumaydaï, dirigeant du mouvement Salafite, à fait connaître un avis juridique de son mouvement ' appelant le groupe (l'Armée islamique en Irak) qui détient les journalistes français à les libérer immédiatement et à ne pas leur porter atteinte, en reconnaissance pour la position de la France en Irak '. Le mouvement Salafite, né en Arabie saoudite, est réputé très offensif dans sa relation aux non musulmans.

En Palestine, tout en revendiquant l’opération de Beerscheva en Israël, où deux de ses militants ont mené une attaque suicide (16 morts, près de 100 blessés) en réponse à la mort de de ses dirigeants ( Cheikh Yassine, Abdel Aziz Al-Rantisi) tués par l’armée israélienne, le Hamas se dit choqué de la prise d’otages en Iraq. Un des porte parole du mouvement palestinien affirme que son mouvement fait tout son possible pour aider la France dans ses démarches.

Autant de raisons qui font penser que la logique politique habituelle qui conduit aux actes de guerre que sont les attaques suicide et les prises d’otages est loin d’être respectée par l’Armée islamique d’Irak. Ainsi, à la liste des interrogations qui entourent l’espoir de libération des deux confrères et de leur chauffeur, s’ajoute désormais une nouvelle question : pour qui roule réellement l’Armée islamique d’Irak ?

 





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