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Politique

L’islam miné par l’identité nationale

Rédigé par | Jeudi 10 Décembre 2009 à 14:06

           

En lançant le débat sur l’identité nationale début novembre, le ministre de l’Immigration a su déclencher les passions françaises en mettant en avant – à l’insu de son plein gré – la question de l’islam et de la place des musulmans en France. Selon le dernier sondage du CSA, un Français sur deux juge la pratique de l'islam incompatible avec la vie en société en France.



Copie d'écran de la page d'accueil de la vidéothèque du site www.debatidentitenationale.fr
Copie d'écran de la page d'accueil de la vidéothèque du site www.debatidentitenationale.fr

Le débat sur l'identité nationale tourne décidément bien autour de l'islam et de sa place dans l’Hexagone, et plus encore depuis le référendum suisse contre les minarets, qui a vu la victoire du « oui » deux semaines plus tôt. Depuis le lancement du débat, Alain Juppé est bien le seul homme politique du camp de la majorité présidentielle à s'exprimer ouvertement sur le lien qui unit malgré lui identité française et islam.

« J’ai manifesté un peu de scepticisme sur l’utilité de ce débat. Sauf si l’on pose la vraie question. Il ne faut pas se cacher la face. Elle est la suivante la vraie question : est-ce que la France, est-ce que la République française est islamo-compatible ou pas ? », a déclaré le maire de Bordeaux ce mercredi 9 décembre sur Europe 1.

À cette question, il répond avec simplicité : « Évidemment, oui. Parce que toutes nos valeurs, précisément liberté, égalité, fraternité, laïcité, respect de l’autre, nous conduisent à dire que la société française comme elle l’a été dans le passé — parce que la France a été historiquement un grand pays d’immigration — doit être accueillante et respectueuse des différences. À une condition (…) : que devenir Français implique évidemment le respect d’un certain nombre de valeurs communes, et une certaine retenue bien évidemment. »

Pourtant, 54 % des Français pensent que la pratique de l'islam est compatible avec la vie en société en France, contre 72 % pour la religion juive et 80 % pour la religion catholique, selon un sondage du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) paru ce jeudi 10 décembre dans Le Parisien.

Le réveil du président français

Depuis quelques jours, Nicolas Sarkozy tente de se réapproprier le débat, très longtemps accaparé par Eric Besson, ministre de l'Intégration et de l'Immigration. « Je ferai tout pour qu'ils se sentent des citoyens comme les autres, jouissant des mêmes droits que tous les autres à vivre leur foi, à pratiquer leur religion avec la même liberté et la même dignité. Je combattrai toute forme de discrimination », a déclaré le président français dans la tribune du quotidien Le Monde publié ce mardi 8 décembre.

Tout en clamant par la suite que « dans notre pays, où la civilisation chrétienne a laissé une trace aussi profonde (…), tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l'échec l'instauration si nécessaire d'un islam de France qui, sans rien renier de ce qui le fonde, aura su trouver en lui-même les voies par lesquelles il s'inclura sans heurt dans notre pacte social et notre pacte civique. » Le trouble est désormais jeté.

Islam, entre crispation et peur

Un tel glissement démontre le malaise d'une partie de la population française face à la seconde religion du pays et met au jour le sentiment de non-intégration des musulmans. « L'idée n'est pas de stigmatiser, mais de renforcer le sentiment d'appartenance à la France, d'aller au bout du vivre-ensemble », a tenu à déclarer M. Besson lors de la conférence organisée par l'Institut Montaigne — un think tank dirigé par l’homme d’affaires Claude Bébéar — autour de la question « Qu’est-ce qu’être français ? », vendredi 4 décembre.

Et cela en favorisant, entre autres, « l'émergence d'un islam laïc et laïcisé », selon ses dires. Pourtant, les musulmans de France, à leur grande majorité, sont respectueux des lois de la République et, par conséquent, de la laïcité. L'islam laïc, tel qu'énoncé par M. Besson, reste à comprendre.

Cependant, « si elle (la question, ndlr) m'échappe aujourd'hui, avec des dérapages que je déplore, je n'y peux rien », a-t-il indiqué en faisant allusion notamment au site internet qu’il a lancé sur le sujet et dans lequel des contributions racistes sont venues se greffer au forum.

Bien qu’il se soit engagé à ne pas en publier, il note l’existence d’« une minorité de Français qui ont des relents racistes ou xénophobes » comme « la réalité » mais que « c’est à nous de présenter un projet républicain, des solutions républicaines : lutter avec force contre les discriminations », a-t-il affirmé ce mercredi 9 décembre sur RTL. Facile à dire. Le débat lancé, il semble bien difficile de taire les crispations populaires vis-à-vis de l'islam à l'heure où le débat suisse a bel et bien été exporté chez son grand voisin français.




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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