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Islam de France, changeons les dirigeants et tout ira mieux !

Rédigé par Babou Bitèye | Mardi 3 Avril 2007 à 14:40

           

A lire ou à entendre certains analystes, il suffit de remplacer les responsables associatifs musulmans actuels en France, de mettre à leur place d’autres qui sont nés ou qui ont grandi en France, pour que les choses aillent bien dans le meilleur des mondes. Ce point de vue mérite respect mais il ne peut être aucunement exempt de discussion.



Car avec ce point de vue, nous avons l’impression qu’il suffit d’être né ou d'avoir grandi en France pour être naturellement bon et disposer de toutes les qualités nécessaires pour diriger une organisation, une association de musulmans. Et, a contrario, il suffit d’être né ailleurs pour avoir toutes les tares : complexe d’infériorité, hantise de l’expulsion, manque de compréhension de la société française, méconnaissance de la langue française! Au-delà des clichés que ces insinuations peuvent entretenir je pense qu’une connaissance réelle des dynamiques associatives musulmanes démentirait cette approche binaire qui ne fait que le bonheur de certains courants hostiles à la réussite de ces dynamiques associatives, malgré les obstacles qu’elles rencontrent.

Il est nécessaire de rappeler que la plupart des responsables d’associations musulmanes en France sont Français même si leurs parents ne le sont pas. Veut-on simplement établir une préférence nationale entre les responsables musulmans qui sont nés ici et ceux qui sont nés ailleurs ? Autrement, si les tenants de ce discours sont favorables au jus soli, qu’ils le disent ouvertement et assument leurs responsabilités.

Les responsables du culte musulman sont confrontés, dans la plupart des villes, à des problèmes qui appellent des solutions concrètes : refus subjectifs de maires à leur délivrer des permis de construire ; recherche des financements à la construction de lieux de culte qui coûtent chères (des millions d’euros face à une communauté dont la situation socio économique est extrêmement fragile et précaire) nécessitant de sillonner la France des mois durant, voire des années pour des collectes afin de réunir l’argent nécessaire; assurer l’encadrement des fidèles dans leur démarche spirituelle (des demandes qui ne sont pas médiatisées et qui demandent énormément d’investissement humains et financiers) : imamat dans les mosquées (avec les cours, l’accompagnement spirituel, moral, psychologique, etc.) ; il faut des aumôniers dans les prisons où les musulmans sont de loin les moins servis par rapport aux autres cultes ; des aumôniers pour les hôpitaux ; des aumôniers pour les armées ; il faut s’engager dans le dialogue interreligieux afin de promouvoir l’échange et favoriser la paix sociale, etc. Les demandes sont multiples et il n'y a pas suffisamment de ressources humaines pour assurer ces services. Car face à ceux qui agissent, nous avons ceux qui constatent, qui se lamentent, qui donnent des leçons, qui se spécialisent dans les critiques destructives.

Certes l'islam de France n’est pas toujours traité sur le même pied d'égalité que les autres cultes, et les raisons sont multiples et connues (ce qui n’est pas l’objet de cet article) : le poids de l’histoire, les préjugés, etc. Certes, il faut dénoncer cette situation qui n’est pas en adéquation avec les valeurs de la République qui prônent l’égalité de traitement entre tous les citoyens quelle que soit leur religion. Une raison de plus pour se battre afin d’arracher ses droits, comme vient de le démontrer l’exemple récent du lycée Al Kindi, dont il faut saluer au passage le courage, la persévérance et la pugnacité des responsables.

Il ne faut pas confondre intellectuel et acteur social ou politique même si l’on peut avoir les deux casquettes. « L’intellectuel est celui qui essaie d’élaborer une pensée qui lui est propre, même s’il y a une part d’illusion » disait Max Gallo. L'intellectuel émet des vœux, des ambitions. L'acteur social est dans une logique d’action c'est-à-dire du comment faire pour réaliser ses idéaux, ses objectifs face aux nombreuses contraintes qui échappent souvent à l'intellectuel.

Des obstacles peuvent empêcher l’homme d’action de réaliser ses idéaux sans que, pour autant, il y ait renoncé. son action est déterminée par sa volonté de réaliser ses desseins. Mais entre le discours et la réalité, il y a souvent un désert à traverser.
A travers le modèle prophétique et l'héritage que nous ont laissé les musulmans du Moyen Age, nous apprenons que pour changer une situation il faut toujours investir à la fois le Verbe et l’Action ; l’un ne peut aller sans l’autre. Aujourd'hui en France, il manque dans nos débats les questions de fond que sont les priorités, les méthodes de travail, les stratégies, sur lesquels on peut diverger ; c’est là qu'est le vrai débat et non sur l’origine ou l’identité des personnes. Ne nous laissons pas distraire. La question de nationalité est un faux débat dans celui de la gestion de l’islam de France. Et nous devons être vigilants face à la posture qui tend à « fronationaliser » le discours des musulmans de France.

Les responsables doivent être critiqués et ce n’est qu’à leur honneur, parce qu’ils ne sont pas infaillibles. Il faut reconnaître qu’il existe des divergences dans l’approche et la gestion de l’islam de France entre les différents courants de pensée en France. Ces divergences, normales sont à l’honneur de cette communauté, car elles témoignent de sa maturité et de sa diversité. Ce qui empoisonne les échanges c’est l’attitude qui consiste à dire, que ce soit exprimé ou pas, tous ceux qui ne voient pas les choses comme moi sont contre moi, ou sont dans le délire, ou bien sont des complexés, des immatures ou même des traîtres pactisant avec le diable, ce qui n’est, à mon sens, que l’expression d’une reconnaissance de façade du pluralisme.

Les responsables de l’Islam de France sont obligés de travailler avec les politiques et avec toutes les autres composantes de la société française. Et travailler avec l’autre nécessite des discussions, des concessions, c’est une réalité humaine. L’islam de France a besoin de femmes et d’hommes, quelles que soient leurs origines et quelles que soient leurs nationalités, soucieux de l’intérêt de la communauté musulmane en particulier et de celui de la communauté nationale en général.





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