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Points de vue

En 1258, la destruction de Bagdad par les Mongols

Par Seyfeddine Ben Mansour

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Lundi 22 Avril 2013 à 00:56

           


En 1258, la destruction de Bagdad par les Mongols
Triste anniversaire que celui, le 20 mars dernier, des 10 ans de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis : 2,5 millions d’Irakiens tués entre 1991 et 2013, entre 250 000 et plus de 1 million de disparus, et 2,8 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak.

Par ailleurs, les destructions systématiques par l’armée américaine d’usines, d’écoles, d’hôpitaux, de musées, de centrales d’énergie et d’installations de purification des eaux continuent de valoir à la capitale, Bagdad, le titre peu glorieux de « ville la moins vivable de la planète ».

Immanquablement, cette catastrophe en rappelle une autre, qui avait, en son temps, profondément marqué la conscience des peuples d’Islam : le sac de Bagdad, la capitale de l’Empire arabo-musulman, par les armées mongols sous la conduite de Hulagu Khan, petit-fils de Gengis Khan. C’était le 10 février 1258. Le déclin de la ville la plus peuplée et la plus riche du monde était déjà bien amorcé au moment de la chute. Le siège n’aura ainsi duré que trois semaines, à l’issue desquelles le calife abbasside al-Musta‘sim, qui avait vainement essayé de négocier, vint en personne donner sa reddition. Hulagu ne s’en est pas contenté : il exigea que les habitants déposent les armes et quittent la ville, leur promettant la vie sauve s’ils acceptaient de se rendre. Al-Musta‘sim n’eut d’autre choix que de se soumettre : les habitants se livrèrent ainsi sans armes aux Mongols qui les passèrent au fil de l’épée. Trois jours plus tard, Hulagu investit la ville et procéda à un nouveau massacre.

24 000 savants massacrés

Les historiographes arabes parlent de plusieurs centaines de milliers de morts, sur une population estimée à 1 ou 2 millions d’habitants. Hamd Allah Mustawfi (1281-1349) avance ainsi le chiffre de 800 000 tués, tandis que le chef mongol, ‒ dans une lettre datée de 1262 adressée au roi de France Louis IX, auquel il offrait son alliance ‒, évoque plus de 200 000 morts.

Parmi ces victimes se trouvaient pas moins de 24 000 savants, un chiffre à peine concevable pour l’époque, et une véritable hécatombe pour l’ensemble de l’humanité. La légende veut ainsi que les eaux du Tigre soient devenues noires de l’encre des dizaines de milliers d’ouvrages jetés dans le fleuve par les barbares venus de la steppe.

Bagdad abritait en effet la bibliothèque la plus richement dotée au monde, Bayt al-Hikma, mais aussi, dans chaque quartier, des bibliothèques publiques plus modestes, ainsi qu’un nombre impressionnant d’écoles, d’universités, de mosquées, d’hôpitaux… Ils disparaîtront sous les flammes, de même que sera saccagé le réseau sophistiqué de canaux qui faisait la prospérité de l’arrière-pays et, partant de la cité de Bagdad, oasis de civilisation, carrefour de routes commerçantes, au cœur d’un pays par ailleurs largement désertique.

Mise à mort du calife al-Musta‘sim

Le 20 février, Hulagu procédera à la mise à mort du calife. Conformément à une croyance chamanique mongole, qui veut que le sang d’un prince soit sacré, al-Musta‘sim sera cousu dans un tapis, avant que ne soient lâchés les chevaux qui allaient le piétiner jusqu’à la mort… Ainsi périt le descendant de l’oncle du Prophète, et le souverain d’un des Empires les plus brillants qu’ait connu l’humanité.

Le monde musulman venait de subir là un coup dont il ne se remettra pour ainsi dire jamais. Il avait, par ailleurs, à son corps défendant, amorti le choc mongol, et empêché la chrétienté occidentale, qui se réjouissait de la destruction de Bagdad, de subir, elle aussi, l’invasion des barbares.

Mais, avant peu, l’islam allait reconquérir ses conquérants : en 1295, le petit-fils de Hulagu, l’empereur mongol Ghazan, se convertira à l'islam.


Première parution de cet article le 30 mars 2013 dans Zaman France





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