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Religions

Loi anti-burqa : le CFCM veut passer à autre chose

Rédigé par Propos recueillis par Hanan Ben Rhouma | Mercredi 29 Septembre 2010 à 01:30

           

La construction des lieux de culte et des carrés musulmans, l’abattage rituel, les relations judéo-musulmanes, les profanations en série… autant de sujets qui ont été passés en revue par le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Mohammed Moussaoui avec le président de la République, vendredi 24 septembre, à l’Elysée. Ce fut surtout l’occasion d’évoquer la loi contre le port du voile intégral, définitivement adoptée à la mi-septembre par le Sénat et à laquelle M. Moussaoui, résigné, demande aux musulmans de France de s’y plier et de s’atteler à d’autres dossiers, jugés plus importants. Mais concrètement quel travail de pédagogie auprès des femmes portant le niqab le CFCM veut-il promouvoir ? Quelles actions concrètes pour punir et prévenir les actes anti-musulmans, dont le dernier perpétré à Strasbourg a choqué la communauté musulmane ? Saphirnews a souhaité en savoir plus auprès du CFCM. Un constat : il est bien difficile pour l'institution de matérialiser ses volontés.



Loi anti-burqa : le CFCM veut passer à autre chose

Saphirnews : Le CFCM a été clair dès le départ quant à sa position sur la loi d’interdiction du voile intégral. Maintenant que cette loi est adoptée malgré votre avis, n’est-ce pas pour vous un constat d’échec ?

Mohammed Moussaoui : Nous étions opposés à la loi d’interdiction générale et absolue mais maintenant qu'elle a été votée et sous réserve de la réponse du Conseil constitutionnel [qui va vérifier sa constitutionnalité, ndlr], j’appelle les musulmans de France au respect des lois votées par les instances de la République.
Il y a eu un débat, nous avons émis nos observations, nos arguments quant à notre opposition à une loi mais, en même temps, nous n’étions pas les seuls à nous exprimer. Nous continuons à croire qu’une telle loi n’est pas la solution, mais nous sommes respectueux des règles démocratiques. Je pense que nous sommes dans un pays où les lois qui passent sont votées par la majorité.
Les musulmans de France, par respect pour les institutions démocratiques de notre pays, ne remettent pas en cause les décisions prises par le Parlement.

Le Conseil constitutionnel va prochainement prendre une position au sujet de cette loi. Comptez-vous, de votre côté, saisir d’autres instances juridiques puisque vous continuez à vous y opposer ?

M. M. : Le CFCM n’a pratiquement aucun moyen de recours puisque, pour vérifier la constitutionnalité de la loi, il n’y a que les groupes de députés ou les justiciables qui seront amenés à répondre à l’application de cette loi qui pourraient demander aux juges de saisir le Conseil constitutionnel.
Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ont pris le devant puisqu’ils ont demandé eux-mêmes de vérifier si la loi entre en conformité. Si l’instance déclare la loi constitutionnelle, le seul recours qui nous resterait serait la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et, là encore, il n’y a que les justiciables qui peuvent faire cette demande, les institutions n’ont pas vocation à le faire.

Mais si une personne décide de faire un recours auprès de la CEDH, appuierez-vous sa demande ? De quelle manière réagiriez-vous dans ce cas précis ?

M. M. : Nous verrons au moment venu mais, sur le principe, le CFCM ne souhaite pas prolonger le débat sur la question. Nous estimons que ce débat nous a pris beaucoup de temps et beaucoup d’énergie de la part des musulmans de France et nous avons d’autres priorités au CFCM.
Je ne pense pas que ce soit dans son intérêt de s’occuper de ce type de dossier aux dépens d’autres beaucoup plus importants et qui concernent beaucoup plus de musulmans.
Je ne sous-estime pas les difficultés dans lesquelles vont se trouver les femmes qui portent le voile intégral mais je ne sous-estime pas l’énergie qui a été dépensée par le CFCM lors de cette année de débat. Il ne faudrait pas que ce débat se prolonge.

Vous demandez donc simplement aux musulmanes d’appliquer cette loi… Vous aviez déclaré vouloir faire « le travail pédagogique nécessaire pour permettre à ces femmes qui portent le voile intégral de se conformer à la loi ». Quel est-il ?

M. M. : Le CFCM ne souhaite que cette pratique s’installe sur le territoire national. C’est un avis partagé par les membres du CFCM parce que nous estimons que cette pratique risque de participer à la stigmatisation de la pratique religieuse des musulmans dans son ensemble.
Et puis elle ne correspond pas à une prescription religieuse chez l’immense majorité des musulmans de France. C’est dans leur intérêt que la pratique religieuse qu’ils promeuvent soit une pratique connue et reconnue par les grandes écoles juridiques musulmanes. Ce n’est pas le cas pour le voile intégral.
Il n’est pas dans l’intérêt du CFCM que de défendre cette pratique et le CFCM doit faire tout son possible pour convaincre les femmes qui portent le voile intégral de porter la tenue reconnue par l’ensemble des écoles. Il ne faut pas se mettre en difficulté inutilement.

Il y a un gros travail de communication à réaliser pour faire passer ce message auprès des femmes. Mais concrètement que comptez-vous faire ? Aller voir ces jeunes femmes ?

M. M. : Je pense que les imams peuvent faire passer ce message lors des prêches du vendredi et rappeler aux musulmans, dans leurs intérêts, de se conformer dans leur pratique religieuse à ce qui est reconnu et de se garder des avis singuliers.
Tous les imams qui se soucient de voir une pratique religieuse modérée et du juste milieu feront passer ce message. Dans certaines régions, ce dialogue devrait être mené par les imams et les CRCM qui rappelleront à ces derniers leurs devoirs et leurs responsabilités de discuter avec l’ensemble des fidèles.

Autre point sensible : celui des profanations. Au-delà de votre condamnation des actes anti-musulmans, que pouvez-vous faire de concret face à leur recrudescence ? Il y a une convention-cadre, mais disposez-vous d’outils concrets pour les prévenir ?

M. M. : Dans le cimetière de Strasbourg, il y avait une vidéosurveillance et des images sont en train d’être exploitées par les services de police, mais on ne peut pas imaginer surveiller tous les cimetières de France, c’est impossible. Même s’il y a une sécurisation de ces lieux, les agresseurs se mettent en situation pour ne pas laisser de traces. Nous demandons aux services de faire le maximum, de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour retrouver les coupables.
Il faut surtout un travail en profondeur de sensibilisation des futures générations sur le côté sacré. C’est une mission de l’Education nationale que de parler du respect des cimetières, des lieux de culte, de symboles des religions, quelles qu'elles soient, ou de la République. C’est aussi la mission des familles, des associations de quartier, de toutes les institutions qui interviennent d’une manière ou d’une autre dans le champ éducatif. Ils doivent prendre en compte cette perte de repères qui est en train de s’opérer sur la notion de sacré. Nous demandons à ce que le sujet soit introduit dans les cours d’éducation civique et qu’il y ait une sensibilisation sur ces fléaux car, dans certains cas de profanations, ce sont des jeunes qui pensaient que c’était un acte anodin sans grande conséquence.
En termes de prévention, il y a aussi des mouvements qui sont connus pour ce type d’actions islamophobes et il faudrait que soit exercée une surveillance de très près de la part de la police.
En termes de répression, nous voulons aussi des peines exemplaires lorsque les coupables sont arrêtés et leurs responsabilités établies.

Êtes-vous pour la généralisation de la vidéosurveillance pour prévenir ces actes ?

M. M. : C’est mission impossible que de sécuriser tous les lieux de culte et les cimetières et sur de grands espaces, ce sera insuffisant et cela n’empêchera pas les imbéciles de faire ce qu’ils souhaitent. Mais cela reste un débat interne aux mosquées entre les responsables et les fidèles : tous accepteraient-ils d’être filmés à leurs entrées et à leurs sorties ? Les usagers de cet espace ont leur mot à dire. Si la décision est prise au sein d’une mosquée de sécuriser le lieu par ce moyen parce qu’il a déjà été l’objet d’agressions, ce sera son choix.

Vous souhaitez des peines exemplaires. La convention-cadre est-elle pour vous une étape pour l’élaboration d’un projet législatif qui soit plus ferme concernant l’islamophobie ?

M. M. : La convention-cadre est une condition d’une meilleure connaissance du phénomène par un suivi statistique établi entre les responsables musulmans et les services du ministère de l’Intérieur. C’est un outil de comparaison qui permet d’apporter une réponse concrète et adéquate au phénomène, avec l’objectif de mettre en place des moyens de prévention et de voir dans quelle mesure les condamnations ont été prononcées et si elles ont eu suffisamment d’impact.
Si ce n’est pas le cas, il faudrait peut-être songer à renforcer le dispositif répressif. Mais les actes anti-musulmans, antisémites ou xénophobes sont tous sur la même législation. C’est la même loi qui s’applique à tous les actes racistes. S’il doit y avoir un renforcement du dispositif répressif, ce sont toutes les formes de racisme qui en bénéficieront.








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