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Points de vue

The Lady of Heaven source de divisions, vraiment ?

Rédigé par Fatima Adamou | Mardi 14 Juin 2022 à 11:00

           


The Lady of Heaven source de divisions, vraiment ?
La déprogrammation dans quelques cinémas britanniques du film « The Lady of Heaven » (La Dame du Paradis) racontant l’histoire de Fatima, fille du Prophète Muhammad, révèle deux réalités problématiques : les musulmans effraient et un grand nombre croient en l’existence d’une oumma unie dans ses pratiques et ses croyances.

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Oui, c’est problématique ! Des dirigeants d’une chaine de cinéma ont sacrifié la liberté d’expression et l’ont justifié par le souci de la sécurité du personnel et du public au vu de protestations en face de leurs cinémas. D’autres chaines ont choisi de poursuivre la projection du film du cheikh Yassir El Habib et du réalisateur Eli King malgré des opposants devant leurs établissements. Autrement dit, des rassemblements de personnes de confession musulmane devant des cinémas ont apeuré.

Quand la frayeur amène à donner raison aux musulmans en toutes circonstances

Est-ce que les gérants de ces salles obscures ont craint des réactions violentes ? Possible, car la colère des musulmans sur certains sujets s’est malheureusement traduite dans le passé par des actes de terreurs. Alors on peut aisément imaginer que, pour éviter la colère de certains d’entre eux, des personnes soient prêtes à s’asseoir sur des valeurs universelles fondamentales.

Cette attitude satisfait probablement un bon nombre dans des communautés musulmanes. Seulement voilà, le Prophète Muhammad ne suscitait pas la peur, mais plutôt le respect et la confiance même parmi ses plus farouches ennemis. La frayeur pousse souvent des individus, des alliés de musulmans inclus, à garder pour eux-mêmes des opinions, des problèmes qui sont pourtant importants à partager. Cette frayeur amène donc à donner raison aux musulmans en toutes circonstances, parfois à tort pour ne pas les froisser ou être accusé de tenir des propos antimusulmans.

Chacun et chacune devrait pouvoir parler ouvertement à une personne ou à un groupe de confession musulmane ou encore à s’accommoder de rassemblements de protestation de musulmans sans craindre pour sa sécurité. Une maison d’édition devrait pouvoir publier un livre historique sur l’islam sans que celle-ci ait peur des représailles si les faits cités ne sont pas conformes à l’histoire « officielle ». Des enseignants devraient pouvoir aborder tous les sujets avec leurs élèves de toutes confessions sans redouter un malentendu ou des incompréhensions (inévitables dans les salles de classe) parce qu’ils conduiraient à la mort.

Une occasion offerte aux musulmans d’accepter l’existence des différences de croyances

Il est vrai que cette terreur n’est pas de notre fait, à la majorité, mais du fait d’une minorité barbare. Et pourtant, notre responsabilité à tous est engagée dès lors que l’on fait perdurer ce fantasme d'une communauté musulmane unie sur tous les plans. Un fantasme entretenu aussi par des représentants de musulmans.

Ainsi, la plus importante organisation représentative des musulmans en Grande-Bretagne, The Muslim Council of Britain, avec ses responsables issus des différentes écoles de pensées islamiques considèrent le film The Lady of Heaven comme source de divisions et prône l’unité. Mais quelle unité ? Les divisions parmi les musulmans existent depuis la mort du Prophète Muhammad. Différents courants de pensée et croyances ont émergé depuis.

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Oui, les musulmans sont divisés ! Ces divisions ont fait couler et continue de faire couler le sang, ces divisions remplissent des prisons et poussent à l’exil. Qualifier le film The Lady of Heaven de source de divisions laisse donc pantois.

La sortie de ce film donne l’occasion à tous les musulmans de revenir sur les points de divergence afin de reconnaitre et d’accepter l’existence des différences de croyances au sein de l’islam. Des discussions intra-religieuses musclées, mais honnêtes en découleraient certainement ; lesquelles offriraient un bon entrainement à l’exercice du débat face à des sujets qualifiés d’offensants ou insultants. Les inquiétudes engendrées par notre simple présence et nos expressions de désaccord sur certains sujets diminueraient sans aucun doute.

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Fatima Adamou, auteure de « Noire et musulmane. Grandir dans la minorité », a été chercheuse bénévole à l’association Christian Muslim Forum.

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