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Société

Quand la xénophobie tue : le choc après le meurtre raciste à Puget-sur-Argens

Rédigé par Lina Farelli | Mardi 3 Juin 2025

           

Le caractère raciste du meurtre perpétré samedi 31 mai à Puget-sur-Argens, dans le Var, ne fait aucun doute. Cette affaire, qui intervient un mois après le meurtre commis dans une mosquée du Gard, intervient dans un contexte délétère de nouveau dénoncé dans les rangs de la gauche.



Quand la xénophobie tue : le choc après le meurtre raciste à Puget-sur-Argens
La vie de Hichem Miraoui a brutalement pris fin dans la soirée du samedi 31 mai, enlevée par la furie xénophobe de son voisin qui a décidé d'exprimer sa haine en semant la mort. Le coiffeur tunisien de 46 ans a été tué par balles au cours d'une soirée qu'il organisait chez lui. Un homme de nationalité turque a aussi été blessé à la main. Le suspect, lourdement armé, a été arrêté par le GIGN, après que sa compagne a alerté la gendarmerie.

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi, lundi 2 juin, de l'enquête sur ce meurtre dont la connotation raciste ne fait aucun doute. C'est la première fois qu'il prend en charge une affaire mettant sur le grill l'extrême droite.

Selon le procureur de la République de Draguignan, Pierre Couttenier, le suspect, un quinquagénaire adepte du tir sportif, avait diffusé deux vidéos au contenu « raciste et haineux » avant et après les faits, avec pour volonté de « troubler l’ordre public par la terreur ». L'individu, au nom d'une « allégeance au drapeau français », a notamment appelé à tirer sur les personnes d'origine dite étrangère. L'enquête est ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste, commis en raison de la race, de l’ethnie, la nation ou la religion », « tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, commis en raison de la race, de l’ethnie, la nation ou la religion » et « association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteinte aux personnes ».

Un climat raciste délétère vivement dénoncé

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a fermement condamné l'acte. « Le racisme est un poison qui tue. Chaque acte raciste est un acte anti-français », a-t-il déclaré sur BFM TV lundi 2 juin. Mais de nombreux hommes et femmes politiques dans les rangs de la gauche ont vertement critiqué le président des Républicains (LR) et ont, plus globalement, dénoncé les discours de banalisation du racisme et de la xénophobie entretenus par la droite et l'extrême droite en France. Notons que, trois jours après les faits, les condamnations de ce côté de l'échiquier politique sont toujours très timides.

De son côté, l'avocat de la famille, Me Mourad Battikh, a jugé sur France Info que le crime est « le fruit d'une atmosphère qui existe dans le pays depuis maintenant quelques mois, quelques années, et qui se durcit chaque jour un peu plus ».

Sans faire une « fixation sur Bruno Retailleau en personne », il a dénoncé « des pompiers pyromanes qui viennent éteindre le feu qu'ils ont eux-mêmes allumé ». « Personne n'est dupe sur le contexte et le climat politique qui règnent aujourd'hui en France », a asséné celui qui se charge aussi de l'affaire du meurtre, fin avril, d'Aboubakar Cissé dans la mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard. L'avocat a salué la saisine du Pnat dans le meurtre survenu à Puget-sur-Argens : « J'avais dit au Parquet national antiterroriste : attention, ce n’est pas un cas isolé, ce n’est pas un fait divers, ce qui se passe est le fruit de quelque chose de plus large qui est en train de nous dépasser. Aujourd’hui, malheureusement, les faits me donnent raison. »

En Tunisie, le meurtre de Hichem Miraoui a soulevé l'émotion. Le ministre tunisien de l'Intérieur, Khaled Nouri, qui a fait part de la « profonde tristesse » de son pays, a souligné « la nécessité d'assurer la protection de la communauté tunisienne sur le territoire français ». Il a appelé les autorités françaises à « adopter une approche proactive pour éviter de tels crimes et garantir qu'ils ne se reproduisent pas ».

La Grande Mosquée de Paris a appelé, mardi 3 juin à « une prise de conscience urgente et nationale sur le danger des discours xénophobes, racistes et islamophobes. Il est temps de s’interroger sur les promoteurs de cette haine qui, dans les sphères politiques et médiatiques, sévissent en toute impunité et conduisent à des faits d’une extrême gravité ».

Une victime très appréciée, menacée par son voisin

Les premiers portraits qui sont dressés de Hichem Miraoui dessinent un homme gentil, serviable et très apprécié de son voisinage et de la ville. Selon une cousine du défunt, qui s'est confiée à Var Matin, « Hichem était installé à Puget-sur-Argens depuis plusieurs années, et tout se passait bien avec tout le monde… sauf avec ce voisin, dans cette résidence où il vivait depuis moins d’un an, après avoir longtemps habité dans un studio au centre du village ».

Malgré les insultes racistes qu'il subissait, « il y a quelques jours, il a offert une assiette de couscous à ce fameux voisin pour tenter de créer du lien, une réconciliation. C'était ça Hichem ». Mais la haine a fini par emporter cet homme sans histoire, issu d'une fratrie de huit frères et sœurs. Une famille aujourd'hui dévastée par la perte d'un être cher.

Une marche blanche en mémoire de la victime est prévue à Puget-sur-Argens dimanche 8 juin. Elle partira depuis le salon de coiffure où Hichem Miraoui travaillait et prendra fin devant la mairie de la commune varoise.

Mise à jour jeudi 5 juin : Selon le Pnat, le suspect, Christophe Belgembe, reconnait les faits mais nie « toute motivation raciste à ses actes, ainsi que toute intention terroriste ». Le parquet a requis la mise en examen pour assassinat terroriste en raison de la religion, la race ou l'ethnie et son placement en détention provisoire.

Mise à jour dimanche 8 juin : Deux marches blanches ont été organisées en hommage à Hichem Miraoui, l'émotion au rendez-vous.

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