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Points de vue

Pour qui et pourquoi tu vas voter ?

Plat de résistance

Rédigé par Farid Abdelkrim | Vendredi 27 Avril 2007 à 11:21

           


Pour qui et pourquoi tu vas voter ?
Voilà, c’est fait ! Avec des millions de gouères, on vient de sacrifier notre droit de pouvoir adopter le meilleur paternel pour la Gaule contre l’obligation inconditionnelle de choisir le moins pire. Et le CDD de cinq piges et à plein temps qui consiste à bichonner cette radieuse enfant qu’est la France, va se jouer entre un papysiter et une mamysiter ?

En même temps, on était tous plus ou moins dans la confidence de ce qui allait se tramer. Donc pas de quoi se morfondre, d’autant que la marche du monde ne s’est pas enrayée et que des hasards électoraux, y en a toute une fournée à l’horizon.

En attendant, permets que je te fasse part du stock de remarques que je me suis mitonné au fil de discussions ici et là, en surfant sur le web, à la lecture d’un assortiment d’articles, aux détours de certains forums… En tête de ces observations, il y a tout le béguin que certains électeurs de confession musulmane n’éprouvent pas pour le candidat de l’UMP. Une « passion » telle que le seul mot d’ordre est : « Faut liquider Sarko ! » C’est un point de vue et, en cela, il est manifestement respectable.

Toutefois, est-ce qu’on ne pourrait pas se river un instant sur les motivations d’une telle consigne et le discernement qui est censé l'escorter ;en se demandant si c’est l’aveuglement idéologique des uns, ou l’émotivité exacerbée des autres qui sont à l’origine d’une telle allégation ? Autrement dit, qui est incriminé ? Le programme du bonhomme ou le garçon lui-même ? Est-ce que nos électeurs en question basent leur appel sur une étude comparée des programmes des différents candidats ou bien sont-ils, comme de nombreux électeurs, victimes -voire coupables- de cette mascarade de l’info spectacle ?

Trois problème à l'exhortation à faire barrage à Sarkozy

Devinettes tout à fait légitimes à mon sens. Et de grâce, que celles et ceux qui sillonnent ces quelques lignes ne se perdent pas en conjectures inutiles. Je ne roule pour personne ! Lorsque j’ai envie, besoin, ou que je ressens le devoir de commenter quoique ce soit, je ne m’en prive pas. (1) Aussi, cette exhortation à faire barrage à Sarkozy, même si elle peut être justifiée à plus d’un titre, pose problème au moins pour trois raisons.

1/ En diabolisant ainsi l’homme et son camp donc, on occulte bizarrement qu’à gauche, Ségo et le PS sont loin d’appartenir au clan des gentils. Car si des griefs doivent être expédiés en direction du candidat pour le second tour de la présidentielle, la candidate elle, et surtout son parti, sont à mille bornes de pouvoir être affranchis de toute critique. Alors faire planer l’idée que le diable ne serait que dans un camp, quand on sait que sa plus grande ruse a été de faire croire qu’il n’existait pas, on est en droit de s’interroger et de s’inquiéter. La mémoire de ces dits électeurs serait à ce point gommeuse pour qu’ils en oublient ce que, durant tant d’années, le PS a gerbé comme mépris et dédain à leur endroit ? (2)

2/ Il n’est pas prouvé qu’en appelant à ce barrage, ce soit plus le souci de l’intérêt général de la nation ; qui prime que celui d’une vision étriquée qui passe par le petit bout de la lorgnette communautaire et religieuse. En d’autres termes, est-ce après avoir posé, le plus objectivement possible, lequel des deux candidats saura au mieux servir les intérêts de la Nation qu’est née cette consigne ?

3/ Enfin, la frontière est limite entre le fait de clamer cette opinion, somme toute légitime, et le fait de chercher à la halaliser, voire à la canoniser. L’islam n’est ni de droite, ni de gauche et ni du centre. Or l’électorat musulman, s’il existe, ne saurait en aucun cas imposer une quelconque consigne de vote et encore moins culpabiliser celui, ou celle, qui aurait fait le choix de ne pas verser dans le barrage à Sarko en le transformant insidieusement en un éventuel péché religieux. Car il me semble que c’est la maturité de chaque citoyen de confession musulmane qui doit primer et non une pseudo uniformisation que l’on souhaiterait maquiller en lobbying présumé.

Aussi, et dans cette configuration d’un second tour sans grandes perspectives, si le seul choix utile est sans doute de faire barrage à Sarko, et d’en faire tout autant face à Ségo, que peut-on, que doit-on faire ? Il me semble que l’attitude que devraient avoir celles et ceux qui se reconnaissent dans un certains nombres de valeurs communes aux miennes, c’est d’abord d’être honnête. C’est un devoir moral que celui qui consiste à baser son choix sur des critiques construites, fondées et argumentées. Toute attaque qui repose sur des considérations infondées, malhonnêtes et idéologiquement tronquées ne saurait être prise en considération.

Pour ne plus subir, il faut savoir et pouvoir agir au présent

Le temps est désormais venu de faire de la politique durant les 24h qui font nos journées et non plus lors de la 25h. Or d’autres échéances sont à venir, des débats sont en cours, des décisions vont être prises… Le temps est maintenant venu d’y prendre part corps et âmes.

Ce 22 avril est à griffonner dans les annales de notre bled, car il signe avec tonus l’entrée de la France dans ce que l’on pourrait qualifier d’orthodoxie politique. D’abord parce que le FN s’est monumentalement écrasé (3). Et puis parce que nous venons d’assister a l’émergence d’un élan qu’il faut absolument prolonger afin d’en finir avec ce clivage droite-gauche que nous devons supporter depuis trop longtemps déjà. Le 10 juin prochain est donc un rendez-vous fort de notre démocratie. C’est l’élection de nos 577 députés qui vont chauffer les bancs du Parlement. Apostrophe le tien, celui de ta circonscription et fais lui ouïr tes doléances ! Inspires-lui la démangeaison de porter tes couleurs à l’Assemblée nationale.

Et pour les plus courageux d’entre nous, celles et ceux qui se sentent l’âme de faire de la politique, qu’ils entrent dans l’arène, qu’ils se mouillent. Leurs convictions, leurs idées, s’ils en ont et quelles qu’elles soient, ont d’abord le mérite d’exister. Elles ne sont pas moins légitimes que n’importe quelles autres. Mais elles demeureront lettre morte s’ils ne les portent pas eux-mêmes là où elles seront entendues.

En gros, et c’est toujours la même rengaine, les citoyens de confession musulmane seront pleinement respectés en politique dès lors qu’ils deviendront respectables. Et ils le deviendront d’autant plus qu’ils auront cessé de réagir au passé. Car c’est bien connu, pour ne plus subir, il faut savoir et pouvoir agir au présent.

Pour conclure, il me semble que le choix du Président de la République doit se faire dans la sérénité d’un débat qui débarque aujourd’hui timidement dans le fief de la communauté musulmane. L’une des garanties pour que s'enracine durablement ce débat est que l’on y consente à chacun le droit d’avoir ses opinions sans pour autant qu’il se voit jeter à la vindicte d’une soi disant bien-pensance qui saurait ce qui est bon pour lui, sa famille, son pays, sa religion…

Que Dieu puisse accorder à chacun la lucidité de porter son choix sur celui, ou celle, qui saura le mieux servir la France et ses citoyens.

(1) J’aimerais, de manière très résumée, porter à la connaissance de nos lecteurs un événement qui s’est déroulé le 26 juin 2005, au siège de l’UOIF. Ce jour-là, nous recevions, après sa sollicitation très insistante, la visite de Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur. Les manigances et autres fourberies inhérentes au fonctionnement interne du CFCM, ainsi que les déclarations diffamantes du ministre des Cultes sur les bancs de l’Assemblée Nationale au lendemain de l’élection dudit CFCM, avaient contraint l’UOIF à opter pour son retrait définitif de cette mascarade.

Durant cette entrevue, son arrogance, de même que son dédain m’ont conduit à l’interpeller avec vigueur sur trois points : son double discours en ce qui concerne les présumés modérés et/ou extrémistes de l’islam de France ; la banalisation de l’ingérence des pays étrangers dans l’organisation du culte musulman en France ; et enfin, l’absence totale de neutralité de l’Etat qui s’est immiscé et s’immisce encore dans la gestion de l’organisation d’une religion. En guise de réponse, je n’ai eu droit qu’à une psychanalyse à deux francs six sous liée à la soi-disant violence de mon propos qu’il assimila alors sans scrupule à de la fragilité. En dehors de cela, rien, nada, nothing, walou, quant au fond des questions posées.

(2) La liste est pourtant si longue et le cortège de foutages de gueule si interminable que ce discours sur le barrage contre Sarko et l’omission scandaleuse d’en dire autant pour le PS me fout en rogne. Alors quoi, zappée l’entourloupe de la marche des beurres ? Oubliée l’escroquerie SOS racisme ? Effacés les charters de Cressons ? épongée la création des ni P ni S ? Digérés les dealers de haine Malik Boutih et Fadela Amara ? Saluée la grande place accordé aux arabes de services au PS ? Félicitée la politique étrangère du PS concernant notamment Israël et la guerre du Golfe de 1990 ? Applaudie l’injonction faite aux citoyens de confession musulmane d’être plus citoyens que les citoyens au moment d’al-istichara ? Loués les supers résultats concernant l’organisation de l’islam de France ? Acclamée la fameuse loi du 15 mars ? Convoitée la gauche caviar et paternaliste ? Ovationné Georges Fresche ? Glorifiés les propos de Sego sur les femmes voilées ? Et la liste est encore longue ! Alors faudrait peut-être veiller à rappeler que tout ça, et j’en passe, c’est signé par le PS et sa candidate actuelle, Sego !

(3) Même s’il faut lui reprocher la méthode avec laquelle Nicolas Sarkozy a vampirisé une bonne partie de l’électorat de l’extrême droite, c’est à lui qu’il faut attribuer ;ce barrage fait au FN. Mais certainement pas à la gauche.

*****
Farid Abdelkrim a été président des Jeunes Musulmans de France (JMF). Il fut également membre du CA de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Il est par ailleurs l’artisan de trois imprimés : Les jeunes, l’islam & le sexe : des réalités cachées, Editions Bayane, 2002. Na’al bou la France ?!, Editions Bayane, 2002. La France des islams : ils sont fous ces musulmans ?!, édité à compte d’auteur. Vous pouvez le retrouver dans ses chroniques sur le site Pare-Chocs.





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