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Arts & Scènes

Mères de l'exil : les nouvelles Reines de France s’exposent à Saint-Denis

Rédigé par | Mardi 30 Mai 2017 à 11:30

           

La basilique de Saint-Denis, dernière demeure des rois et reines de France, accueille jusqu’au 30 juin 2017 « Mater, Reines de France », une exposition hommage aux « mères de l’exil ». L’installation se prolonge jusque dans la Halle du Marché de la Ville de Saint-Denis, fréquenté par les femmes photographiées, peintes et exposées par l’artiste Arilès de Tizi.



« Mater Stabat, Aïcha » de Arilès de Tizi
« Mater Stabat, Aïcha » de Arilès de Tizi
La crypte de la basilique cathédrale de Saint-Denis est illuminée depuis le 16 mars, date de l’installation de l’œuvre monumentale « Mater, Reines de France ».

Six portraits photos de femmes allongées sont portés par des caissons lumineux dans six chapelles sombres, éclairées en arrière-plan par des vitraux colorés. Chacune des « Mater Stabat » est vêtue d’une robe blanche qui se confond avec les draps sur lesquels elles reposent. Elles sont en position de madone, le visage apaisé, la tête nue ou coiffée d’un voile ou d’un foulard à l’africaine.

Le plasticien franco-algérien Arilès de Tizi est à l’origine de l’installation. Lorsqu’il est arrivé en France, encore enfant à Aubervilliers, le marché « le plus grand et le moins cher » était celui de Saint-Denis. Pour lui, il s’agit d’« une ville symbole : dès lors qu’on caricature les banlieues, on parle du 9-3 et de Saint-Denis ».

Photographe et vidéaste de formation, Arilès délaisse le secteur de la communication pour s’adonner à sa passion pour les arts plastiques, du dessin à la sculpture en passant par la photographie et la peinture. Né en Algérie en 1984, il débarque dans l’Hexagone; au début des années 1990, avec sa famille pour fuir la guerre civile. L’exil et le sacré sont ainsi deux thématiques auxquelles son histoire est liée et auxquelles il attache une grande importance dans son œuvre.


Arilès de Tizi a entrepris un casting sauvage, abordant des mères de famille au marché, à quelques pas de l’édifice religieux. « J’en ai rencontré des centaines pour au final me retrouver avec 30 femmes que je trouvais belles, avec une forte dramaturgie dans le regard ou la façon d’être. Ce sont des femmes qui portaient leur histoire sur leur visage », témoigne le plasticien.

La proposition de l’artiste a souvent paru incongrue aux yeux des dames, qui craignaient « une arnaque aux grand-mères ». Meriem, une Algérienne sans-papier, fait partie des femmes exposées dans la crypte. Elle qui, selon ses dires, a « planifié son évasion pour fuir l’oppression masculine », ne s’imaginait pas pouvoir entrer dans la basilique. « J’avais une image sectaire de la basilique. J’avais peur d’être refoulée parce que je suis Arabe. J’avais faux sur toute la ligne », explique-t-elle.

« La religion est là pour lier les gens »

La question des symboles religieux mérite d’être posée avec le projet Reines de France. Mais l’artiste assure avoir surtout eu des retours positifs. « La démarche n’est pas de faire du blasphème. La religion est là pour lier les gens entre eux et l’exposition y participe », justifie-t-il.

« Il y a une histoire de France qui est en train d’être écrite par ces femmes. Les rattacher à la grande Histoire me semble logique car cela sera fait malgré tout après nous », analyse Arilès de Tizi. Il ajoute que « cela peut blesser certaines personnes mais la seule chose à retenir, c’est qu’on a fait plus de bien que de mal ».

Un espace vidéo présente une partie des témoignages des modèles de l’exposition. Un long métrage documentaire qui retrace et suit tout le processus de création et de partage de l’œuvre est actuellement en préparation.

Le projet Mater va connaître son pendant américain avec le projet Founded Mother. Arilès de Tizi va prochainement mettre en scène des femmes du quartier de Harlem à New York, pour faire écho au mythe des Pères Fondateurs des Etats-Unis. En mars 2018, les deux installations devraient être présentées ensemble à l’Institut du monde arabe.





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