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Points de vue

Lettre ouverte d’une maman… Nacéra Hamouche… enfant de la Guerre d’Algérie !

« Naïvement… Pourquoi…? »

Rédigé par Nacéra Hamouche | Mardi 27 Décembre 2005 à 14:05

           

Nacéra Hamouche, enfant de la colonisation, mais aussi maman livre sur SaphirNews.com son sentiment sur le « couvre-feu » au travers d’une lettre ouverte adressée au ministre d’Etat Nicolas Sarkozy .



A Monsieur Nicolas SARKOZY,

Vous aimez «la Transparence »-Vous êtes contre la «Pensée Unique»- Pas de «Langue de bois» ! moi ! idem !

Vous êtes fan de la Chanson Française ! Je le suis ! Vous êtes adepte du « Vélo » ! Je suis fille d'un champion cycliste à Alger pendant la guerre ! Des passions communes en somme, l'on pourrait deviser longuement ! Sur la chanson française qui a bercé mon enfance ! une époque disparue des ondes de radio ici en France! ringarde aux yeux des«Français» qui swinguaient ,eh oui sur la musique anglo-saxonne ! l'ayant défendue corps et âme pour qu'elle revive ! De ce père tout comme vous un «fou»du vélo ! qui en a fait sa passion et son métier ! Du haut de ses 85 ans, toujours fan de Jacques Anquetil , du Tour de France !

Peut-être une autre fois, Inch Allah ! le cœur n'y est pas ! la paix, la sérénité a déserté les cœurs remplis de haine et de méchanceté ! Votre seul désir : « grimper »les marches de l'Elysée ! Tout à votre honneur, mais de la belle manière !

Et loin d'imaginer -dans cette actualité brûlante- "un couvre-feu": le soir venu, le zoo ferme, les bêtes en cage et bien surveillées! Une loi coloniale 50 ans après, qui réveille les pires cauchemars vécus par les uns, à découvrir par ceux dont on a occulté l'Histoire dans les écoles, d'une longue Nuit coloniale! Une leçon d'Histoire grandeur nature du rôle positif de la France civilisatrice! Leurrés nous enfants issus de la "colonisation" non de l'immigration ! Nous avons cru à Mai 68, un vent nouveau, une "rupture" d'avec la France archaïque, dominatrice. Ah, les soixantuitards, certains, aujourd'hui, donneurs de leçons ! Ensemble sur le chemin d'un monde meilleur-de l'Egalité, de la Liberté, de la Fraternité ? Tu parles! Ppour les générations futures -nos enfants- qui payent aujourd'hui, chers, très chers nos errements! Nous avons prêché par trop de naïveté!

Loin d'imaginer quelque temps après mon adhésion -novembre 2004- une loi allant dans ce sens et je ne peux cautionner la cruauté des mots d'un Ministre d'Etat installé dans une arrogance coutumière qui de surcroît persiste et signe en déclarant à qui veut l'entendre: qu'"il faut cesser avec la repentance permanente"qui consiste à«revisiter notre Histoire» ! Nous humiliant, nous habitants "d'Afrique du Nord" :«Ca n'a rien à voir avec la Martinique, ça avait tout à voir avec l'Afrique du Nord» ! Bien vu et bien fait !« chah pour ces fous» au péril de leurs vies pour avoir voulu vivre en Hommes Libres !

Alors que des voix s élèvent pour dire "que l'Histoire ne s'écrit pas dans la loi", vous voilà décidé-loin de nous étonner- de missionner«l'homme de loi Arno Klarsfeld pour mener un travail approfondi sur la loi, l'Histoire et le devoir de mémoire, avocat de la mémoire et de la vérité » ?! de quelle mémoire, Arno Klarsfeld est-il témoin ? Bien que petit-fis de déportés juifs, cette époque bien lointaine de son enfance dorée-de quelle vérité peut-il se prévaloir ? Seigneur grand Dieu- Saint-Nicolas- Jusqu'où peut mener le cynisme? Père Fouettard et mauvais points – Saint Bernard et bons points- selon votre bon vouloir ! Exit cette méthode-disparue des écoles ! Au cas où vous ne le savez pas !

J'en ressort une nouvelle fois secouée par des souvenirs douloureux de mon enfance que j'ai cru enfouis à jamais. Cette petite fille, aujourd'hui maman, se pose toujours des questions«naïvement pourquoi»ces massacres d' innocents, les privant de Liberté et de Dignité Humaine ! Cette petite fille dite«mignonne- teint clair et tresses blondes comme les Françaises mais dommage c'est une arabe» bien née- à Chéraga, petite commune typiquement coloniale-entre Alger et Sidi- Ferruch, plage des «colons»avec sa petite église prés de laquelle elle est née-sa petite école-sa petite mairie-un havre de paix et de calme où il fait bon vivre ? Dans une famille quelque peu privilégiée ? Un père champion cycliste, une tante française, des camarades d'école, françaises,… jusqu à un matin …la GUERRE… !

L'escalade de la violence : coups de crosse contre les portes en fer de nos maisons ! Perquisition en pleine nuit ! Mon Dieu, les Sénégalais, dans le noir-leurs yeux –leurs mains- quelle frayeur ! Sifflement de balles ! Arrestations ! Bouclage de quartiers ! Plaquage contre le mur d'hommes raflés sans motif. Humiliation sur population indigène, du sang, des cris, des pleurs, la peur, à tout moment, tout instant... l'école fermée, le départ brutal de ses camarades ! Une enfant de la génération "pipi au lit"-certains jusqu'à 14 ans- qu'aucun psy n'a été dépêché pour les«sortir»des cauchemars vécus ! ça sentait parfois mauvais dans la classe ! pour beaucoup n'ayant pas de rechange, quand il pleuvait 4 jours d'affilée !

Long, très long à décrire : tous réunis autour de ce grand-père patriarche -7 fils- sur son lit de mort, rongé par la fièvre, nous dévorant de ses grands yeux verts- la souffrance-le désespoir- le dénuement- laissant sa patrie à feu et à sang-« trahi » par ses fils ayant inscrit ses petits enfants à « l'école coloniale» ! Lui, le Kabyle du Jmaaliman, né en 1890, sa famille chassée après l'occupation française de la Kabylie en 1870- les pires massacres commis- toute une population décimée- il a dit « non »pour eux ! fier de sa maison achetée en plein quartier« français»à Chéraga. La petite mosquée au prix d'énormes sacrifices pour que tous les enfants puissent apprendre à lire et à écrire l'Arabe- interdit à l'école- fermée-elle cache des«terroristes»! tout prés de l'église où les camarades françaises apprenaient le Catéchisme ! ça le rendait malade, fou furieux d'entendre ses petits-enfants parler- chanter en Français- interdit à la maison …passons les détails !

Long, très long à décrire : réveillés au petit matin par des cris, des pleurs, notre cour envahie par des enfants, des femmes-des hommes-hagards des baluchons posés à terre-abandonnant leurs maisons- fuyant la Kabylie brûlée au Napalm ! Faut parer à l'urgence-les héberger, les nourrir, les vêtir ! ils ont tout perdu ! Ecuries, granges-dépendances- en abris de fortune- l'intimité séparée par de simples cloisons de contre-plaqué- sans fenêtre, le froid, la misère ! Ils y vivront avec mari, femme et enfants dans une seule et même pièce jusqu'à l'Indépendance en 62 …passons les détails !

Long, très long à décrire«un fellaga»terroriste-se cacherait dans une maison voisine : bouclage du quartier, sifflements de balles, perquisitions- après 3 jours et 3 nuits d'acharnement –fusillé-exposé mort à la population- adossé au rond-point central- sur le chemin de l'école ! une pancarte sur son torse nu «cet homme est un terroriste» ! nos voisins expulsés de leur maison, (habitée par une famille militaire jusqu' en 62) -L'un de leurs fils, emprisonné à Serkadi, prison des condamnés à mort ! laissant une jeune épouse enceinte- la petite fille ne connaitra jamais son père ,mort sous la torture ! cauchemar et re-pipi au lit … passons les détails ! aujourd'hui la place publique où il a été tué, porte son nom !Place Ahmed Chicha à Chéraga.

Le garde-champêtre, tambour roulant dans notre quartier : « avis à la population indigène :interdiction de sortir avant 4h cet après-midi, la rue de l'église, notre rue bloquée pour passage à pied de convoi funéraire » ! mon Dieu qu'il faisait peur le curé avec sa soutane noire, sa longue barbe, les grandes croix, le fourgon noir, le silence assourdissant – cauchemars et re-pipi au lit … passons les détails !

Les baraques en toile, à la moindre pluie par-terre ! misérables, pitoyables sur la place publique des marchands arabes - les fous qui errent dans les rues ! des hommes- de bons père de familles-à la recherche d'un travail- pris dans une rafle soudaine- plaqués contre le mur, les mains en l'air- les fusils des militaires pointés sur eux- qui crient - tremblotants – non msieu, j'y rien fait ! brimades, moqueries, menaces d'exécution…passons les détails !

La venue du général De Gaulle à Alger, des hommes raflés sommés de monter dans les camions militaires pour aller l'applaudir : vive Dégoule – yahia Dégoule, agitant des drapeaux ! humiliations-pleurs- cris- menaces… ! Le « cavrafo » ( couvre- feu)- si par malheur , de retour de visite chez la famille, la voiture tombe en panne – si par malheur la famille en visite chez nous – pas déclarée à la gendarmerie- même pour une nuit ! au poste de police – parfois pour ne plus revenir… La directrice de l'école, nous attirant par des bonbons dans son bureau , nous demandant si la veille, quelqu'un… un étranger n'était venu chez nous la nuit… passons les détails !

L' oncle malade, opéré du cœur, au 1er coup de crosse sur la porte, pris de diarrhée- faut le chercher aux toilettes pour le contrôle d'identité! qui hurle tenant son ventre « ayama taabotew( en kabyle) ! on en riait ! Les mamans en pleurs, contraintes d'enlever leur »voile » devant l'objectif du photographe-roumi - pour les cartes d'indigènes! L'humiliation de la famille juive -nos voisins- traitée de « sale juif »par qui ? les Français qui les détestaient à mort ! ou venait-elle pleurer -où trouvait-elle réconfort, la mama juive ?chez nous ! Aujourd'hui c'est nous les antisémites- incroyable ! hallucinant !

Cerise sur le gâteau ! J'en connais les moindres détails : la gifle retentissante avec le geste qu'il refait depuis plus de 20 ans-« il m'a fait mal – très mal » ! chaque année lorsque je vais lui rendre visite à ce père : pas peu fier d'avoir «réussi» à acheter un petit magasin de vélos -passion oblige-en plein centre d'El-Biar, quartier huppé d'Alger- rive droite Paris ! en pleine guerre ! jeune- arabe - ya suspicion ! convocation au commissariat –accompagné d'un ami « juif »-on ne sait jamais- on en ressort peut être pas- accueilli par le commissaire devant l'entrée - la gifle qui part- retentissante ! motif : tu revends en pièces détachées des « vélos volés » chez les Français par des « voyous » arabes ! lui le champion - l'avant-veille du Tour d'Alger… humilié, blessé mais fier, le grand ( par la taille) Arezki qui ne se plie jamais, toujours droit, faisant peur à ses propres enfants ! On ne pouvait le regarder en face ! les yeux toujours baissés !

Le jour J.. . sur la ligne d'arrivée : la foule applaudit, scande : Arezki, champion… ! nez à nez avec le commissaire – fan du vélo- venu avec ses enfants suivre le Tour – c'est pas possible, lui le champion- giflé l'avant veille- accusé de trafics – le commissaire tente de l'approcher-il le rejette- le lendemain, allant le voir dans son magasin : « pardon- pardon Monsieur Arezki », j'en ai honte ! mais le kabyle, fier, têtu jusqu'au bout, refuse la main tendue.. . Ah qu'il me dit chaque année– FAFA waara ! Il n'a jamais accepté de venir en France , bien que constamment invité par ses anciens copains pieds-noirs, ne serait -ce que pour le Tour de France ! Il ne comprend pas que sa fille –la seule en France de toute la famille-5 frères- y vive chez ceux qui les ont colonisés !

Le bouquet final : «comment l'indigène écrit, lit le Français mieux que toi» ainsi parlait l'institutrice, se défoulant sur les cheveux lorsqu l'une des camarades françaises bafouillait-« regarde » disait-elle , elle ne parle pas un mot français à la maison, l'indigène et pourtant et comment… » certes ! Un père illettré - mais exception –une mère: niveau du « Certif ».

Je m'arrête, je n'en peux plus… !

Ce n'est qu'un petit coin de voile levé -dans une petite commune somme tranquille- proche de la capitale- et pourtant ! que dire de ceux qui aux fins fonds des bleds reculés subissaient quotidiennement les pires massacres au mépris de la Dignité Humaine !

Jour J de l'Indépendance en 1962 : un pays éventré, un peuple meurtri ! 8% de garçons et 2 % de filles avec le Certificat d'Etudes !

«Comment un Parlement peut glorifier une présence coloniale coupable de massacres contre un peuple en entier, et prétendre que cette présence a rendu service aux peuples colonisés ?». « Une cécité mentale" proche du "révisionnisme », déclare le président Boutéflika !

Monsieur le Président de la République, Monsieur le 1er Ministre, Messieurs Mesdames les Ministres, Députés, Hommes de LOIS…! je vous en conjure ! Dites-le moi, … ! « N'AYEZ PAS PEURS… » !

A moins que … Arno Klarsfeld … « …l' Avocat de la mémoire et de la vérité… » à même de m' éclairer !?





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