Jusqu'alors cette réflexion était menée de manière informelle. La société Isla-invest Consulting, est la première société française à se spécialiser dans le conseil en investissements financiers et immobiliers selon des normes conformes à l'éthique islamique. Elle fut initiée par Zoubeir Ben Terdeyet qui, après ses études en Finances dans les universités françaises, découvre les finances islamiques à son passage chez la célèbre UBS en Suisse. Après une nouvelle expérience cette fois dans des banques anglaises, M. Ben Terdeyet s'intéresse alors au sujet et se retrouve régulièrement, le seul Français à participer à des rendez-vous d'experts internationaux sur les questions de l'économie islamique. Mais depuis l'an dernier, l'Association d'innovation pour le développement économique et immobilier (Aidimm a vu le jour et mène un sérieux travail de réflexion et d'explication dans les cercles musulmans.
Besoin de formules innovantes
Le 13 mai dernier, dans les locaux de l'Institut français des études et sciences islamiques (IFESI à Boissy Saint-léger (94), l'Aidimm a animé une conférence sur le thème de « survol et critique des finances islamiques aujourd'hui». La rencontre était prévue dans le cadre des conférences publiques de l'institut dirigé par le Cheikh Ahmed Abidi. Devant un auditoire de plus d'une centaine de personnes, l'équipe d'animation de l'Aidimm a dressé un état des lieux des finances islamiques avant de commenter une liste des produits financiers proposés par les acteurs de ce système. La rencontre s'est terminée par l'exposé du cas concret de l'immobilier, illustrant non seulement la nécessité des finances islamiques mais précisant surtout le champ des possibles en France dans un proche avenir.
Pour Hakim, membre fondateur de l'Aidimm, qui a consacré plusieurs années d'études au sujet, « les musulmans de France ont besoin de rechercher des formules innovantes leur permettant l'accès à la propriété ». Il explique qu'aucune loi ne s'oppose à ces formules que certains promoteurs immobiliers évoquent du bout des lèvres. Mais elles demandent à être expérimentées et partagées par des groupes structurés et engagés.
D'après les enquêtes que le conférencier a menées auprès des musulmans, des organismes HLM ainsi que des promoteurs immobiliers, il ressort que « D'une manière générale en France, les personnes sont plus souvent locataires que propriétaires de leur habitat. Et particulièrement pour les musulmans de France, l'accès à la propriété est encore plus rare que dans l'ensemble de la population. » Hakim s'interroge si, en se contentant de leur statut de locataires à vie, « les musulmans qui sont pourtant Français, ne sont pas en train de reproduire le schéma de leurs parents qui étaient, eux, des immigrés. »
Hakim explique cette situation par de nombreuses raisons. Parmi elles, la question du crédit bancaire avec son incontournable taux d'intérêts. Plus que le montant du taux, c'est le principe de l'emprunt avec intérêt qui pose problème. Sous la dénomination de « Riba », la pratique de l'intérêt usuraire est prohibé en islam. Or cette pratique est la règle dans l'ensemble du système bancaire classique. C'est pourquoi, au coeur du dispositif de l'économie islamique, l'on retrouve le soucis permanent d'éviter cette « Riba ». L'une des banques islamiques les plus prospères a justement choisi de se nommer la Noriba bank, entendons, la banque sans Riba.
L'exemple de la Islamic Bank of Britain
Précédant Hakim, c'est Mohamed El Bechir qui a exposé de manière détaillée l'historique et les grands principes de fonctionnement du système économique islamique. Il énoncera quelques perspectives prometteuses de ce système qui cesse de tourner autour du seul profit pour accorder une place respectable à des valeurs éthiques conformes aux exigence des musulmans.
Cette intervention fut suivie d'une présentation des produits les plus usuels de la finance islamique. Dans un riche exposé, Marouane Mohamed dressera la liste des opportunités encore méconnues en France mais dont les banques islamiques sont familières. Il ne manquera pas de citer l'exemple de la Islamic Bank of Britain (IBB) ouverte à Londres en septembre 2004 et qui donne des espoirs de voir le système gagner d'autres pays d'Europe.
Pour Marouane Mohamed, «le marché de la finance islamique est en pleine expansion. Car les musulmans (ndr, des pays occidentaux) gagnent de plus en plus d'argent et offrent un nouveau marché en Europe. » Il explique qu'aujourd'hui, l'interdépendance des marchés réduit les possibilités d'expansion. Pour exemple, au début des années 90, les difficultés du Mexique à faire face à ses dettes, ont mis toute l'économie mondiale en danger.
Ainsi, explique M. Mohamed, la saturation du marché actuel « n'offre plus de vraie alternative capable d'englober l'ensemble des exigences des clients ». Ceux-ci sont devenus regardants sur l'usage qui est fait de leur argent et ne se laissent plus guider par le seul appât du gain. Les investisseurs sont généralement disposés à réduire leurs gains à condition que leur argent soit utilisé à des fins conformes à leurs valeurs. Car, dit-il, « actuellement les gens sont conscients qu'ils sont responsables de ce qu'on fait de leur argent ».
Pour en savoir plus:
La première banque islamique d'Europe
Le site de l'association Aidimm
Le site d'Isla-invest Consulting