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Vivre ensemble

L'avenir de la relation islamo-chrétienne

Par Mustapha Cherif, penseur algérien, membre du Forum mondial islamo-catholique

Rédigé par Mustapha Cherif | Jeudi 30 Octobre 2008 à 10:56

           


Pour la première fois dans l’histoire une structure internationale de concertation islamo-catholique sera installée à Rome, c’est un signe d’espérance . Le meilleur moyen de faire reculer l'islamophobie est le dialogue de la raison. Certains s’imaginaient que le discours controversé de Ratisbonne du Pape et sa ligne conservatrice étaient le tombeau du dialogue. Après cette pénible péripétie, il fallait empêcher que la logique du « choc des civilisations» et de l’islamophobie ne dominent les relations internationales. Après l’audience privée que m’a accordé le pape en novembre 2006, une initiative est venue conforter le mouvement du dialogue intereligieux. Ensemble, « 138 » savants musulmans de quarante pays, de toutes écoles de pensée, sous la coordination de l’Institut de la pensée islamique Ahl El Bayt, nous avons pris l’initiative de nous adresser aux dignitaires chrétiens sous le titre d’un verset coranique : « Venez à une Parole commune ». La notion de « Parole » citée plus de soixante-dix fois par le Coran, signifie aussi raison. Nul ne peut confisquer la raison. La rencontre prouve que le dialogue de la raison avec les musulmans est non seulement possible, mais incontournable. Tous les êtres sincères fondent un grand espoir dans cette rencontre historique. Nous souhaitons qu'elle soit plus qu'un discours conciliateur sur la paix et les droits de l'homme mais une vraie confrontation de foi à foi.

Ce Forum réunira vingt quatre savants de premier plan des deux religions. Nous débattrons, dans le respect mutuel, le premier jour sur le thème de la foi, de la théologie et le deuxième jour sur les questions de notre temps, puis le troisième jour débat face au public. Une audience avec le pape est prévue. C’est une nouvelle étape du dialogue qui s’ouvre. Il s’appuie autant sur les questions de foi que celles sociales, et montre que, malgré des appréhensions, une prise de conscience est partagée. Reste à multiplier l’impact sur les populations et la jeunesse. Car il reste beaucoup à faire, pour créer ou renforcer la « culture du dialogue ». D’autant que les religions sont abusivement mêlées aux désordres du monde qui ont des causes politiques.

Certains peuvent dirent que les rencontres interreligieuses sont coupées du réels, et que des élites se satisfont de beaux gestes et de bonnes paroles. Pourtant, dans le monde entier sur le terrain, il se passe aussi des expériences où l’amitié n’est pas un vain mot. Les êtres de bonne foi considèrent qu’il est urgent, aujourd’hui où l’humanité est entrée dans une difficile période de l’Histoire, de se remémorer les liens et de dialoguer, pour que la paix et la justice prévalent, au lieu et place des guerres et discriminations. Contrairement aux courants qui considèrent que le dialogue n’est pas possible, du fait que la réalité est celle du racisme, de l'islamophobie, des violences, des agressions et des hégémonies, il n’y a pas d’alternative sage pour mettre fin aux incompréhensions, aux injustices, corriger l’image désastreuse des croyants et contrecarrer les intolérances.

Pour les musulmans, l’esprit de la rencontre à Médine il y a 14 siècles, entre le Sceau des Prophètes et les chrétiens de Najran, et pour les chrétiens la ligne de Vatican II, initiée par Jean XXIII, confirmer par Paul VI et consolider par Jean Paul II doivent prévaloir. C'est-à-dire que par le respect du droit à la différence, l’hospitalité et l’humilité l’on peut apprendre à vivre ensemble. Même si on est fier de nos valeurs et sources, et que chacun croît détenir la dimension parfaite, nul n’a le monopole. Des divergences subsistent entre les religions mais le dialogue est à même de les transformer en richesses et non point en sujets de confrontations. Le dialogue n’a pas pour but de justifier des situations intolérables, de consoler, ou de convertir. Mais primo apprendre à connaître, témoigner et confronter sa foi. Secundo échanger, tenter d’aboutir à des normes communes, universelles. Tertio, agir pour le bien, afin que les religions soient une chance et non point une menace pour le monde. Interconnaissance fondée sur la foi, parole commune et émulation trois objectifs du vivre ensemble.

Notre lettre est un acte d’ouverture. Il est temps d’actualiser les principes des trois monothéismes, de la Thora , de l’Evangile et du Coran. Nier le fait que l'Occident a été islamo-judéo-chrétien et gréco-arabe est du négationisme. Il y a trois branches de l’héritage abrahamique. La lettre commence par faire un constat : « Musulmans et chrétiens constituent plus de la moitié de la population mondiale. Sans la paix et la justice entre ces communautés religieuses, il ne peut pas y avoir de paix. L’avenir du monde dépend de la paix entre musulmans et chrétiens. » Puis elle rappelle deux principes communs aux trois monothéismes: « l’amour du Dieu Unique, et l’amour du prochain. » Sur la nécessité d’aimer son prochain, le Prophète a dit : « Aucun d’entre vous n’est croyant tant que vous n’aimerez pas pour votre prochain ce que vous aimez pour vous-mêmes. Reste pour tous à réduire l’écart entre la théorie et la pratique. Nous savons que « la parole commune » n’est pas un vœu pieux, et qu'il faut agir concretement. La lettre n’est pas muette sur les sujets difficiles, elle remet au centre le principe cardinal « pas de contrainte en religion ». Aujourd’hui approuvée par plus de deux cent cinquante savants musulmans, la démarche est un acte de foi, pour tenter d'empêcher que l'humanité ne sombre.





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