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Votre revue de presse

Happy new year Gaza : journal d'un humanitaire gazaoui

Rédigé par lila13@hotmail.co.uk | Vendredi 2 Janvier 2009 à 00:00

           

Voilà une nouvelle nuit qui commence, une nouvelle nuit sous les bombes israéliennes... Pour nous la nuit sera longue, sans doute pour vous aussi qui allez célébrer le début de cette nouvelle année. Et comme vous, nous avons déclenché le compte à rebours... Ou plutôt un décompte macabre qui, pour l’instant, s’établit à près de 400 morts, parmi lesquels 62 femmes et enfants



Comme toute les nuits depuis le début de l’offensive israélienne, mes deux jeunes enfants, ma femme, ma belle-sœur et moi-même allons dormir tous ensemble, serrés les uns contre les autres dans notre salon au centre de mon petit appartement, comme si nos pauvres murs pouvaient nous protéger contre le déluge de feu.

Et cette nuit ressemblera sans doute aux précédentes: la peur au ventre, nous aurons droit à un énorme feu d’artifice offert par les jets israéliens bombardant des dizaines d’immeubles et de maison, en moyenne un explosion toute les cinq minutes.

La nuit dernière, nous avons suivi les infos à la télé... Le présentateur nous a annoncé qu’une mosquée avait été prise pour cible dans le camp de réfugiés de Jabaliyia, à quelques kilomètres au nord et puis le choc: dans leur maison juste à côté de la mosquée, cinq fillettes, cinq sœurs sont mortes... Brins de vies sacrifiées dans la vaste offensive contre les militants du Hamas. Toute ma famille s’est mise à pleurer devant la télévision...

Ces petits corps sans vie nous hurlaient ce que nous savions déjà: qu’aucun d’entre nous n’était à l’abri, les missiles israéliens pouvaient frapper chacun d’entre nous à tout moment.

Au coeur des ténèbres

Nous dormons à peine... Quand enfin les enfants sont terrassés par le sommeil, une énorme explosion fait trembler toute ma maison. A 500 mètres à peine, les F16 israéliens pilonnent les bâtiments de l’université islamique de Gaza et le port de Gaza city.

C’est à cette université que j’ai fait mes études, j’ai aimé cet endroit comme le lieu qui m’a donné à entrevoir que le monde était plus vaste que les 300 km2 dans lesquels nous vivons confinés depuis notre naissance... Quand j’ai entendu que les F16 l’avaient détruite, c’est comme si tous mes souvenirs heureux étaient eux aussi réduits en poussière.

Le sentiment d’un vide, celui d’être sourd, le bruit de l’explosion est énorme. Mes enfants se remettent à pleurer... Moi je m’empare du téléphone pour appeler ma sœur, qui habite à deux pas de l’université. Elle décroche en pleurs et j’entends les sanglots de ses cinq enfants:

"On est tellement terrorisé... Je ne sais pas où aller, quoi faire... On était en train de dormir, toute la maison s’est mise à trembler..."

J’écoute ma sœur, mais ne trouve pas les mots pour la réconforter... Que pouvais-je dire... Personne n’est en sécurité et tout le monde le sait.

Cauchemars

Il est quatre heure du matin quand, épuisé, je trouve le sommeil... Je jette un dernier regard à ma famille endormie... Sous leurs paupières closes perlent encore les larmes.

J’ai dû dormir quelques minutes à peine quand un horrible cauchemar me réveille... J’étais au milieu de la rue, au milieu des tueries et des bombes et je restais là, tétanisé, ne sachant pas quoi faire de moi-même.

A 6h30, les pleurs de mon fils aîné de 15 mois me réveillent... Je ne dormirais plus et c’est en état de choc que je rejoins le reste de ma famille pour le petit déjeuner. Je ne leur dirais rien de mes cauchemars ni de mes angoisses, je ne veux pas les inquiéter plus encore.

Autour de la table, tous ont une mine terrible, l’insomnie et l’angoisse ont creusé leur sillon sur tous ces visages qui me sont chers. Au moins avons-nous de l’électricité ce matin, la plupart du temps nous vivons dans la pénombre à cause des coupures de courant.

Soudain, ma mère explose en sanglots, la radio vient d’annoncer qu’un missile avait détruit une caserne de pompiers dans le camp de réfugiés de Khan Younis, la caserne se trouve à 80 mètres de la maison de ma grand-mère. Nouveau coup de fil angoissé à mes oncles... Tout le monde était sain et sauf, encore sous le choc de l’explosion qui a détruit toutes les fenêtres de la maison.

Happy new year Gaza

Assis là, autour de la radio avec ma famille, je me suis rappelé une conversation qui me paraît d’un autre temps. Ce n’était pourtant que la semaine dernière, deux jours avant l’offensive israélienne, ma femme me demandait où nous allions passer les fêtes de fin d’année. "Peut-être pourrions-nous emmener les enfants dîner avec des amis."

Finalement, j’ai changé d’avis, nous resterons probablement à la maison chérie... Nous regarderons le reste du monde célébrer à la télé pendant que nous pleurerons nos morts. Le monde en retour nous regardera peut-être trembler et mourir... Bonne année Gaza!


Par Mohammed Ali | Oxfam | 02/01/2009 | 12H51




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