Connectez-vous S'inscrire

Sur le vif

Caricatures: des responsables musulmans dénoncent l'islamophobie

| Vendredi 3 Février 2006 à 16:43

           


Des responsables associatifs musulmans se sont dits vendredi indignés par les caricatures du Saint Prophète (psb) assimilant l'islam au terrorisme mais ils incriminent le racisme et l'islamophobie plutôt que le blasphème.

"En tant que musulmans, bien sûr nous sommes indignés", déclare à l'AFP Saïd Branine, un responsable d'Oumma.com, site internet de débats sur l'islam. "Mais c'est un acte raciste, rien d'autre".

"Ces dessins n'ont rien d'une caricature: dans une caricature, on exagère le trait. Or le Prophète n'était pas un homme violent qui provoque la haine", poursuit-il. "Et après avoir accusé les musulmans de menacer la République et la laïcité, on va les accuser de remettre en cause la liberté de la presse!".

Pour autant, les quelque cinq millions de musulmans --la France compte la plus grosse communauté musulmane en Europe-- "ne vont pas se lancer dans des manifestations hystériques ou un boycott. Ils réagissent en citoyens français scandalisés", estime M. Branine.

Le choix de re-publier les caricatures quatre mois après un quotidien danois "est une provocation gratuite d'incendiaires, alors qu'on a besoin de pompiers", juge Abdelaziz Chaambi, responsable de l'association lyonnaise DiverCité.

"C'est du racisme dans de nouveaux habits: aujourd'hui on ne parle plus d'Arabes mais de musulmans intégristes", poursuit-il. "Nous le vivons très mal: nous sommes blessés, et citoyens français. Le droit d'expression est fondamental, on est bien placés pour le savoir et on y tient. Mais on ne peut accepter qu'une religion soit stigmatisée à ce point, on le vit comme une insulte".

"C'est une provocation raciste, c'est encore de l'islamophobie", déclare Fayçal Menia, qui se définit comme "musulman laïc" et dirige le collège Réussite à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), premier collège musulman créé en France voilà près de cinq ans. "Il ne s'agit pas de remettre en cause le droit pour un non-musulman de représenter ce qu'il veut. Mais on s'attaque une nouvelle fois à l'image des musulmans qui est stigmatisée, déformée, malmenée".

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait parlé mercredi, jour de la publication des dessins par France-Soir, d'"acte fomenté par des cercles racistes et xénophobes" visant à "tenter de réaliser la fracture entre l'islam et l'occident".

Dans la salle de prières de l'usine Peugeot de Poissy (Yvelines), "l'imam s'est mis à pleurer en demandant de prier pour l'honneur de la communauté et pour le Prophète", raconte le sociologue Moussa Khedimellah, qui travaille à la chaîne.

"Les gens sont comme tétanisés. Ils connaissent déjà l'islamophobie, avec Claude Imbert, Oriana Fallacci ou Michel Houellebecq", poursuit-il. "Mais là, c'est quelque chose de vraiment intime: on s'attaque au Prophète. Ils ne savent pas comment réagir".

Ce désarroi s'explique aussi par le fait que beaucoup ne se retrouvent pas dans l'image que donnent d'eux les médias, souligne Aziz Zemouri, journaliste au Figaro Magazine et auteur de "Faut-il faire taire Tariq Ramadan?" (L'Archipel, 2005).

"Le problème, c'est qu'on tape sur les musulmans et ils ne peuvent pas riposter: l'islam est une religion de gens pauvres ici, sans pouvoir symbolique ou intellectuel", relève le journaliste, ajoutant : "Les musulmans auxquels les médias donnent la parole sont en général des bénis oui-oui, ils disent ce que les médias ont envie d'entendre sinon leur carrière serait bloquée".




SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !