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Politique

« Bâtir un islam des Lumières » : ce qu'il faut retenir du discours de Macron contre « le séparatisme islamiste »

Rédigé par Hanan Ben Rhouma et Myriam Attaf | Vendredi 2 Octobre 2020 à 18:00

           

C'est depuis les Mureaux, dans les Yvelines, qu'Emmanuel Macron a dévoilé, vendredi 2 octobre, son plan d’action pour lutter contre, non plus les séparatismes, mais plutôt « le séparatisme islamiste ». Au cours d'un discours dense, plusieurs annonces ont été faites pour s'attaquer à « l’islamisme radical » mais aussi aider l'islam de France à se structurer en vue de « bâtir un islam des Lumières ». Saphirnews fait le point.



« Bâtir un islam des Lumières » : ce qu'il faut retenir du discours de Macron contre « le séparatisme islamiste »
Plus de place au doute, ni à l'ambiguïté : c'est contre le séparatisme dit « islamiste » que le gouvernement s'attaque avant tout. Emmanuel Macron a dévoilé, vendredi 2 octobre, les grandes lignes de la stratégie gouvernementale de lutte contre ce que le président de la République nomme « l’islamisme radical » et qu’il présente, sur un ton très offensif, comme « le résultat d’un travail méthodique mené depuis trois ans ».

Depuis les Mureaux, « une terre de combat républicain » et « de solutions » dans lequel il s’est aujourd'hui rendu pour la quatrième fois depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron a désiré ainsi « définir la réalité de nos problèmes sans tabou », en présence de plusieurs ministres parmi lesquels le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, sa ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer, et le Garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti.

« Ni naïveté, ni séparatisme »

Avant, et dès les premières minutes de son discours, il entend ne laisser de place à aucune ambiguïté. « Ne nous laissons pas entraîner dans le piège de l'amalgame tendu par les polémistes et par les extrêmes, qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans », a-t-il affirmé. Une fois cette précaution oratoire prise, Emmanuel Macron entendait bien convaincre les Français de la nécessité de lutter contre le « séparatisme islamiste ». « Force est de constater qu'il y a un islamisme radical qui conduit à nier les lois de la République, qui conduit à banaliser la violence et qui a conduit certains de nos citoyens, de nos enfants, à choisir le pire ou à considérer que le pire était devenu naturel », a-t-il indiqué.

Très vite aussi, le chef de l'Etat n'oublie pas de revenir aux sources du développement d'une logique séparatiste en pointant la responsabilité de l'Etat. « Nous avons-nous-mêmes construit notre propre séparatisme », a-t-il convenu, affirmant son désir de mettre en oeuvre une politique de la ville et de lutte contre les discriminations plus ambitieuse que par le passé pour lutter contre l'extrémisme. Ce qu'Emmanuel Macron a dit sur ce point plus en détail ici.

Lire aussi : La lutte contre « les séparatismes », un pluriel bien singulier assumé du gouvernement

« Bâtir un islam des Lumières » : ce qu'il faut retenir du discours de Macron contre « le séparatisme islamiste »

Une extension de la neutralité religieuse annoncée

« Le problème, ce n'est pas la laïcité. (…) La laïcité, c'est la neutralité de l'Etat, et en aucun cas l'effacement des religions dans la société, dans l’espace public », a déclaré le chef de l'Etat, tout en faisant preuve de fermeté sur le sujet.

Le premier cheval bataille du président : « la garantie de la neutralité religieuse dans les services publics » à travers la mise en place d'un ensemble de mesures pour lutter contre les « dérives » qui ont été constatées dans ce champ, en particulier les sociétés de transports. « Des contrôleurs qui refusent à des femmes l'accès aux bus en raison de leur tenue ; les demandes de port de signes ostentatoires d'agents qui exercent des services déléguées par la commune, par le département, par l'Etat et donc qui portent ces signes dans le cadre de leur mission », affirme-t-il, annonçant l'extension de l’obligation de neutralité religieuse à tous les salariés des « entreprises délégataires du service public ».

Menus confessionnels dans les cantines, horaires de piscines réservées aux femmes... la possibilité sera aussi offerte aux préfets de suspendre toute décision municipale qui ne serait pas accord avec le principe de neutralité religieuse.

Lire aussi : Comment l'Etat veut mener « l’offensive républicaine » contre l’islamisme et le repli communautaire

Un encadrement plus strict des associations

Le deuxième axe de sa stratégie consiste en un encadrement plus strict des associations. « Les associations sont des acteurs, des piliers de la République. Le problème vient que certaines déploient des stratégies d'endoctrinement » a fait part le président. Pour contrer ces dérives, il a annoncé qu’il étendrait les motifs de dissolution des associations au « fait d’atteinte à la dignité de la personne ou de pressions psychologiques ou physiques ».

Le financement des associations sera lui aussi plus strictement encadré. Avant de faire une demande de subvention, les associations devront signer une charte de la laïcité. En cas de coup de canif dans le contrat, elles devront rembourser l’intégralité des aides obtenues. Aussi, la volonté du gouvernement à l'heure actuelle n'est pas interdire les financements étrangers mais de « les encadrer ».

Emmanuel Macron souhaite également inciter les structures cultuelles à opérer sous le régime de la loi de 1905 et non plus celle de 1901. Celles qui accepteront cette évolution auront droit à des avantages fiscaux. Les autres seront soumises à une surveillance plus sévère. En somme, si les associations loi 1901 n'opèrent pas de basculement, elles auront « les contraintes sans les avantages ». Sur un autre plan, il a annoncé l'installation d'« un dispositif anti-putsch » afin d'empêcher que des extrémistes n'utilisent « les faiblesses de nos propres règles pour prendre le contrôle des mosquées ».

L'instruction à domicile et les écoles hors contrat dans le viseur

« L'école c'est le creuset républicain, c'est le cœur de l'espace de la laïcité. C'est notre trésor collectif. Or là aussi on a un combat à mener à cause des dérives et détournements », a rappelé Emmanuel Macron, qui a annoncé la quasi fin de l’instruction à domicile.

Seuls les enfants dont l’état de santé l’exige pourront bénéficier d’un suivi scolaire hors des murs de l’école. Une décision « sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celle assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969 », a-t-il assuré, dans le but de lutter contre la déscolarisation.

Le chef de l'Etat souhaite aussi renforcer la surveillance des écoles hors contrat, tant « sur le parcours des personnels, le contenu pédagogique des enseignements, l'origine des financements ».

« Bâtir un islam des Lumières »

La restructuration de l’islam en France fait aussi partie des ambitions d'Emmanuel Macron. « Il faut enfin bâtir un islam des Lumières. (…) Il faut aider l’islam se structurer pour qu’il soit un partenaire de notre République » a-t-il déclaré. Le président souhaite ainsi réduire les influences étrangères venues notamment de Turquie et du Maghreb et ainsi « libérer l’Islam en France ». Il a confirmé la fin prochaine du système de détachement des imams.

Quant à la formation des imams, « nous allons nous-mêmes former nos imams en France. L'islam consulaire nourrit des rivalités, des dysfonctionnements, mais surtout il continue de faire porter ce surmoi post-colonial que j'évoquais par ailleurs avec énormément d'ambiguïtés. Et il ne permet pas à la structuration de cette religion dans notre pays d'avancer comme il faut ». Avec quels moyens ? La question reste entière.

« Je ne pense pas qu'il faille une forme d'islam gallican. Mais il nous faut aider cette religion dans notre pays à se structurer pour être un partenaire de la République pour ce qui est des affaires que nous avons en partage », a-t-il déclaré. Il s'est dit favorable à la départementalisation du culte musulman, une réforme en cours pilotée par le CFCM. Une instance sur laquelle s'exerce désormais une « immense pression » en vertu de « l'immense responsabilité » qu'elle doit assumer, « parce que nous n’avons pas le droit d’échouer ».

Pression sur le CFCM, soutien affiché à la FIF

L'instance est notamment chargée de labelliser des formations d'imams, de certifier des imams et d'élaborer une charte à laquelle les cadres religieux devraient adhérer sous peine de révocation. Une tâche bien difficile qu'elle doit tenter de mener à bien d'ici au début de l'année 2021, sans plus de moyens.

C'est toute autre chose pour la Fondation de l'islam de France, qui sort renforcée par la stratégie gouvernementale. Le président a ainsi annoncé le soutien de l’Etat aux initiatives « en matière de culture, d'histoire et de sciences » prises par la FIF « à hauteur de 10 millions d'euros ».

Parce qu'il faut favoriser « une meilleure compréhension de l'islam » en France, Emmanuel Macron a aussi annoncé la création d'« un institut scientifique d'islamologie » et « des postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur » afin de développer « des études islamiques de haut niveau à l'université ».

La revalorisation de l'enseignement de l'arabe est aussi importante. Si la fin des enseignements de langue et de culture d’origine (ELCO) est bien confirmée, il est une certitude : « Il nous faut davantage enseigner la langue arabe ». « Ne déléguons pas notre enseignement », a-t-il assuré. L'arabe, comme d'autres langues, est « la richesse même de nos enfants et de leur famille. Nous devons savoir dans notre République à la fois les reconnaître mais aussi les exalter, les faire vivre dans le cadre républicain, de manière extraordinairement décomplexée, simplement de manière encore conforme à nos principes, mais en reconnaissant notre richesse ».

Avec sa stratégie, Emmanuel Macron veut avant tout voir émerger un « réveil républicain » afin de lutter contre toute « aventure séparatiste » comme il l'avait qualifié dans son discours hommage aux 150 ans de la République..

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