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Points de vue

Bariza Khiari, une intuition soufie au cœur de la République

Rédigé par Abd el Hafid Benchouk | Mardi 21 Mai 2019 à 17:14

           

Un hommage à Bariza Khiari, présidente de l’Institut des cultures d’islam (ICI) et représentante personnelle du Président de la République au sein de l'Alliance pour la réhabilitation du patrimoine dans les zones de conflits (ALIPH), a été rendu, mercredi 15 mai, à l’Institut du monde arabe (IMA). Abd el-Hafid Benchouk, directeur de la Maison soufie et représentant de la voie soufie Naqshbandi en France, fut de ceux et celles qui ont participé à ce moment. Son hommage personnel.



Bariza Khiari, une intuition soufie au cœur de la République
« L’islam ne peut être tiré par le haut que par son cœur spirituel. » Bariza Khiari est une intuition soufie au cœur de la République. Pourquoi une intuition ? Parce qu’elle a compris très vite que la problématique dans le rapport qu’un être a avec sa foi est central et qu’elle dépendait entièrement des référents que l’on prenait dans l’exercice même de cette foi.

Si les exemples sont ténébreux ou tout simplement terre à terre, notre vision du monde en dépend. S’ils sont lumineux comme ceux que Bariza Khiari a su écouter avec son cœur comme l’ont fait Ibn Arabi, l’émir Abd El Kader, Cheikh Al Alawi ou, plus récemment, Cheikh Nazim et son propre maître spirituel Cheikh Hamza, alors leurs lumières non seulement l’éclaire mais la guide vers la noblesse, la générosité, le courage ou la grandeur d’âme.

« Ces maîtres ont toujours été pour le dépassement et l’ouverture à l’Autre et car ils sont à la fois "Le miroir de l’Un" et "Le miroir de l’Autre" », avait-elle déclaré à l’ouverture au Festival soufi de Paris en 2018. Elle a aussi affirmé lors d’un entretien au Quotidien d’Oran que « la spiritualité, c’est l’avenir de l’islam. Face à la barbarie, le soufisme, qui est le cœur battant de l’islam, est en effet une alternative parce que cela se fonde sur un véritable enseignement ».

« Celui qui ne remercie pas les gens ne remercie pas Allah »

Parler en bien de quelqu’un en sa présence est très délicat, surtout pour un soufi ! Ibn 'Ata Allah d'Alexandrie dit dans ses sagesses : « Les renonçants (ascètes), al-zahidun, lorsqu'ils sont loués, ont le cœur serré parce qu'ils constatent que cet éloge émane des créatures. Les connaissants, al-'arifun, lorsqu'ils sont loués, se réjouissent parce qu'ils voient que cet éloge leur vient du Roi-Réalité (Allah, al-Malik al-Haqq). »

L'imam Abu Hanifa a entendu un jour les gens le louer en disant de lui qu'il veillait toute la nuit (en prière et en invocations), mais il veillait en réalité que la moitié de la nuit. Ainsi, depuis ce jour, il a décidé de veiller la nuit entière.

Dans le soufisme et, de manière plus générale, en islam, faire l’éloge de quelqu’un en sa présence est déconseillé. Un chapitre entier du fameux recueil de hadiths Riyad as-Salihin s’intitule « La réprobation de louer en sa présence, celui pour qui on craint qu'il ne soit corrompu par un certain orgueil ». Mais un autre hadith authentifié rapporté par Abu Daoud dans ses Sunan (4811), dit : « Celui qui ne remercie pas les gens ne remercie pas Allah » (La yachkur Allah man la yachkur an-nas).

La formulation est capitale en commençant par : « Il ne remercie pas Dieu celui qui ne remercie pas les gens ». On sait pertinent l’importance du chukr (reconnaissance) en islam car il est mis en de nombreuses occurrences dans le Coran en opposition avec le kufr. N’importe quelle personne peut tomber dans le kufr quand il ou elle ne remercie pas la Présence Divine et cet état de kufr peut très bien toucher un musulman, ce qui permet de repenser la notion d’incroyance ou d’infidélité mais là n’est pas notre sujet.

Une vision mohammadienne du monde en agissant dans la cité

Conscient donc de tous ces écueils éventuels que constitue un hommage in vivo, s’il est permis de s’exprimer ainsi, ce ne sont pas des louanges que j’adresserais à Bariza Khiari mais des remerciements. La remercier de quoi ?

Tout d’abord, de sa simplicité, cette simplicité qui fait souvent défaut à des personnes dés qu’elles sont investies de quelques petites responsabilités.

De son écoute, car je l’ai vu dans nombre de réunions sollicitée par de nombreuses personnes, et elle a toujours essayé d’écouter les uns et les autres en essayant de ne briser aucun cœur.

Pour sa droiture, sa sensibilité ainsi que son sens de la parole, une des caractéristiques qui m’a le plus marqué chez Bariza Khiari. Il suffit qu’elle dise une fois quelque chose pour être sûr qu’elle accomplira sa promesse. Inutile de la rappeler, de lui répéter indéfiniment.

De son humilité, et cela constitue une des qualités principales qu’un soufi, qu’une cheminante sur la voie soufie doit chercher à acquérir, à développer et surtout à entretenir car on ne peut jamais dire comme une proclamation que « ça y est, je suis humble, une fois pour toutes ! » Non, l’humilité est un travail continuel, un exercice permanent auquel l’âme doit s’astreindre comme si elle était constamment frottée sur la pierre de touche du bijoutier qui veut s’assurer que le métal qu’il a dans les mains est bien de l’or…

C’est de son humilité qu’elle tire sa force, la force de son combat contre les injustices, contre les inégalités mais aussi de son humilité qu’elle tire sa verticalité. Car plus nous avons une conscience aiguë de notre petitesse, plus le champ vers l’immensité divine peut s’ouvrir !

Pour son courage, car elle est la seule femme politique à affirmer son appartenance à l’islam sans sourcilier,. Nous avons tous en mémoire la phrase affirmant « Je suis farouchement républicaine et sereinement musulmane » et nous avons là ce que l’on appelle dans le soufisme une expression conjointe du jalal et du jamal qui, lorsque qu’ils se trouvent réunis manifestes le kamal. Ceci pour dire que le courage lié à l’humilité permet d’exprimer une vérité avec à la fois force et douceur. C’est son engagement au cœur de la spiritualité, à travers le soufisme, qui lui permette d’être à la recherche permanente de cet équilibre qui fait que l’être conscient d’être fragile puise sa force dans la grandeur et la profondeur de la sagesse universelle.

Elle a aussi hérité d’une vision mohammadienne du monde en agissant dans la cité. « La véritable spiritualité s’incarne dans les actes citoyens de chaque jour », disait-elle en 2018, faisant écho ainsi au Prophète de l’islam disant : « La foi est quelque chose qui advient dans le cœur et qui est rendu manifeste par les actes » ou « Œuvrer en ce monde comme si vous alliez y vivre éternellement et pour l’Autre Monde comme si vous alliez mourir demain ».






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