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Points de vue

Un processus mouvementé

Rédigé par Tougrhani Naïma | Lundi 14 Avril 2003 à 00:00

           

Les relations entre la France et l´Islam ne sauraient se limiter à un catalogue de dates. Pour la France les liens avec les populations musulmanes ont évolué de l'époque des colonies à celui de l'immigration économique de l'Après-guerre. C'est toujours dans un rapport de dominant à dominé que ces relations se sont développées. Depuis quelques années émergent des musulmans se considérant comme pleinement français. C'est donc avec des citoyens français de confession musulmane que le gouvernement est supposé converser depuis la fin des années 1980. Un bref retour en arrière peut nous éclairer sur les étapes qui ont mené à cet lslam institutionnalisé



Les relations entre la France et l´Islam ne sauraient se limiter à un catalogue de dates. Pour la France les liens avec les populations musulmanes ont évolué de l'époque des colonies à celui de l'immigration économique de l'Après-guerre. C'est toujours dans un rapport de dominant à dominé que ces relations se sont développées. Depuis quelques années émergent des musulmans se considérant comme pleinement français. C'est donc avec des citoyens français de confession musulmane que le gouvernement est supposé converser depuis la fin des années 1980. Un bref retour en arrière peut nous éclairer sur les étapes qui ont mené à cet lslam institutionnalisé


Un long processus

Le 29 octobre 1999 s´officialisaient une nouvelle fois les relations entre l´Islam et la République. Le ministre de l´Intérieur de l´époque, M. Jean-Pierre Chevènement, reprend le flambeau de son prédécesseur M. Pierre Joxe qui avait initié les premiers contacts en ce qui concerne la représentation des musulmans au niveau national. En ces temps-là, l´initiative avait été largement saluée et jugée courageuse. Les citoyens musulmans allaient enfin trouver un écho de reconnaissance au sein de l´Etat. Une instance représentative où chaque composante de l´Islam de France allait avoir son mot à dire. Rompant avec les habitudes de ses prédécesseurs qui choisissaient les représentants du culte comme ils le désiraient, M. Chevènement fait circuler un premier accord, une charte pour ceux qui veulent être représentés. Les « Principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman de France » sont les premiers contacts clairs avec les associations musulmanes. Dans ce texte sont rappelées les obligations d´observer les cadres juridique, républicain et laïque, ce qui n’a pas manqué de choquer un certain nombre de musulman, en particulier la mosquée Addawa et les associations de jeunes musulmans. Vinrent ensuite les enquêtes de terrain : nombres de mosquées, de salles de prière, statistiques du nombre de fidèles, recherche des personnalités associatives... puis, les savants calculs affectant un nombre de délégués proportionnellement à la superficie en mètres ca. Le 3 juillet 2001,  sous l´égide de Daniel Vaillant, les nombres de délégués sont fixés par « l´Accord-cadre sur l'organisation future du culte musulman en France » qui met en avant, dès le premier article, le principe de « démarche transparente et démocratique ». Ce même accord-cadre mènera à la création des CO.RE.L.EC (Comités Régionaux pour les Élections) chargés d´organiser les élections et d´en rendre compte à la COMOR (Commission d´organisation).

Ces élections régionales devaient, à l´origine, avoir lieu le 27 avril 2002 (entre les deux tours de ces mémorables présidentielles)...elles sont reportées pour après les élections, au 23 juin 2002 à la demande de la mosquée de Paris. Ces mêmes élections sont reportées sans définition de date pour des raisons d´organisation mais la cause réelle en est le ministre de l´Intérieur actuel, M. Sarkozy, qui a redéfini les plans d´action et n´a pas jugé possible « d´envisager la poursuite du processus dans sa configuration » celle qui avait été définie par M. Chevènement. Qu´à cela ne tienne, une amélioration et une réactualisation sont obligatoires pour ce genre de conseil, mais comment peut-on dire que le conseil des musulmans doit être instauré sur une base électorale « démocratique, au moins pour une part » ? Les musulmans disposent-ils d´un accès restreint aux pratiques démocratiques dans un pays démocratique ?  Après plusieurs réunions de travail (la plus marquante ayant été celle des 19 et 20 décembre 2002 au château de Nainville-les-Roche), les représentants ne se décident toujours pas sur une date précise pour les élections, même si le ministre de l´Intérieur les presse et les invite à se constituer rapidement en assemblée début avril 2003. L´efficacité et l´entente ne sont pas de mise chez les membres convoqués : aucune date définie, pas d´avancée spectaculaire, malgré les ordres impératifs du ministre de l´Intérieur.


De « l´Islam des caves » au 11 septembre : l´urgence


Mais plusieurs problèmes demeurent : dissensions entre les partis, démission de la seule femme présente jusque là dans les comités madame Bétoule Fekkar-Lambiotte le mercredi 5 février 2003, anti-islamisme grandissant depuis les attentats outre-Atlantique du 11 septembre, exacerbation des tensions importées du conflit israélo-palestinien, méconnaissance de la religion musulmane...et toujours aucune instance symbolisant les musulmans français.
Après les expressions du type « l´Islam des banlieues, c´est l´Islam des excités » et « l´Islam des caves », il appartient aux musulmans eux-mêmes de mettre en place ce dispositif qui se révèle plus qu´urgent, surtout dans un contexte international qui risque de contaminer encore plus les esprits et de mettre à mal une religion qui ne fait que subir des allégations et des amalgames.

L´organisation des élections : un système démocratique en question


Pour vouloir unifier l'Islam de France, les pratiques démocratiques ne semblent pas être adéquates. En effet, le conseil français du culte musulman est composé de 65% et de 35% de cooptés alors que la logique relative au 'pouvoir du peuple' impose 100% d'élus. Parmi les élus : la Grande Mosquée de Paris, l'U.O.I.F (Union des Organisations Islamiques de France), le Jama'at Tabligh,  Comité de coordination des musulmans turcs de France, la Fédération française des associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles, la Fédération nationale des musulmans de France, les représentants des grandes mosquées de France Mantes la Jolie, Lyon, Marseille, Evry, Saint Denis de la Réunion et des personnalités intellectuelles et associatives : ceux-ci sont membres ipso facto puisqu'ils ont été choisis par le ministre de l'Intérieur.

Ce mode de sélection a provoqué une levée de boucliers et a suscité de nombreuses critiques chez les puritains de la démocratie. Pour le seul exemple, la Mosquée de Paris, interlocuteur privilégié de l'État depuis des décennies, a la part belle au C.F.C.M alors que les musulmans ne l'ont pas choisie par expression de leur opinion. Cette pratique laisse vraisemblablement transparaître que l'on cherche des interlocuteurs affables, conciliants. Cependant, l'Histoire démontre que seuls les vrais interlocuteurs dynamiques et ayant des assises au sein de la société française musulmane ont une influence sur l'Etat. La présidence de Dalil Boubakeur a suscité bien des critiques et fut néanmoins maintenue .Il semblerait que la porte de la démocratie se soit tout juste entr'ouverte puisqu'on restreint le nombre d'élus à 35% au lieu de 100%.
Un retour vers  une représentativité basée sur un mode plus démocratique est promis dans  le cadre des élections régionales prévues dans deux ans ,les plus optimistes prennent acte les autres dénoncent déjà un 'leur'.





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