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Points de vue

Srebrenica : « Entendez-vous ces cris, ces cris de haine ? »

Rédigé par Samia Hathroubi | Samedi 11 Juillet 2015 à 10:00

           


Le 11 juillet 1995, Srebrenica tombe aux mains de l’armée serbe, qui perpétue en quelques jours le plus grand massacre que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 8 000 personnes sont capturées et tuées. Cette photo est tirée du film « Les voix de Srebrenica », réalisé par Nedim Loncarevic et diffusé par la télévision bosniaque à l’occasion du 20e anniversaire du massacre de Srebrenica (Bosnie). (Photo : © 13 Productions / France 3)
Le 11 juillet 1995, Srebrenica tombe aux mains de l’armée serbe, qui perpétue en quelques jours le plus grand massacre que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 8 000 personnes sont capturées et tuées. Cette photo est tirée du film « Les voix de Srebrenica », réalisé par Nedim Loncarevic et diffusé par la télévision bosniaque à l’occasion du 20e anniversaire du massacre de Srebrenica (Bosnie). (Photo : © 13 Productions / France 3)

« Entendez vous ces cris, ces cris de haine
Venant d'un pays massacré et torturé, privé de ses droits (...)
Oohh cris de Bosnie, Oohh cris de Bosnie, Oohh
cris de Bosnie
C'est l'histoire d'un peuple massacré. »

À peine âgée de dix ans, j'écoutais cette chanson, moi, la jeune Lyonnaise musulmane. Je me souviens avec force que mes sœurs et moi-même connaissions les paroles par cœur. J'étais la cadette et ne maîtrisais pas forcément les enjeux politiques et géographiques de l'Europe post-communiste et pourtant j'avais conscience que l'horreur était là.

Aussi surprenant que cela puisse paraître ces paroles sont restées gravées dans ma mémoire.

Ce n'est que ces dernières années en voyageant dans les Balkans et en rencontrant le charismatique mufti de Bosnie, Mustafa Ceric, très engagé dans le monde musulman et apôtre des relations interreligieuses et interculturelles que j'ai compris et mesuré l'horreur. Cette horreur que j'avais vue à Auschwitz avec ma classe de Seine-Saint-Denis et en Ukraine, à Babi Yar, accompagnée de musulmans et juifs venus d'Europe et d'Amérique du Nord pour se souvenir et dire plus jamais ça.

Ce samedi 11 juillet 2015 marquera la 20e commémoration du génocide de Srebrenica des musulmans bosniaques perpétrés par les forces serbes.

50 ans après la découverte des camps et alors que le monde avait dit en chœur « plus jamais ça », alors que les guerres aux Balkans, poussées par des nationalismes exacerbes, étaient à leur paroxysme, que le monde post-communiste s'écroulait, les États européens ont regardé ailleurs pendant que plus de 8 000 hommes et jeunes garçons étaient exterminés et les femmes violées.

Aujourd'hui malgré les refus serbe et russe, de reconnaître ce génocide, il n'en demeure pas moins que les forces serbes ont commis une extermination physique intentionnelle et programmée de la population bosniaque musulmane.

Alors, 20 ans plus tard, l'Europe dira à Srebrenica « Plus Jamais ça » en commémorant la mémoire de ces hommes et de ces enfants et panser les plaies des vivants.

Et au-delà des slogans, qu'apprendre de Srebrenica ?

L'Histoire des Balkans vient rappeler à l'Europe et notamment aux idéologues racistes aux groupes d'extrême-droite de Pegida que l'islam et les communautés musulmanes sont et font partie intégrante du continent et de son Histoire.

Malgré les blessures et plaies entre les différentes ethnies et religions des Balkans, de Bosnie au Kosovo, en passant par la Macédoine, il n'en demeure pas moins que cette partie du monde peut offrir des exemples fascinants de résilience et d'efforts au quotidien et de programmes pour faire vivre cette mosaïque qui sera notamment mise en lumière par le Professeur de l'American University de Washington et Cambridge, Akbar Ahmed, dans son opus et documentaire à paraître « A Journey into Islam in Europe ».

Le génocide de Srebrenica, c'est enfin un message d'avertissement que la haine, l'« essentialisation » et la construction de l'Autre comme un ennemi irréductible mènent toujours vers l'horreur et que les slogans ne peuvent pas grand-chose face à la mort.

À l'heure où certains tendent à minimiser le racisme et ses méfaits, Srebrenica nous fait entendre « ses cris de haine ».

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Samia Hathroubi, professeure d'Histoire, est engagée en Europe dans le domaine de l'interreligieux et celui des questions liées aux minorités religieuses.





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