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Monde

Ouïghours : la Grande Mosquée de Paris épinglée pour des rencontres avec l'ambassade de Chine

Rédigé par | Vendredi 16 Juillet 2021 à 11:00

           

Depuis ses récents rapprochements assumés avec l'ambassade de Chine, la Grande Mosquée de Paris est la cible de nombreuses critiques des défenseurs des droits des Ouïghours, obligeant son recteur à fournir des explications. Mais ces dernières n'ont pas convaincu les activistes.



Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, aux côtés de Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, lors d’une rencontre en juin 2021. © DR
Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, aux côtés de Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, lors d’une rencontre en juin 2021. © DR
Les échanges récents entre Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, et le représentant de la Chine en France ont provoqué, en cette période estivale, l'indignation de militants œuvrant pour la cause des Ouïghours.

Le recteur de la GMP a participé le 9 juillet à une visioconférence intitulée « Le Xinjiang est une terre merveilleuse », un événement tenu avec succès selon l’ambassade de Chine en France. De nombreuses personnalités ont été invitées dont Chems-Eddine Hafiz, informait sur son compte Twitter le journaliste Zhulin Zhang samedi 10 juillet. Lors de cette conférence, l’ambassadeur chinois, Lu Shaye, a vanté les mérites d’un territoire « où règne la stabilité sociale, la prospérité économique et où différents groupes ethniques vivent et travaillent dans la paix et le bonheur ».

A cette occasion, il a nié en bloc, une fois de plus, les accusations faites à l'encontre de la Chine quant au terrible sort réservé aux Ouïghours. « La vérité ne doit pas être entachée, le public ne doit pas être abusé. Un mensonge, même répété mille fois, ne deviendra pas vérité. Les mensonges et les rumeurs sur le Xinjiang, concoctées par les quelques forces antichinoises, ont non seulement été dénoncées et démenties à maintes reprises par la partie chinoise mais aussi réfutées et infirmées par un nombre croissant de chercheurs et d’institutions inter-occidentaux », a-t-il affirmé. « Face à la réalité d’un Xinjiang stable et prospère, tous les mensonges et rumeurs voleront en éclat. »

Cette conférence faisait suite à une rencontre - relativement passée inaperçue - organisée en juin entre les deux parties. La Grande Mosquée de Paris a partagé, lundi 7 juin, sur les réseaux sociaux les images d’une rencontre entre le recteur et l’ambassadeur de Chine en France. L'instance expliquait alors dans sa publication que cette prise de contact directe devait lui permettre de « s’enquérir » de « la situation des Ouïghours », et annonçait l'organisation de prochains rendez-vous « pour appréhender la situation actuelle de cette minorité musulmane ».

La participation du représentant de la GMP à la vidéoconférence n’a pas manqué d’interroger les défenseurs des droits des Ouïghours. La chercheuse et présidente de l’Institut Ouïghour d’Europe, Dilnur Reyhan, a enjoint le recteur de s'expliquer, et a appelé tous les musulmans de France à réclamer, eux aussi, des réponses. « Son soutien au CCP sera utilisé pour justifier les crimes et casser l'espoir des Ouïghours », a-t-elle conclu.

Comment la GMP s'explique ?

Son appel a été entendu. Face à la controverse suscitée par sa participation à une opération de propagande pour les opposants à la Chine, la Grande Mosquée de Paris a choisi de réagir dans un communiqué mardi 13 juillet.

Ainsi, l'instance affirme que son représentant a rencontré l'ambassadeur « pour demander des explications à propos des informations faisant état d’une répression contre le peuple ouighour. Lors de cet entretien, l’ambassadeur de la République populaire de Chine lui a remis des livres blancs contestant ces informations ». Dans la continuité de cette rencontre, le recteur a accepté de prendre part à la webconférence polémique, une participation sur laquelle l'instance est revenue plus en détails.

« Lors de son intervention, le recteur a d’abord tenu à souligner l’histoire millénaire partagée entre l’islam et la Chine avant de transmettre les sérieuses préoccupations des musulmans de France quant au sort des Ouighours, invitant les autorités chinoises à "comprendre leur angoisse et leur mobilisation à l’idée d’une intolérance qui frappait des innocents" et à y répondre par des éléments concrets. Les autorités chinoises présentes ont apporté leurs éléments de réponse que la Grande Mosquée de Paris étudie, en vue de la poursuite de ses échanges avec l’ambassade de la République populaire de Chine en France, ceci dans l’intérêt exclusif des musulmans de France, et de la vérité », a-t-il déclaré.

Un appel à rencontrer « les victimes et non pas les bourreaux »

Des explications qui ne convainquent pas Dilnur Reyhan qui, en réponse au communiqué produit « sous la pression des internautes », a invité Chems-Eddine Hafiz à rencontrer « les victimes et non pas les bourreaux ». « Vous avez toutes les preuves, mais vous avez préféré écouter les représentants de l'État génocidaire qui construit des camps de concentration pour vos coréligionnaires », s'est-elle offusquée.

Pour appuyer son indignation, l'activiste a partagé sur ses réseaux sociaux le message d'une survivante d'un des camps installés dans le Xinjiang. « Vous avez participé au négationnisme qui nie toute la souffrance que nous avons vécue moi et des millions de Ouïghours », déplore-t-elle dans cette vidéo, avant de demander une rencontre avec le recteur afin de se faire le porte-voix de plusieurs femmes membres de sa communauté. « Elles m’avaient supplié de vous raconter ce que nous avons vécu dans ces camps aux musulmans qui vivent dans le monde libre. Il est de mon devoir devant Allah de vous rencontrer et de vous confier leurs paroles. J’attends votre réponse. »






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