Connectez-vous S'inscrire

Psycho

Nosra : « Je vis seule avec ma mère qui s'est fortement isolée »

Rédigé par Lalla Chams En Nour | Mercredi 20 Novembre 2019 à 13:00

           


Nosra : «  Je vis seule avec ma mère qui s'est fortement isolée »
J’ai longtemps hésité à parler de ça, mais j’ai aujourd’hui réellement besoin d’un avis extérieur.

Je suis étudiante de confession musulmane, je vis seule avec ma mère. Après le divorce de mes parents, alors que j’avais deux ans, une garde partagée a été mise en place, où il était convenu que je vive avec ma mère et que je voie aussi souvent que possible mon père. Tout se déroulait correctement jusqu’à mes 6-7 ans où, petit à petit, mon père s’est détaché de moi. Puis, du jour au lendemain, plus aucune nouvelle, plus rien. Il m’a laissée seule avec ma mère, sans aucune aide financière, comme s'il était mort.

Ma mère, qui est une femme courageuse malgré tout, est très anxieuse et isolée, le contact avec l’extérieur l’effraie. Elle a constamment peur pour moi. Durant mon enfance, j’étais souvent avec mes grands-parents, car ma mère était très proche de sa mère mais, en grandissant, je me suis éloignée, j’avais besoin de me détacher de ce cercle restreint qui m’étouffait.

Je me suis donc fait des amies dans mon milieu de confession musulmane, et je me suis rapprochée de la religion. Mais des questions me venaient en tête. Pourquoi suis-je seule ? Pourquoi n’ai-je pas une grande famille avec mon père, et plein de frères et sœurs ? Pourquoi suis-je différente ? Pourquoi ne vais-je pas en vacances ? Pourquoi sont-ils plus heureux que moi ? Je me suis rendue compte que ma vie n’était pas normale, que mon enfance était gâchée, que personne n’était réellement sain dans cette famille. Je pense que tout le monde avait sa part de toxicité.

Mes grands-parents sont décédés, et ma mère s’est de plus en plus isolée. Elle a constamment peur de l’extérieur. J’ai tout essayé pour l’aider, mais en vain. J’aimerais tellement faire des choses avec elle, mais je crois qu’on est trop différentes. J’ai l’impression que tout l’agace, et elle ne veut pas me comprendre. Elle ne veut pas partir en vacances, et toute sortie inhabituelle est un exploit pour elle.

Je ne sais pas quoi faire et j’aimerais avoir une personne d’expérience qui me conseille. Le monde est beaucoup plus sombre que je ne le pensais et je n’ai personne pour m’épauler. J’ai cherché ce réconfort chez des amies pendant de longues années mais j’ai l’impression de m’enfoncer. Je me sens souvent très seule, je crois que tout déteint sur ma personnalité, je pense et réfléchis beaucoup trop, et j’ai tendance à être anxieuse et à attendre beaucoup trop de la personne en face de moi. Un rien me heurte, je me sens vraiment nulle pour le coup et, seule, j’ai l’impression que ma vie n’avancera jamais, et j’ai constamment peur d’être abandonnée.

J’ai vraiment beaucoup trop de choses à dire mais ça serait trop long. Je ne sais pas quelle attitude adopter face au monde, à ma mère et même à mon père. Devrais-je le recontacter ? Je suis perdue, j’espère vraiment avoir une réponse de votre part, ça m’aiderait beaucoup. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de lire.

Lalla Chams En Nour, psychanalyste

Chère Nosra,

Vous avez eu le courage d’écrire et c’est déjà beaucoup car, à vous lire, on peut constater combien une grande part de vous veut trouver la joie, l’équilibre, la liberté d’évoluer dans le monde et combien, par exemple, l’abandon d’un père peut avoir de conséquences sur la construction de la personnalité.

Le rôle symbolique du père est multiple : il transmet la Loi, le sens de l’éthique, du respect de soi et de l’autre. Il soutient femme et enfants pour leur permettre de sortir du risque de fusion que constitue toute relation duelle mère/enfant. Il a pour autre rôle de permettre la séparation, en limitant la toute-puissance théorique de la mère. Cela permet à l’enfant de se structurer, de faire confiance à la vie, d’avoir les armes pour affronter les règles de la société.

D’ailleurs, ce que vous dites sur les peurs pathologiques de votre maman pourrait faire penser qu’elle-même n’a pas eu un père structurant qui lui permette d’affronter l’extérieur.

Le problème, c’est que vous êtes restée « coincée » dans cette fusion et que les limites imposées par votre mère ont pu vous empêcher d’oser vous lancer dans la vie, sûre de vos bases. Il vous serait vraiment très utile de rencontrer un psychologue ou un psychanalyste pour travailler sur les conséquences de cette éducation étouffante. Vous avez besoin d’être écoutée, accompagnée, orientée pour trouver votre voie. Vous ne pourrez pas le faire seule, la présence d’un tiers est indispensable. Il existe de plus en plus de confrères et consœurs de votre religion capable de vous accompagner.

La rubrique « Psycho », qu’est-ce que c’est ?

Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
Alors, n’hésitez pas, interrogez-les, ils tenteront de vous répondre en s’éclairant des plus belles pensées de l’islam.
Contactez-les (anonymat préservé) : psycho@saphirnews.com




SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !