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Points de vue

Nicolas Sarkozy, ses chèvres de droite et ses choux de mosquées

Rédigé par Amara Bamba | Mercredi 21 Décembre 2005 à 00:21

           

Ministre de l'Intérieur en exercice, chef d'un grand parti au pouvoir, candidat déclaré non confirmé aux élections présidentielles, M. Sarkozy fait dans le mélange des genres. Si de temps en temps il est ministre de l'Intérieur, si souvent il est chef de l'UMP, M. Sarkozy est toujours en campagne électorale. D'où son besoin de ménager ses chèvres de droite qui font près de 20% de l'électorat national et ses choux de mosquées qui constituent un réservoir électoral d'avenir.



Les trois Choux de fédérations musulmanes


En décembre 2002, Sarkozy réunit des musulmans de France, sans distinction de tendances. Il les enferme au château de Nainville-les-roches, puis se met hurler : « poussssezz! Pousssseez! ». Le bébé qui voit le jour est baptisé CFCM. Certains l'ont attribué à Sarkozy. Mais, c'est oublier le travail de fonctionnaires de l'Etat qui, sans distinction des ministres successifs, ont suivi un dossier délicat avec persistance et dévouement. Sarkozy arrive à point pour profiter des efforts de ses prédécesseurs. Mais, c'est chose faite: le culte musulman est désormais représenté auprès de l'Etat français. Le Ministre fixe un trophée de plus à son tableau de chasse. Et contre les salves islamophobes il a ménagé ses Choux de l'UOIF, ceux de la FNMF et ceux de la Grande mosquée de Paris.

A la tête du CFCM, la Grande mosquée de Paris peut désormais afficher son prestige légitime qui est de plus en plus contesté. L'UOIF, de son côté, a gagné en visibilité en échappant à l'image de « ghetto intégriste » où une certaine presse avait plaisir à l'enfermer. Quant à la FNMF, « coquille vide » par excellence pendant de longues années, elle a trouvé le moyen de se remplir, un peu comme par magie et s'avère même aujourd'hui efficace.

Pour soigner ses Choux de mosquées, M. Sarkozy est allé plus loin. Quand le président Chirac et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin veulent voter la loi antifoulard. Sarkozy dit « non à la loi ». Chirac, Raffarin et Stasi prennent les coups. Personne ne touche à Sarko. Mais il est le ministre aux commandes, quand on vote la loi islamophobe. Il recueille la sympathie de ses Chèvres. Celles de droite, un peu plus loin à droite.

Pour conforter cette sympathie ovine, Nicolas Sarkozy se rend en Egypte auprès du Cheikh Tantaoui à qui il pose une « question de professeur d'école ». Les professeurs d'écoles posent toujours des questions dont ils connaissent déjà les réponses. Tantaoui reçut Sarkozy comme il se doit, avec un beau paquet cadeau contenant une fatwa sur mesure : si les dirigeants français « décident d'adopter des lois opposées au port du voile, c'est leur droit le plus absolu ». Au moins c'est dit, c'est clair et précis. En une fatwa sur commande depuis sa mosquée d'Egypte, Tantaoui a islamisé l'islamophobie institutionnelle française. A droite de M. Sakorzy, on sourit. On rie même aux éclats. Le ministre a gagné sa partie. Il a soigné ses Choux, il a satisfait ses Chèvres. Il est un grand professionnel.
Pour comprendre les dessous de cette histoire égyptienne, il convient de préciser que les fatwa de Cheikh Tantaoui sont des sujets de plaisanterie dans les milieux intelligents d'Egypte. Recteur de la trop gouvernementale université d'Al-Azhar, la crédibilité du Cheikh est faible même si nul ne conteste sa science. Le musulman qui connaît la relation entre les savants et le pouvoir s'interroge: quelle est la valeur spirituelle d'une fatwa édictée sur commande gouvernementale ?

Un petit cadeau pour Chèvres de droite


Lorsque les quartiers populaires réagissent avec violence à « la racaille » de Nicolas Sarkozy, et que le Premier ministre Villepin admire les flammes en se frottant les mains, l'air de dire « bien fait pour sa tronche », c'est une fatwa, oui une fatwa en bonne et due forme, qui vole au secours de M. Sarkozy. Le mot qui accompagne ce cadeau est signé de l'UOIF. Un retour d'ascenseur pour services rendus. Certains parlent d'une « fatwa sur commande » Dieu seul sait. Mais il ne fait de doute qu'il s'agit d'une fatwa-Merci-Monsieur-le-Ministre. Mais où sont-ils passés, les intellectuels de l'UOIF ? Comment ont-ils pu laisser faire une chose pareille ? Nous n'avons pas encore pu le savoir...

Une fois les Choux dans la poche, Sarkozy doit ménager les Chèvres. Celles qui sont à droite, et qui sont plutôt à l'extrême. Le mercredi 9 novembre, à propos des jeunes en révolte arrêtés et en jugement, Nicolas Sarkozy annonce « j'ai demandé aux préfets que les étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière, qui ont fait l'objet d'une condamnation, soient expulsés sans délai de notre territoire ». A ce moment-là l'on estime à 120 le nombre de personnes concernées.
« Hourra! » à droite, tout à extrême de la droite! Jets de chapeaux et danse cheyenne. En un geste, M. Sarkozy combine « double-peine » et « expulsion de groupe ». Les défenseurs des droits de l'Homme en perdent leur latin. L'effet d'annonce passé, le cabinet du ministre tentera d'arrondir les angles d'une décision qui manque de discernement. Mais le clin d'oeil aux 20 % est clair. « Etrangers » et « expulsion » sont deux mots qu'il faut pouvoir insérer dans tout message à l'extrême droite française. Au moins c'est fait quand il le faut, c'est dit là où il le faut. C'est placé comme il le faut. Le message est passé avec la pureté d'un professionnel.

Mais souvenons-nous, en avril 2003, le même Nicolas Sarkozy, déjà ministre de l'Intérieur était ovationné par les mêmes défenseurs des droits de l'Homme totalement pris au dépourvu. La double peine est « discriminatoire et injuste » disait alors M. Sarkozy. « Punir une famille ce n'est pas juste » ajoutait-il pour s'opposer à l'expulsion collective. En 2003 les défenseurs des droits étaient des Choux et il fallait les bichonner, les baisoter. Mais cette année, en 2005, ils ne sont passé côté Chèvres. Il faut juste le savoir et ne pas s'offusquer. Par là passe le chemin vers les sommets de l'Etat.

Finkielkraut une nouvelle star à droite


Avant-hier sur Aljazeera, M. Sarkozy n'a pas ménagé ses Chèvres de droite. Normal, il n'y a que des Choux de mosquées qui regardent Aljazeera. Souvenons-nous, début novembre, M. Sarkozy laissait entendre que les violences dans les quartiers n'avaient « rien de spontané » et qu'elles étaient « parfaitement organisées ». Prudent, il ajoutait: « nous sommes en train de chercher par qui et comment ». A l'époque, une grenade lacrymogène avait enfumé une mosquée un soir de ramadan. Le Président du CFCM, une main sur le coeur l'autre ouverte vers le ciel, appelait au calme en suivant du regard la fatwa providentielle tomber du ciel avec ses parachutes ouverts. Le décor idéal pour voir surgir une fantasmée « main islamiste » comme une cerise sur ce gâteau de clichés. L'effet de mise en scène n'a pas manqué.

C'est donc naturellement qu'Alain Finkielkraut affirme que «...la plupart des ces jeunes sont des Noirs ou des Arabes avec une identité musulmane ». Des propos de philosophie de comptoir de café, après une partie de Lever de coudes: « chin-chin, et un dernier verre pour la route! » Mais avec ses propos racistes, M Finkielkraut a gagné la sympathie des sites islamophobes et antisémites. Il est devenu leur nouvelle star (malgré lui ?).
Puisque les hommes politiques gagnent à s'associer les images des stars, la nouvelle image de Finkielkraut va bien à Nicolas Sarkozy. Et pour en profiter, Sarkozy affirme que « M. Finkielkraut est un intellectuel qui fait honneur à l'intelligence française et s'il y a tant de personnes qui le critiquent, c'est peut-être parce qu'il dit des choses justes. » Non, M. Sarkozy, on peut voir les choses autrement et dire que si tant de personnes critiquent M. Finkielkraut, c'est peut-être parce qu'il dit des choses idiotes. Et les gens n'aiment pas qu'on leur raconte des choses idiotes. Car, M. Finkielkraut dit des choses très intéressantes sur cent mille sujets. Mais il a déjà dit cent mille bêtises sur deux sujets : la question palestinienne et l'Islam. Ainsi, avant-hier, sur Aljazeera, M. Sarkozy racontait que « l'islam n'a rien à voir » dans la révolte urbaine. M. Finkielkraut disait tout le contraire.

Que ne ferait un candidat à la présidence pour ménager la chèvre et le chou? C'est pourquoi on ne peut s'arrêter à la Chèvre de droite et au Chou de mosquées. Car il est possible qu'il ne s'agisse ni de Chèvres ni de Choux, mais simplement de victimes. Mais ça, seul le temps nous le dira.





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