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Points de vue

Lettre à M.SARKOZY

Rédigé par Cec, cife, asj, association es Ufcn, | Vendredi 13 Février 2004 à 00:00

           

Monsieur le Ministre,
Après plusieurs mois de travail médiatique intensif, que nous n’avons cessé de déplorer et de dénoncer, visant à accréditer la thèse fort malheureusement répandue selon laquelle l’Islam et les musulmans de France constitueraient une menace pour la société Française, nous assistonsaujourd’hui à une banalisation des actes islamophobes et racistes dans l'indifférence quasi-générale des politiques et d'une bonne partie de la société civile.



 

A l’attention de Monsieur SARKOZY Nicolas

Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure

et des Libertés Locales

Place Beauvau - 75800 PARIS

ASJ - Au service des jeunes

CIFE - Collectif Interculturel des Femmes de l'Essonne

CEC – Collectif pour l’Egalité et la Citoyenneté

UFCN - Union Française pour la Cohésion Nationale

Association Espoir

 Réunis en Collectif

 

Evry, le 10 février 2004

 

                    Monsieur le Ministre,

 


Après plusieurs mois de travail médiatique intensif, que nous n’avons cessé de déplorer et de dénoncer, visant à accréditer la thèse fort malheureusement répandue selon laquelle l’Islam et les musulmans de France constitueraient une menace pour la société Française, nous assistons aujourd’hui à une banalisation des actes islamophobes et racistes dans l'indifférence quasi-générale des politiques et d'une bonne partie de la société civile.

 

A travers ce traitement où se mêlent la caricature et l’amalgame, ce sont principalement les citoyens français et les résidants de culture et de religion musulmane qui sont visés. En effet, le projet de loi discuté actuellement à l’Assemblée Nationale ne leurre personne, il est construit sur mesure pour empêcher les citoyens musulmans de vivre leur conviction religieuse en restreignant leurs libertés individuelles.

De nombreuses dérives se sont déjà opérées sur le territoire français. Des insultes, le refus d'accès à certaines banques, de marier des femmes voilées par certains maires, l'expulsion des comités de parents d'élèves et bien d'autres discriminations sont le lot quotidien des femmes françaises de confession musulmane ayant fait le choix de porter le foulard, abusivement qualifié d’islamique.

Au travers de ces exemples nous avons eu la confirmation de l'inquiétude qui s'installe et du sentiment que l'Islam et la pratique religieuse musulmane sont visés. Il est tout aussi grave de constater que les médias se font le relais de cette atmosphère d'islamophobie qui atteint toutes les sphères de la société. Déclarations politiques calomnieuses et incitatrices à la haine touchant les musulmans, publications d’articles ouvertement islamophobes parus dans la presse écrite par les journaux les plus visibles, émissions télévisées abritant les propos les plus insultants vis-à-vis de l'islam : autant d’actes graves et inquiétants qui touchent aujourd’hui les musulmans de France et doivent être condamnés.

Nous craignons pour notre part que l’exclusion sociale et économique des femmes ayant choisi de porter le foulard n'encourage le repli communautaire et alimente les extrémismes de tout bord, ce que nous redoutons tous, tant les penseurs et acteurs de la discrimination sont, hélas, nombreux dans notre pays à semer le poison de la discorde.

Vous n’êtes sûrement pas sans savoir qu’à Evry un médecin généraliste sème à l’heure actuelle le trouble dans le quartier sensible des Pyramides. Cette praticienne a choisi d'interdire son cabinet aux femmes voilées. Dans sa salle d’attente, elle a placardé une ordonnance sur laquelle elle explique en quelques lignes être « très choquée par le nombre de femmes voilées aux Pyramides », surtout par celles qui avaient  jusqu'à présent « le visage découvert ». Outre le caractère scandaleux, discriminatoire et raciste de cette mesure, dont l’auteur devra tôt ou tard répondre devant la justice, il nous semble opportun de rappeler à nos représentants et députés de la majorité gouvernementale, à l’heure où celle-ci vote dans une très large mesure le projet de loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école, que le foulard est intimement lié à la spiritualité, que c'est une prescription religieuse reconnue par toutes les écoles juridiques musulmanes, et que c'est un choix vestimentaire qui relève d'une décision libre et personnelle de chacune. Cette démarche est donc sincère et ne représente aucun défi ni à la Laïcité ni à la République.

En aucun cas, le foulard ne doit être comparé à des attitudes ou des pratiques de domination sur la femme, que nous sommes les premiers à condamner. Ce serait injuste et inexact puisque des femmes ont clairement affirmé leur vision du foulard comme émancipateur. Et ces femmes doivent être entendues au même titre que celles qui ne désirent pas le porter.

La loi de 1905 ne reconnaît aucun culte en particulier mais exige de l'Etat le respect de tous les cultes et la garantie de la libre expression religieuse.

Or vous voyez bien que le projet de loi, bien que n’étant pas encore en application, a déjà des répercussions très graves à l'échelle locale. Qu’en sera-t-il alors lorsque celle-ci entrera en vigueur ?

Nous pensons que les acteurs politiques devraient prendre en compte la réalité d'un climat islamophobe qui se répand en France, prendre leurs responsabilités et dénoncer tous les racismes, quels qu'ils soient, avec plus de fermeté.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous pensons qu’il est du devoir de chaque citoyen, dans sa dimension familiale, relationnelle et professionnelle, d’oeuvrer au tissage des liens concourrant à la cohésion nationale, et parce que nous ne pouvons supporter plus encore le traitement infligé au sein de la République Française qui est un Etat de droit, aux populations de référence afro-maghrébine en générale et de confession musulmane en particulier,  notre collectif  entend :

  • travailler pour dénoncer la propagande islamophobe que tiennent certains grands médias,

 

  • porter les cas avérés d’islamophobie devant les tribunaux compétents et lutter pour que l’islamophobie soit reconnue comme un délit,

 

  • recenser l’ensemble des actes, propos et comportements islamophobes, ainsi que les témoignages des victimes,

 

  • informer tout un chacun sur la réalité de l’islamophobie et ses dangers qui mettent ainsi en péril la cohésion de notre pays,

 

  • promouvoir une citoyenneté active au sein des communautés visés par ces actes racistes pour contrer la haine et préserver les droits constitutionnels des individus,

 

  • réfléchir à l’alternative que constitue, pour nous citoyens français épris de liberté, la formation d’une force électorale indépendante Républicaine, face à la passivité des élus pour lesquels nous avons voté et dont aucun ne s’est élevé pour contrer ce racisme.

Et nous vous saurions gré Monsieur le Ministre, de nous apporter votre éclairage sur la croissance inquiétante de l'islamophobie qui frappe sous toutes ses formes les citoyens français de confession musulmane dans notre pays en général, ainsi que votre soutien pour que pour l’égalité des droits soit une réalité, que les libertés soient garanties et que les valeurs de la République soient sauvegardées.

La mission prioritaire de tout l'appareil politique et administratif étant en effet de veiller à apporter une égalité de traitement à l'ensemble des composantes de notre pays et de réprimer tous les actes racistes et les pratiques discriminatoires.

 

Nous vous adresserons, Monsieur le Ministre, au cours des prochaines semaines, un dossier complet comportant les cas avérés d’islamophobie raciste, des témoignages, analyses et pétitions au sujet de ce climat malsain que nous déplorons.

 

Dans l'espoir que vous accorderez une attention toute particulière à notre requête, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre considération distinguée.





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