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Points de vue

Les musulmans de France : de la victimisation à la responsabilisation

Rédigé par Hakim El Ghissassi | Jeudi 15 Janvier 2004 à 00:00

           

Le débat n'est pas autour de l'obligation religieuse ou non du hijab ou de la restriction de la liberté religieuse mais autour de l'avenir des musulmans dans le monde et en France et de ce qu'ils apportent dans un monde où ils sont relégués à la queue du peloton : taux élevé d'analphabètes, pauvreté, santé, marginalisation, absence de démocratie… sans parler de la perte des valeurs et de sens.



Nous avons tant entendu ces derniers mois des responsables et intellectuels musulmans parler de réforme, de contextualisation. Devant le premier examen critique, toutes ces pompeuses formulations ne sont plus d'actualité, une rigidité prend place, la victimisation et la confrontation prennent le dessus.

Le grand débat sur l'école va bientôt s'achever, quelle participation des musulmans à ce débat ? Quelles propositions ont été faites pour l'amélioration du sort de l'instruction de nos enfants musulmans ou pas ? Le fait religieux va être enseigné, quelle participation des instances religieuses musulmanes et des responsables associatifs ? Quels sont les débats et les réflexions qui ont été menés sur ces questions ?

L'expression musulmane s'est libérée à travers les sites Internet musulmans qui font office de caisse de résonance aux protestations et sur lesquelles nous ne trouvons presque rien sur les grands débats de la société française. Cette expression montre l'émergence d'une élite intellectuelle qui se cherche et risque de sombrer dans le communautarisme. Aussi, de plus en plus, les milieux religieux musulmans se communautarisent, créent autour d'eux plus d'animosité et construisent un imaginaire hostile à leur égard qui vient saper les efforts considérables déployés pour nouer des liens avec la société.

Quelles priorités aujourd'hui ?

La question religieuse dans la France laïque est une question virulente qui fait passer les protagonistes de l'objectivité à une subjectivité combative. Elle cache aujourd'hui les vrais débats de la société. Les demandes des quartiers populaires, où sont concentrées les populations de cultures musulmanes, ne concernent pas la question religieuse. Leurs préoccupations ont trait à la recherche d’un emploi digne, d’un logement digne, à ne pas être désignés du doigt à chaque action administrative ou publique, de ne pas être des suspects par essence, de ne pas être marginalisés politiquement, de ne pas être désignés comme musulman à chaque fois qu'un poste de haute responsabilité leur est attribué par mérite. Si la gauche a vendu du rêve à ces populations, elles ne sont pas prêtes à régurgiter le discours de la droite si celle-ci ne leur offre pas la place qu'elles méritent au sein de la société française comme citoyens français et européens à part entière.

Des prémisses d'organisations politiques sont en train de germer, elles visent à se prendre en main et à arracher avec d'autres et par le combat politique la place qui est la leur au sein de la société. Des dérives sont en train de voir le jour. Soutenir un parti politique musulman, c'est tomber dans le jeu de ceux qui désirent communautariser les musulmans, les marginaliser et les radicaliser. Une telle perspective créera une fracture sociale et une ghettoïsation des populations de cultures musulmanes, de telles initiatives sont à boycotter et à combattre.

Le faux débat sur l'islam parasite aujourd'hui l'effort qui doit être déployé pour lutter contre les discriminations. Nous espérons que le débat autour de cette question à l'occasion de l'installation de la nouvelle institution de lutte contre les discriminations se fera dans la sérénité et débouchera sur des dispositions concrètes pour des millions de citoyens français dans toutes leurs diversités.

Le débat sur une grande loi concernant l'emploi doit intéresser toute la société. Quant à la question de favoriser certaines couches de la population afin d’arriver à une espèce d’égalité des chances, les populations de cultures musulmanes n'ont pas besoin d'une discrimination positive mais elles ont besoin d'une reconnaissance de leurs compétences, des difficultés qu'elles rencontrent et des efforts considérables qu'elles déploient pour le vivre ensemble, elles appellent à l'équité, à la justice et au respect.

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Hakim El Ghissassi est directeur du magazine La Médina.




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